Lecture: vers un retour à la méthode syllabique?
Paru dans Scolaire le lundi 02 mai 2011.
L'association "Agir pour l'école", créée au mois de décembre par Claude Bébéar devrait prochainement "proposer des formations aux enseignants [sur] les méthodes d’enseignement de la lecture et des mathématiques préconisées par la recherche". Le Parler bambin, un programme de recherche derrière l'opération médiatique) et le programme lecture en cours dans l’académie de Lyon.
Cette expérimentation a été lancée dans des classes de REP de l’Ain, de la Loire et du Rhône à la rentrée 2010, et l'accent a été mis sur l'organisation des groupes, de façon que l'enseignant travaille avec un nombre très réduit d'enfants (voir notamment l'article de "Fenêtre sur cours", téléchargeable via l'OZP). Les fondements méthodologiques n'ont pas été médiatisés. Or le site académique l'annonce clairement, il s'agit de travailler "sur les ressources pédagogiques et les entraînements cognitifs produits par les éditions de la Cigale" et de s'appuyer sur les travaux de chercheurs dont Edouard Gentaz, Liliane Sprenger-Charolles, Stanislas Dehaene, spécialistes des approches neurologiques de la cognition, ainsi que sur des membres du laboratoire en sciences de l'éducation de Grenoble (qui compte M. Zorman parmi ses membres) et sur l'IREDU (Dijon). Aucun des chercheurs ayant travaillé sur d'autres approches de la lecture n'est cité.
A cette occasion, Stanislas Dehaene, Caroline Huron et Liliane Sprenger-Charolles ont publié un 4 pages, "les grands principes de la lecture", qui n'aurait dû être qu'un "document de travail", mais qui, selon des informations recueillies par ToutEduc, aurait été diffusé au-delà du périmètre de l'expérimentation à de très nombreux inspecteurs de l'Education nationale, avec une obligation de confidentialité. Pour les auteurs, "la psychologie expérimentale et l’imagerie cérébrale ont grandement clarifié la manière dont le cerveau humain reconnaît les mots écrits et se modifie au fil de cet apprentissage (...) Il importe que ces connaissances soient diffusées aux enseignants et soient mises en pratique dans les écoles."
Ce document ne fait à aucun moment allusion aux autres approches de la lecture et distingue 6 principes, l' "enseignement explicite du code alphabétique" (et de la combinatoire), "la progression rationnelle", l'association lecture-écriture, le "choix rationnel" des exercices (ne jamais utiliser des mots comportant des phonèmes ou graphèmes non encore appris, "au moins au cours des premières leçons") et le principe "d'effort, de plaisir et de récompense".
Ces "grands principes" sont accompagnés d'un second document, un "glossaire", qui présente, là encore, les principales notions d'une méthode syllabique modernisée.
La coïncidence entre le lancement de l’association Agir pour l'école, qui compte dans son comité directeur Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire, et celui de ce programme, ainsi que la discrétion entourant les outils méthodologiques qui l'accompagne, incite à s'interroger sur la volonté politique de reprendre avec d'autres moyens, moins spectaculaires, le mouvement lancé par Gilles de Robien qui avait dû renoncer à sa lutte contre "la méthode globale".
A noter que si le programme "Parler bambin" a été très largement médiatisé, cela n'a pas été le cas du programme Parler, qui mise également sur l'enseignement explicite de la concordance graphème-phonème.