Prévenir la violence scolaire : plusieurs académies signent des conventions avec Serge Tisseron
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 25 janvier 2012.
Plusieurs académies signent une convention avec Serge Tisseron, pédopsychiatre, pour développer son programme "des trois figures" en maternelle. Sur la base d'un court scénario, les élèves jouent à tour de rôle l'agresseur, la victime et le redresseur de torts et développent ainsi un sentiment d'empathie.
Touteduc : Vous venez de signer plusieurs conventions pour former des psychologues scolaires au jeu des trois figures. Quels en sont les objectifs?
Serge Tisseron : Jusqu'à présent, je formais moi-même des enseignants qui le souhaitaient au jeu des trois figures. Les demandes étant de plus en plus nombreuses, j'ai obtenu de former une première promotion de psychologues scolaires en Ile-de France, qui formeront eux-mêmes les enseignants. J'ai également signé avec l'académie de Lille, la formation débute mi-février et une autre avec l'enseignement libre pour former les "maitres E". Et j'espère signer avec Rennes, Marseille, Bordeaux, et ensuite l'ensemble des académies. Le but étant que tous les enseignants qui le souhaitent puissent être formés.
Touteduc : En quoi consiste la formation?
Serge Tisseron : Les psychologues scolaires seront formés au protocole classique de ce jeu de rôle qu'est le jeu des trois figures. Ils assureront également un suivi, parce qu'il arrive qu'un enfant dise avoir vu et propose des images à contenu sexuel par exemple, ce qui nécessite un protocole particulier. Ce n'est pas le cas aujourd'hui en maternelle. Mais les enfants changent. Il y a 10 ans par exemple, les CM1-CM2 n'abordaient pas des sujets comme la pornographie ou le suicide comme c'est le cas aujourd'hui.
Touteduc: Que pensez-vous de la campagne contre le harcèlement à l'école que vient de lancer le MEN?
Serge Tisseron : C'est très important. En 2003, j'étais déjà très préoccupé par la violence en maternelle et à l'époque il fallait convaincre les académies de l'intérêt de mon projet. Je connais bien Eric Debarbieux qui considère d'ailleurs que pour lutter contre la violence scolaire, il faut s'y prendre le plus tôt possible, c'est-à-dire en maternelle.
Touteduc: Que pensez-vous des testes d'évaluation en maternelle ? (voir ToutEduc, Le test d'évaluation des élèves de maternelle présenté aux inspecteurs aujourd'hui)
Serge Tisseron : Je suis pour l'évaluation si elle reste anonyme. Cela permet de voir les évolutions des générations. En revanche, je suis tout à fait défavorable aux évaluations qui suivent les enfants dans leur scolarité. En outre, je suis contre l'idée d'un dépistage des comportements à risque, d'autant que j'ai pu constater maintes fois que les mêmes enfants pouvaient glisser d'un profil d'agresseur à celui de victime et vice versa. Mon travail vise à leur permettre de se défendre contre les comportements violents et non pas à les stigmatiser. Le risque est grand, lorsque ce sont les enseignants qui font passer les tests, que leur regard sur un enfant change en fonction de ses résultats et l'on sait les effets performatifs de ces prédictions.
Serge Tisseron sera présent au forum qui a lieu samedi prochain 28 janvier à Boulogne Billancourt sur la prévention prévenante organisé par le collectif "Pas de zéro de conduite" (ici)
Serge Tisseron est l'auteur de:
"Le jeu des trois figures en classes maternelles" éditions Fabert, 3,90 euros
"L'Empathie au cœur du jeu social", 2010, Albin Michel, 17 euros