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L'éloignement et le manque de mobilité entravent l'avenir des jeunes ruraux (enquête Terram / IFOP)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le vendredi 31 mai 2024.

“Grandir dans un territoire rural, c’est être loin d’un grand nombre d’opportunités“ constatent l’Institut Terram et Chemins d’avenirs dans une étude sur la mobilité sociale et géographique des jeunes ruraux publiée lundi 27 mai.

L'enquête menée en collaboration avec l'IFOP questionne spécifiquement les jeunes ruraux et leurs contraintes, 2 039 interrogés dans ce cadre, du fait qu'ils ne sont “presque jamais intégrés dans la conception et la mise en place des politiques publiques ou des dispositifs privés.“

Territoire familier

Au départ, ils se trouvent pourtant davantage “en territoire familier“ que leurs homologues urbains : 8 sur 10 disent avoir passé les dix premières années de leur vie à la campagne ou dans une petite ville, tandis que les jeunes urbains ont “des expériences variées en termes de territoires“, déclarant avoir grandi dans une ville moyenne (29 %), une métropole (27 %), une petite ville (20 %) ou à la campagne (18 %)

De quoi créer, selon le sociologue Benoît Coquard, “une sorte d’entre-soi populaire“, avec des jeunes ruraux pour qui “vivre à la campagne n’est pas vécu comme une frustration sociale“. D'ailleurs, plus les jeunes résident dans des territoires peu densément peuplés, plus ils sont nombreux à déclarer avoir une vie sociale importante (71 % pour les jeunes ruraux, contre 66 % pour leurs homologues urbains). De ce fait, 48 % des jeunes ruraux désirent rester dans leur territoire (contre 41 % des urbains), un désir de rester qui monte à 55 % des jeunes ruraux aisés, pour seulement 43 % de ceux issus de milieux populaires.

Mobilité

Mais l’enjeu pour les auteurs de cette étude “est avant tout de pouvoir bouger“, dans un quotidien “sous-tendu par l’éloignement, rythmé par les déplacements". Or dans ces territoires ruraux (communes peu et très peu denses où résident un quart des jeunes de 15 à 29 ans), cet éloignement oblige à parcourir des kilomètres pour se rendre au lycée, à un rendez-vous médical, à un entretien d’embauche, pour accéder à la culture ou suivre des études. La possession d’une voiture au foyer se révèle donc essentielle : “ceux qui en possèdent une sont 70 % à estimer avoir une vie sociale importante, soit 14 points de plus par rapport à ceux qui n’en ont pas“.

Au niveau scolaire, 94 % des jeunes ruraux sont scolarisés hors de leur commune. En moyenne, ils habitent à 11,3 kilomètres du collège et à 23,2 kilomètres du lycée. “Les collèges les moins éloignés se situent très majoritairement dans les grandes agglomérations, et les collèges les plus éloignés le long de la ‘diagonale du vide‘, ainsi que dans les zones de montagne et en outre-mer“ : parmi les collèges les plus éloignés, près de 7 sur 10 sont implantés dans une commune rurale. Et en conséquence, l’orientation des élèves en fin de classe de troisième serait “en partie corrélée à cet éloignement : plus un collège est éloigné, moins le passage en classe de seconde générale ou technologique est fréquent (57,2 % des élèves de classe de troisième passent en seconde générale ou technologique dans les 10 % des collèges publics les plus éloignés, contre près de 70 % pour les collèges du premier décile).“

Couperet

Il y a aussi l'’envie de vivre ailleurs qui évolue avec l’âge. Au sortir du collège, 45 % des jeunes ruraux expriment ce désir, un chiffre qui atteint 59 % chez les élèves de terminale, quelle que soit la filière. Mais “la fin du lycée cristallise l’enjeu : faudra-t-il quitter le foyer familial pour poursuivre des études, le plus souvent situées loin de la campagne et des petites villes ? Le temps de l’orientation agit alors comme un couperet.“

D'autant que l'éloignement a des implications directes sur les choix d’orientation car les coûts financiers d’une poursuite d’études, impliquant une décohabitation familiale, des frais de transport ainsi qu’une hausse du coût de la vie en ville, concourent à l’intériorisation d’un véritable évitement des filières les plus considérées, qui sont également les plus urbaines“. Ainsi “les jeunes ruraux qui peuvent partir le font ; ceux qui ne le peuvent pas alignent leurs aspirations sur cet empêchement. Ils feront partie de ceux qui restent et se convainquent que c’est le bon choix.“

En matière d'études également, les renoncements se multiplient, les jeunes ruraux font preuve d'autocensure : 48 % choisissent des études supérieures qu’ils qualifient d’ambitieuses, contre 67 % chez leurs camarades d’agglomération parisienne. S'ensuit une “assignation à résidence“, de quoi “renforcer le déterminisme territorial – qui peut lui-même être renforcé par des déterminismes sociaux et/ou de genre. Dans la pratique, la mobilité (ou son absence) reste vecteur d’inégalités.“

En effet, au fil des ans, “les effets dus à l’éloignement provoquent chez les jeunes ruraux une moindre adéquation de leurs profils aux critères de sélection.“ Face à une “accumulation d’entraves“ qui façonne le présent et l'avenir des jeunes ruraux, il s'agit pour les auteurs de cette enquête d'appeler “à un changement de paradigme, pour que ces paramètres soient enfin pris en compte par les pouvoirs publics et les dispositifs d’égalité des chances“.

L'enquête ici

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