Formation des enseignants : les sénateurs veulent "redonner la main" à l'Education nationale
Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 06 juin 2024.
“L'Etat employeur doit avoir la possibilité de dire la formation qu'il entend mener“, estimait jeudi 6 juin Max Brisson (LR) lors de la présentation à la presse des conclusions du rapport de la mission d'information sénatoriale sur les modalités de formation des enseignants.
Avec sa consoeure Annick Billon (Union Centriste), les deux membres de la Commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport indiquent avoir “pris le train en marche“, suite à l'annonce de réforme de la formation des enseignants par le président de la République, afin de pouvoir peser sur les décisions à venir.
Parmi les 13 propositions, il est ainsi question de réformer la gouvernance des écoles de formation des enseignant, et donc de “redonner la main à l’Education nationale“ dans les futures ENSP, dont le président serait nommé par le recteur d'académie, lequel présidera également le conseil d’administration. L’Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR), sous tutelle du ministère de l'Education nationale, aura pour tâche d'évaluer les intervenants et les contenus pédagogiques proposés. La durée maximale de décharge totale pour enseignement (personnel enseignant, de direction ou d’inspection) dans les ENSP serait limitée à 5 ans pour “éviter une formation hors-sol“ pour les formateurs “de terrain“.
La plupart des autres propositions ont été élaborées pour répondre au “constat sans appel de la faiblesse de la formation actuelle“, dont les conséquences se répercutent notamment sur l'attractivité du métier d'enseignant, explique Annick Billon. La réforme engagée par Emmanuel Macron “va dans le bon sens a une condition, poursuit Max Brisson, qu'elle s'inscrive dans un continuum large“, un temps long car “en 2 ans ce n'est pas possible, ce métier est un métier difficile“.
Cela se joue en premier lieu au cours de la formation initiale, jugée à ce jour “inadaptée“ par Annick Billon (pas assez de stages, manque de préparation à la pédagogie) et poussant les jeunes recrues à des ruptures conventionnelles ou des démissions. D'ailleurs, 28 % des enseignants stagiaires ne se projetteraient pas à plus de 5 ans dans la profession.
Pour y remédier, il est recommandé d'effectuer davantage de stages dès les premières années post-bac. Dans le 1er degré, un stage serait réalisé dans une classe à plusieurs niveaux et un autre dans une école située en réseau d’éducation prioritaire ou une école “orpheline“. Dans le 2nd degré, une “banque des stages“ pourrait être créée dans les rectorats en lien avec les universités pour la réalisation de stages courts, tandis qu'ajouter des unités d'enseignement (UE) spécifiques dans les licences disciplinaires classiques permettrait d’acquérir “des connaissances sur le fonctionnement du système éducatif, la pédagogie ainsi que les attendus du métier (déontologie, obligation du fonctionnaire, gestion des conflits, ...)“.
Après le concours, il faudrait à l'inverse favoriser la poursuite de la formation académique à coté de la formation professionnelle via des modules disciplinaires pour approfondir ses connaissances. Max Brisson souhaite par ailleurs une réflexion sur la place des agrégés qui auraient, au regard du concours maintenu pour eux à bac+5, “vocation à enseigner en lycée en classes d’examen ainsi qu’en classe post-baccalauréat“.
Mais la formation ne s'arrête pas au Master 2. Pour les sénateurs, doit suivre une “formation continuée“ sur les trois premières années d'exercice après la titularisation, avec un référentiel conçu en conséquence, et 10 journées banalisées, “intégrées dans les emplois du temps, communes à l’ensemble de l’académie ou de la circonscription et connues dès le début de l’année pour permettre à l’enseignant, au chef d’établissement et aux services académiques en charge de son remplacement de s’organiser.“ Cela implique pour eux une unité de lieu pour avoir un cadre construit entre l’académie de formation post-concours et les premières années de titularisation. Les concours du CAPES, CAPET et CAPLP pourraient donc être régionalisés, à moins qu'ils restent nationaux “avec vœux académiques et affectation dans des écoles de formation en fonction du classement national“. “Lorsqu'on parle de régionalisation on sait que ça fait débat“, précise Annick Billon, tandis que le maintien du concours national “fait écho à ce qui existe déjà en médecine“.
La formation continue, elle, interpelle les sénateurs du fait de “choses inscrites dans la loi qui ne sont pas appliquées“. Ils constatent que près des deux tiers des crédits engagés à ce titre en 2023 n’ont pas été consommés, mais directement réaffectés pour d'autres lignes budgétaires. Comme dans le 1er degré, il faudrait 18h de formation pour les enseignants du 2nd degré, et associer l'obligation légale de formation “à des contreparties“, pour devenir un point de passage obligé dans le cadre de l’évolution de carrière. Mais “on peut seulement imaginer cela avec la mobilisation du ministère“, considère Annick Billon. Peu attractive dans ce qu'elle propose aujourd'hui, la formation continue se fait en outre parfois hors les murs et même hors du système, c'est pourquoi les sénateurs préconisent en outre une labellisation pour différentes entités telles que les sociétés savantes, les syndicats ou les associations disciplinaires.
Les rapporteurs souhaitent également que les étudiants de M2 ne passent pas 50 % de leur temps en responsabilité devant des élèves car cela “conduit à sacrifier son temps de formation théorique“ pour préparer les classes et les cours, quantd un rapport idéal serait 2/3 de théorie et 1/3 de pratique.
Enfin, les sénateurs plaident pour une “formation de qualité pour tous les lauréats des concours“, et s'opposent à ce que les lauréats du futur concours titulaire d’un master 2 ne fassent qu’une année de formation. Pour les professeurs “en deuxième carrière“, à savoir en reconversion professionnelle mais sans expérience en termes d'enseignement, est demandée la mise en place d'une compensation financière pour que leur salaire se rapproche de celui de leur ancienne carrière.
Les recommandations ici