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Les questions que pose le modèle économique des crèches privées lucratives, et son rôle sur la qualité de l'accueil du jeune enfant (rapport, Assemblée nationale)

Paru dans Petite enfance le lundi 27 mai 2024.

Pris dans le “cercle vicieux de la défaillance“, le fonctionnement de l'accueil des jeunes enfants en crèche “est à bout de souffle“, estime Sarah Tanzilli, rapporteure de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements.

Or, selon la députée (Renaissance), les défaillances identifiées après six mois de travaux “ne sont pas issues du caractère privé de certaines crèches, ni de la présence de fonds d’investissement“, mais seraient davantage de nature “systémique“, résultant “du modèle économique et des règles de fonctionnement des crèches“.

Elle considère en effet que c'est plutôt la “dérégulation“ qui aurait “tiré vers le bas la qualité d’accueil des enfants et les conditions de travail des professionnelles de la petite enfance“, donnant lieu à de nombreuses difficultés :  “complexité kafkaïenne, sous-financement chronique, insatisfaction des usagers et des personnels, multiplication des dérogations“...

Parmi les mesures proposées dans le rapport, dont de nombreuses propositions avaient déjà été mentionnées par Sarah El Haïry lors de son audition par la commission d'enquête (voir ToutEduc ici), il est donc question pour la députée de supprimer le mécanisme de la réservation de berceaux par les employeurs, fondé sur le Crédit d’impôt famille (CIFAM) car jugé incompatible avec l’égalité d’accès au service public du fait qu'il crée “un véritable coupe-file pour ces enfants ‘plus rentables‘ que les autres“. En outre, ce mécanisme “entraîne des frais de commercialisation élevés, via des brokers de berceaux, soit des services de commercialisation de berceaux, indépendants des crèches dans lesquels sont accueillis les enfants, qui n’ont pour seule vocation que de servir d’intermédiaire à l’achat et la revente de berceaux aux entreprises, avec des frais de commercialisation opaques“.

Contre-rapport

Mais faut-il aller plus loin dans la régulation du secteur ? C'est ce que proposent plusieurs députés LFI (Sophia Chikirou, Anne Stambach-Terrenoir et Elise Lebouche) dans un contre-rapport piloté par William Martinet, l'initiateur de la commission d'enquête qui s'est retrouvé “évincé“ de ses postes clés. Le document dénonce un gouvernement qui, après 20 ans de “marchandisation à marche forcée“ du secteur de la petite enfance en faveur du privé à but lucratif, “n’a plus prise sur rien“. Ainsi le système décrit est “coûteux pour les financements publics et les parents (davantage que les crèches publiques et associatives), rémunère moins bien ses professionnelles et pose davantage de problèmes de qualité d’accueil des enfants“, avec par exemple 93 % des cas de fermetures administratives (décision du préfet lorsque la sécurité des enfants n’est plus assurée) qui concernent des crèches privées lucratives.

De plus, les travaux de la commission d’enquête ont selon les quatre députés “démontré que les promesses en termes de création de places ou de revalorisation de professionnelles ne seront pas tenues.“ Ils souhaitent dès lors “le gel des ouvertures de places du secteur privé lucratif“, tout en revendiquant à moyen et long terme “l’ouverture de places dans le cadre du service public“ pour faire “refluer“ la marchandisation, ainsi que la “réduction progressive des financements publics à destination du privé lucratif“ (notamment le CIFAM évoqué ci-dessus).

Droit opposable, communes, taux d'encadrement

Autre proposition, “viser un droit opposable à l’accueil des jeunes enfants pour les familles“ comme c'est déjà le cas en Angleterre, au Danemark, en Suède, en Finlande ou en Islande. “Au début des années 2000, explique le rapport (officiel), l’Allemagne présentait un retard important en matière d’accueil du jeune enfant puisque 10 % seulement des enfants de moins de trois ans étaient accueillis à l’extérieur de la famille, contre la moitié en France. Cependant, dès 2014, le taux de recours aux structures d’accueil collectif (EAJE et écoles maternelles) a atteint 27 % contre 20 % en France.“

Concernant le rôle des communes, le contre-rapport évoque l'idée de “faire de l’accueil des jeunes enfants un compétence obligatoire des communes, financée par une dotation de l’Etat“. Les députés LFI déplorent un système de tiers financeur “dans l’impasse“, sans obligation ni moyens pour créer des places et conduisant à un “mécanisme de déresponsabilisation“. De son côté, le rapport officiel souligne le rôle organisateur de la commune qui “doit devenir l’interlocutrice unique de l’accès à une solution d’accueil pour les familles“ autour d'un guichet unique de l’accès à une solution d’accueil sur son territoire avec un portail national unique de demande d’une solution d’accueil.

Pour favoriser la qualité de l'accueil, il est question d'aborger “les dispositifs dérogatoires et moins-disant mis en place depuis le décret Morano et la réforme NORMA“ pour les députés insoumis, tandis que la rapporteure évoque l'importance d'augmenter le nombre de personnels présents par enfant avec un adulte pour 5 enfants d’ici 2027 et un adulte pour 4 enfants d’ici 2030 afin d'assurer “un taux d’encadrement aligné sur les standards européens, et qui permette aux professionnels de bien faire leur travail“.

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