Décrocheurs (ou "décrochés") : comment compter les absents ?
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le lundi 21 novembre 2011.
ToutEduc s'était étonné de l'affirmation de Luc Chatel, "223 000 lycéens sont sortis du système éducatif sans diplôme entre juin et octobre 2011" (L. Chatel : 223 000 décrocheurs et 70% de bacheliers, une contradiction que n'a pas relevée le "Grand jury"). Gérard Boudesseul, enseignant-chercheur auprès du centre associé du Céreq, à Caen, estime qu'il fallait vraisemblabement entendre "entre juin 2010 et octobre 2011". La fin de l'été voit chaque année un certain nombre d'élèves insatisfaits de leur affectation dans une formation, le plus souvent en CAP, ne pas se présenter à la rentrée.
Il ajoute qu'en Basse-Normandie, sur 2 400 "décrocheurs" (ou "décrochés") recensés sur une année, plus de la moitié viennent de CAP ou de BEP, dont beaucoup sont des "inscrits non réinscrits [à la rentréee]", 12 % préparaient un bac professionnel, 11% étaient en seconde, première ou terminale d'un lycée d'enseignement général et technologique, 18 % étaient au collège. Sachant que cette région représente approximativement 1/40 de la démographie scolaire, le nombre des décrocheurs, en supposant que l'extrapolation soit possible, serait de près de 100 000, mais il l'estime plutôt à 130 000, dont quelque 80 000 "inscrits non réinscrits".
Ce nombre est largement supérieur à celui donné par le recueil statistique du ministère selon lequel le nombre des jeunes sortis sans diplôme (ou avec le seul brevet des collèges) est, en 2009, de 122 000 sur un ensemble de 701 000 sortant de formation initiale. Les sorties de l'enseignement secondaire représentent 7,5 % des élèves. Cette proportion est obtenue en comparant les effectifs théoriques et les effectifs réels des classes, la recension étant effectuée par les établissements.
Le système pour repérer les "décrochés", le SIEI (système interministériel d'échange des informations) a été mis en place (ToutEduc, "Décrochés": une circulaire pour la mise en place du système d'information SIEI) pour identifier des jeunes qui échappent aux fichiers de l'Education nationale, et qui sont inscrits à Pôle emploi, ou qui sont chez leurs parents, et ne sont inscrits nulle part. Il fallait donc croiser tous les fichiers disponibles. Le premier chiffre donné dépassait les 300 000 décrochés sur 12 mois. "Mais beaucoup de jeunes passent d'un guichet à l'autre, et il a fallu éliminer les doublons, voire les triplons", ajoute Gérard Boudesseul. D'où le chiffre de 250 000 donné par Nicolas Sarkozy au mois de juin (ToutEduc, N. Sarkozy annonce une réforme du statut des enseignants). Il aurait été à nouveau affiné au mois de novembre, mais sur plus de 12 mois.
Pour schématiser, dans l'hypothèse d'une équirépartition des ruptures par année de scolarité, et si l'on admet que 4 ou 5 classes d'âge sont concernées (3ème, seconde générale ou professionnelle, 1ère et terminale générale ou professionnelle auxquelles s'ajoutent les formations plus longues d'un an pour l'ancien bac pro, surtout en CFA), le nombre de décrocheurs par cohorte serait de 130 000 à 150 000 divisé par 5, soit 26 à 30 000 environ, moins en réalité, car on décroche de 15 à 20 ans surtout pour les apprentis, et jusqu'à 24 ans si on inclut le public des missions locales que ne traitent pas les rectorats.
Gérard Boudesseul ajoute qu'en France, 25 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans et non scolarisés n'ont aucun diplôme. C'est ce qui constitue le "stock" alimenté par les décrocheurs, à l'exception de ceux qui retrouvent ensuite une formation.