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Le feuilleton (III,3) : La semaine de 4 jours

Paru dans Scolaire, La lettre le vendredi 21 novembre 2025.

Nous avons vu la semaine dernière (ici) à quelles difficultés avaient été confrontés, entre 2012 et 2017 les ministres, les écoles et les communes pour revenir à la semaine de 4,5 jours et je dois un aveu aux lecteurs de ToutEduc, lorsque le candidat Emmanuel Macron annonce son intention, s'il est élu, de "laisser aux communes (...) le soin d’organiser le temps périscolaire sans contrainte", je n'y ai pas cru. Je n'imaginais pas qu'on pût annuler ainsi, d'une phrase, sans aucune justification, les résultats d'une bataille aussi douloureuse, au moment où elle est gagnée, devant les tribunaux mais aussi dans la majorité des esprits. Dans la plupart des écoles, enseignant.e.s et animateurs/trices ont, le plus souvent, trouvé un modus vivendi. 

Fin mai 2017, le Gouvernement est à peine installé et Jean-Michel Blanquer revenu, en tant que ministre, "rue de Grenelle", ToutEduc publie le projet de décret qui permet un "élargissement du champ des dérogations à l’organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques" et qui permet au DASEN "d’autoriser des adaptations à l’organisation de la semaine scolaire ayant pour effet de répartir les heures d’enseignement hebdomadaires sur huit demi-journées réparties sur quatre jours". 

Le décret est publié fin juin et le 18 juillet, La Gazette des communes indique que "les petites communes se ruent sur la semaine de 4 jours" : "Sur un échantillon de 24 départements, ce sont près de 2 300 communes qui ont demandé et/ou obtenu de revenir en arrière." C'est le cas de 88% des communes de l’Oise, de 49 % des communes du Haut-Rhin et de 44 % des communes du Bas-Rhin. Dans Le Var, "76% des communes se sont vu accorder une dérogation pour la rentrée". Et "dans la majeure partie des cas, c’est la question des transports scolaires qui freine la décision des Dasen". Quelques uns font de la résistance, "les Pyrénées-Atlantiques où 100 communes sur 113 ont été recalées" et La Réunion où le Dasen a refusé "d’envisager tout retour aux 4 jours dès 2017". Selon l'AMF, "surpris  par l’ampleur du phénomène", les maires "subissent de plein fouet la pression des parents ainsi que celle des enseignants en conseil d’école. Ces derniers sont particulièrement remontés et le disent haut et fort."

Curieusement, cette velonté de revenir aux 4 jours varie selon les académies et les départements, dans l'académie de Poitiers, seules 9 % des communes le demandent, 13 % dans l'académie de Nantes, 15 % dans celle de Toulouse, mais 53 % dans le département de l'Aveyron. 

Le 29 août, le ministre annonce que le fonds de soutien versé aux communes restées à 4,5 jours pour le financement des TAP, les activités périscolaires, sera maintenu en 2018, J-M Blanquer est favorable à sa pérennisation et au développement de PEDT (projets éducatifs de territoire) de qualité. 

Le 22 novembre, l'AMF (Association des maires de Frrance) publie une synthèse des quelque 6 500 réponses au questionnaire qu'elle a adressé aux 21 000 communes ayant au moins une école. Il en ressort que, dans le cadre d'un retour aux 4 jours, la mise en place d’un accueil le mercredi matin a un coût moyen estimé à 148 € (par an et par élève). Le coût des 4,5 jours est estimé pour sa part à 208 €. Les élus évoquent les "fortes pressions locales qu'ils subissent, notamment de la part des parents d’élèves et des enseignants" et nombre d'entre eux regrettent l'absence d'évaluation préalable de la réforme. Ils ont "exprimé un sentiment de gâchis au regard des investissements consentis depuis 2013 ou 2014".

Le 13 mars 2018, l'AMF publie une enquête sur les communes restées à 4,5 jours. Elle constate qu'il est difficile de quantifier le nombre des petites communes "résistantes", mais cite Paris, Toulouse, Pau, Clermont-Ferrand, Arras, Metz, Épinal, Villeurbanne, Vénissieux, Nantes, Rennes, Issy-les-Moulineaux, Tulle, Bourg-en-Bresse, Niort, Angers, Vincennes...Certains élus en font une affaire personnelle, comme l'adjointe à l'éducation de Meudon, qui finira par céder à la pression. Mais à Toulouse comme à Niort, Clermont-Ferrand, Tulle, Ussel, Mérignac, la consultation des conseils d'école ou de diverses instances témoigne d'un attachement de la communauté éducative aux 4,5 jours, à Pau qui reste à 4,5 jours, si les familles sont satisfaites, ce n'est pas le cas des enseignants ...

Le 20 juin, Jean-Michel Blanquer, Françoise Nyssen (Culture) et Laura Flessel (Sports) détaillent "le plan mercredi" qui doit permettre de maintenir le développement des activités périscolaires malgré le retour à la semaine de 4 jours. Ce plan prévoit notamment que le financement par la CAF des activités organisées dans ce cadre passent de 54 cts à 1€ par heure et par enfant. Pour en bénéficier, les collectivités devront souscrire avec les services de l'Etat une "charte qualité". Au mois de novembre, selon l'enquête de l'AMF, 15 % des communes et intercommunalités ont mis en oeuvre ce plan dès la rentrée, elles sont à peu près autant à le mettre en oeuvre dans le courant de l'année, certaines (8 %) l'envisagent pour l'an prochain, et 6 communes sur 10 ne prévoient pas sa mise en oeuvre.

Selon les informations données à ToutEduc par le ministère, en 2025, "plus de 60 % des enfants du premier degré vivent dans une commune engagée dans la démarche, soit près de 6 000 collectivités", le ministère "réaffirme son engagement à faire du Plan mercredi un levier essentiel de l’épanouissement des enfants et de la cohésion des territoires", il voudrait en "pérenniser les acquis" et "accélérer son déploiement", il  reconnaît donc, implicitement que ce déploiement est en-deçà de ses attentes. 

Pour 2019, le PLF prévoit de limiter à 69 M€ le FSDAP (le fonds de soutien aux activités périscolaires) dans les communes qui resteront à 4,5 jours.

En 2021-2022, seules 1 462 communes sont bénéficiaires du fonds de soutien, pour un montant de 41M€. Le PLF 2024 prévoit de supprimer le FSDAP à compter de la rentrée scolaire 2024, après une baisse de moitié des aides à la rentrée scolaire 2023. Le fonds est finalement prolongé d'un an. Le PLF 2025 confirme l'extinction du FSDAP à la rentrée 2025, mais le fonds de soutien à l'innovation pédagogique pourrait être mobilisé pour les communes rurales restées à 2,5 jours. Aucune information n'a été publiée depuis.

Le sujet a disparu de l'actualité. ToutEduc a demandé à la DEPP (le service statistique de l'Education nationale) une évaluation des effets du passage à 4 jours sur les acquis scolaires, il nous a été répondu que ce n'était pas possible. Le programme de travail de l'Inspection générale ne prévoit pas non plus de se pencher sur le sujet. Mais la tentation du passage aux 4 jours n'est pas seulement française

Il se trouve que je suis tombé par hasard sur un article du Hechinger Report. Aux USA, 900 districts dans 26 Etats sont passés à la semaine de 4 jours. Un seul district est, par la suite, repassé aux 5 jours. Un père d'élève du Montana a porté plainte contre le district scolaire parce que celui-ci passait de la semaine de 5 jours à la semaine de 4 jours. Les journées, du lundi au jeudi seraient allongées de 45 minutes. Il estime que ses enfants vont servir de cobayes et il se fonde sur la thèse de Tim Tharp (ici), soutenue quelques années plus tôt. Il en ressort que ces 45 minutes ne sont pas propices aux apprentissages, et que les résultats sont nettement plus faibles dans les écoles à 4 jours, malgré un petit sursaut la première année de la transition. 

Depuis, une équipe de chercheurs de l'Université du Montana a poursuivi l'étude, qui a été publiée au mois de juin. En lecture, au niveau CE2, 63 % des élèves à 5 jours ont un niveau de maîtrise au moins satisfaisant, contre 48 % des élèves à 4 jours. En mathématiques, la différence est équivalente, 56 % vs 43 %. Les écoles à 4 jours avantagent les enfants blancs et hispaniques, les écoles à 5 jours sont bénéfiques pour les afro-américains, les Américains-indiens ("natives"), les asiatiques, les métis. Il semblerait que les districts à 4 jours reçoivent plus de candidatures d'enseignants, mais que les districts à 5 jours connaissent moins de turn-over (voir TE ici).

Une autre équipe, de la Brown university (Rhode Island, USA) a publié une méta-analyse sur plusieurs Etats. Elle constate que la semaine de quatre jours se généralise aux États-Unis et conclut à un effet négatif de la semaine de 4 jours sur les résultats des élèves, surout pour les "hispanics" et "natives", pour les filles et pour les écoles situées en contexte urbain, pour la lecture davantage que pour les mathématiques (ici, en anglais).

Pour mémoire, notre première "saison" portait sur "la maternelle à 3 ans" (ici, ici, ici), la deuxième sur "la prise du pouvoir par ceux qui prétendent incarner la science" (ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici).

Nous ferons la semaine prochaine une pause dans la publication du feuilleton





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