“80 % des tentatives de suicide chez les moins de 15 ans sont réalisées par des jeunes femmes“ (FondaMental)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 14 juin 2024.
“80 % des tentatives de suicide chez les moins de 15 ans sont réalisées par des jeunes femmes“, déclare Richard Delorme, responsable du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert Debré à Paris dans une interview publiée début juin pour la fondation FondaMental.
Le chercheur à l’Unité de génétique humaine et fonction cognitive (GHFC) à l’Institut Pasteur évoque la naissance, suite à la pandémie de Covid-19, du projet QIM Cassandre (ici), mis en place dans le but d'obtenir des informations fiables face au nombre croissant de passages aux urgences constaté chez les jeunes.
Déja, l'étude ENABEE, destinée à évaluer la prévalence des troubles chez les 6-11 ans (voir ToutEduc ici), a permis de constater que “les jeunes filles avaient très précocement une réduction forte de l’estime de soi en comparaison des jeunes hommes. En CP, elles ont une estime de soi similaire à celle des garçons, mais en fin de primaire, il existe déjà une différence significative.“
L'analyse s'est ensuite concentrée sur les passages aux urgences, puis ont été recueillies les données hospitalières de l’AP-HP (dossiers et comptes rendus textuels des patients) en intégrant l’intelligence artificielle pour rechercher des informations sur les tentatives de suicide, les antécédents personnels et familiaux. Cette dernière étape a ensuite été étendue a un large corpus qui n'a pas permis d'identifier de nouveaux facteurs de risque en ce qui concerne les tentatives de suicide. Elle a cependant permis de souligner que “les femmes victimes de violences sont particulièrement à risque, faisant de la prévention des violences un enjeu majeur de santé publique. Les violences physiques, morales ou sexuelles subies durant l’enfance sont des déterminants critiques de la santé mentale et physique, en particulier chez les femmes, mais aussi chez les jeunes gens.“
Les tentatives de suicide, poursuit Richard Delorme, “sont une réalité fréquente, résultant souvent d’une combinaison de facteurs sociaux, biologiques, génétiques, endocriniens et environnementaux. Au-delà des violences, les femmes présentent une vulnérabilité accrue par rapport aux hommes. Dès leur plus jeune âge, elles sont souvent sollicitées pour accomplir des tâches domestiques, s’occuper des plus jeunes de la famille et assumer une charge mentale plus élevée.“
Les femmes subissent ainsi “plus de violences, y compris le harcèlement et les nouvelles formes de violences en milieu scolaire“, d'autant que “ces vulnérabilités s’accumulent, amplifiant leur risque“. En outre, “les jeunes femmes peuvent également être plus sensibles à certains phénomènes environnementaux ou sociaux, comme les réseaux sociaux ou les conflits. Il est bien établi que les femmes possèdent généralement une empathie plus développée que les hommes, ce qui peut les rendre plus vulnérables à la dépression et à l’anxiété. Cette différence de vulnérabilité est visible dès l’école primaire et augmente avec l’âge.“
“Enjeu majeur de santé publique“, le chercheur souhaite faire de la santé mentale la Grande cause nationale en 2025. Malgré une prise de conscience, il estime que l’accès aux soins reste difficile, mais il considère néanmoins que le digital joue un rôle croissant en santé et en santé mentale, offrant pour les personnes isolées qui peinent à consulter des professionnels formés “un accès direct à des informations de qualité chez soi“ ainsi que des outils utiles pour soi-même ou pour ses proches.
L'interview ici