Les élèves musulmans de Marseille, pris dans les incompréhensions multiples (F. Lorcerie, V. Geisser)
Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 13 octobre 2011.
"L’école m’a donné des méthodes de travail, des outils de compréhension, des moyens d’appréhender les choses, mais du point de vue de la citoyenneté, zéro. J’ai le sentiment que l’école m’a exclu de la communauté française plutôt que de m’en rapprocher." Ce témoignage figure dans le chapitre "L'Education" d'une étude, "Les Marseillais musulmans" publiée par "Open society foundations", rédigée par Françoise Lorcerie et Vincent Geisser (IREMAM-CNRS, Aix-en-Provence).
Les deux chercheurs constatent d'abord que les élèves de familles musulmanes "sont nettement majoritaires dans les quartiers Nord, les quartiers populaires de la ville" et que "65 % des candidats au baccalauréat général ont réussi dans les quartiers Nord,
contre 89 % dans les quartiers Sud". Ils listent les questions qui se posent, par exemple, le fait que "l’arabe [soit] une langue rare dans les écoles marseillaises", malgré les efforts d'une inspectrice qui "multiplie les efforts", ou les formes d'adhésion au "message scolaire" des enseignants d'origine musulmane. Ils évoquent aussi l'accueil d'élèves musulmans dans les établissements catholiques, où "les convictions religieuses sont respectées en tant que telles", alors que les écoles musulmanes sont "dans les limbes".
"Les aspirations éducatives des enfants issus de l’immigration sont élevées", mais beaucoup ont le sentiment que leurs enseignants manquent d'ambition à leur égard. Les deux chercheurs se tournent vers les parents, dont les attitudes sont très diverses, selon la nature des relations qu'ils entretiennent avec la société française. Beaucoup n'ont pas eu le sentiment que le système scolaire les aidait à s'y intégrer quand ils étaient eux-mêmes enfants.
Quant aux enseignants, ils perçoivent l’Islam "comme contraire aux valeurs de la République, en particulier en termes d’égalité des sexes (...) La principale réponse qu’ils apportent à la présence d’un grand nombre d’élèves de culture musulmane est l’éducation contre le sexisme et l’homophobie. Une partie des élèves s’insurgent contre ces activités, qu’ils considèrent comme une mise en cause de leur culture familiale."
L'étude est téléchargeable à partir du blog de Laurent Mucchielli (Le Monde), ici.