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Les jeunes musulmans de Marseille réclament le respect de la laïcité (Fr. Lorcerie)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 09 novembre 2011.

Françoise Lorcerie (CNRS) est co-auteur d'un rapport sur "Les Marseillais musulmans" (voir ToutEduc, Les élèves musulmans de Marseille, pris dans les incompréhensions multiples (F. Lorcerie, V. Geisser)). Elle revient ici sur le chapitre consacré à la scolarisation de ces enfants.

ToutEduc : L'Ecole française est parfois décrite comme le lieu d'une discrimination sociale, voire ethnique. Avez-vous fait ce constat à Marseille?

Françoise Lorcerie : La ségrégation est un fait qui saute aux yeux dans cette ville que la Canebière coupe en deux. Au sud, 40 % des enfants sont dans le privé, et les établissements publics sont sans doute le lieu de plus de mixité qu'on ne le croit, mais on y compte très peu de musulmans. Ils sont dans les quartiers nord, où 21 collèges sont classés RAR [réseaux ambition réussite, transformés en ECLAIR, ndlr]. Cette ségrégation géographique, qui combine des facteurs sociaux, ethniques et culturels est entretenue du fait des acteurs sociaux, notamment dans le domaine du logement. Certains quartiers sont « protégés des musulmans ». On passe de la ségrégation à la discrimination. Ajoutons que dans ces quartiers, la pauvreté, la misère même est très impressionnante. Plus de 50 à 60 % des ces familles vivent en-dessous du seuil de pauvreté, le chômage atteint des sommets.

ToutEduc : L'Ecole participe-t-elle à cette discrimination?

Françoise Lorcerie : Non. Mais de nombreux enseignants, y compris ceux qui sont les plus attentifs aux enfants issus des milieux défavorisés, voient l'islam comme une menace, dont il faudrait protéger les élèves, surtout les filles. Comment les sauver de l'autorité des pères et des frères? Ils ne sont pas tous conscients de ce que ces familles sont extrêmement soucieuses de la réussite de leurs enfants, et désespérées quand ils sont en échec. Ils connaissent souvent très mal cette religion, et se tiennent à distance des associations ou des acteurs religieux du quartier où est implanté l'établissement. C'est dommage.

ToutEduc : Comment les familles ressentent-elles cette attitude des enseignants?

Françoise Lorcerie : Elles ne la comprennent pas. Pour elles, l'islam est un élément normatif très fort, il assure l'unité familiale, leur solidité psychologique et morale. On s'en rend compte notamment quand on interroge celles dont les enfants se sont vu proposer une place en internat d'excellence, et qui donc ont été en quelque sorte reconnues comme méritantes aux yeux de l'Ecole. Beaucoup sont très pieuses, les hommes ont "le cal de la prière" sur le front.

ToutEduc : Et comment les enfants réagissent-ils ?

Françoise Lorcerie : Ils ont le sentiment que l'Islam n'est pas traité à égalité avec les autres religions, le judaïsme ou le christianisme. Ils revendiquent l'égalité, donc la neutralité de l'enseignement public, et la laïcité !

ToutEduc : En quels termes se pose la question du voile ?

Françoise Lorcerie : En ce qui concerne les élèves, on assiste bien sûr, avec des adolescentes, aux jeux habituels d'opposition, et certaines le retirent aux portes mêmes de l'établissement. Mais il n'y a pas d'incidents sérieux. En ce qui concerne les jeunes mères, pour qui le fait de porter un voile, même un bandana, est une marque de leur dignité, un gage de leur sérieux, personne ne songe vraiment à leur interdire d'accompagner les sorties scolaires. Les écoles et les collèges ont assez de mal à faire venir les parents, à en avoir dans leurs conseils d'administration ou d'école, ou dans les conseils de classe. S'il faut en plus leur expliquer qu'elles ont le droit d'être voilées dans les réunions mais pas dans les sorties...

ToutEduc : Quelles solutions voyez-vous pour une amélioration des relations entre les établissements et les familles ?

Françoise Lorcerie : Il faut que les gens se rencontrent. Il faut bien les accueillir et les prendre au sérieux dans leurs demandes. Peut-être faut-il imaginer des "pôles éducation - culture" ouverts dans les établissements. L'idée fait actuellement son chemin.

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