Opinions sur l’École et l’éducation, Semaine du 13 au 19 mai 2024 (Philippe Watrelot)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le lundi 20 mai 2024.
Comme chaque semaine, Philippe Watrelot nous propose sa sélection des tribunes et débats qui agitent le système éducatif.
Les prises de position et les tribunes de la semaine reflètent la diversité des thèmes qui agitent le monde de l’éducation. On notera cependant l’importance des réflexions autour de la réforme de la formation avec des tribunes qui se répondent et se confrontent mais aussi une tentative de définir ce qui devrait être enseigné en formation avec l’excellent texte de Vincent Grosstephan, Bernadette Kervyn et Patrick Picard.
Plusieurs tribunes sont aussi très politiques avec d’abord l’entretien des ministres Belloubet et Khattabi sur l’inclusion mais aussi des prises de position des écologistes et du Parti Socialiste sur la mixité sociale ou les dernières réformes.
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Le « choc des savoirs » est un projet de société
Laurence De Cock livre dans cette tribune une analyse sans concession du projet pour l’École lancé par Gabriel Attal et porté aujourd’hui par Nicole Belloubet. "Tout semble passer crème alors qu’il s’agit de la réforme la plus régressive qu’ait connu l’Éducation nationale depuis le régime de Vichy", s’indigne l’historienne qui interroge la conscience des un·es et des autres : "À ceux que l’idée de sélection ne répugne pas parce qu’elle active une petite touche de fierté personnelle je demande ceci : que pensez-vous de l’élimination qu’elle engendre en retour ? N’aurions-nous pas un peu honte de l’avoir accompagnée ? »
Laurence De Cock dans Le Café Pédagogique le 13 mai 2024
https://www.cafepedagogique.net/2024/05/13/le-choc-des-savoirs-est-un-projet-de-societe/
Autorité à l’école : éduquer ou punir ?
« Ces derniers temps, la question d’un déficit d’autorité auprès des jeunes et des sanctions nécessaires pour remédier à cette situation s’est invitée à la 'une' de l’actualité. Vendredi 3 mai, le ministère de l’Éducation nationale a d’ailleurs lancé une grande concertation sur le respect de l’autorité à l’école qui doit durer huit semaines.
Quand il s’agit d’autorité, les discours invoquent souvent de façon quelque peu nostalgique un passé qui serait malencontreusement révolu et où le problème aurait été mieux traité et résolu. La période qu’ils prennent pour référence correspond à celle de la fondation de l’école de la IIIe République.
Il est vrai que la question de la discipline a fait l’objet d’une très grande attention de la part des penseurs de cette école républicaine. En témoigne le fait qu’ils ont participé à une 'Commission' spéciale sur ce sujet à partir de 1888 qui a abouti aux recommandations et décisions de 1890. Il n’est pas inutile de revisiter ce moment, d’autant que ce qui a été dit et décidé alors est plus complexe qu’on ne le croit et peut encore faire sens aujourd’hui. »
Claude Lelièvre - The Conversation le 13 mai 2024
https://theconversation.com/autorite-a-lecole-eduquer-ou-punir-229334
"L’éducation ne se résume pas à l’absorption de principes abstraits ou de techniques"
L’éducation est capital(e). Capital ? Comme une marchandise en vue de « l’employabilité » ? Comme une donnée comptable à faire fructifier ? L’éducation doit se penser à l’aune d’autres notions, peut-être même se penser contre elle-même quand il s’agit d’apprendre à douter de ce que l’on sait ou croit savoir : elle est capitale, expliquent les signataires de cette tribune collective dans « Marianne ».
Tribune collective par Sandrine Ansart , Raffi Duymedjian , Fiona Ottaviani , Hugues Poissonnier et Dominique Steiler dans Marianne le 13/05/2024
C’est pour ton bien !
« En déplacement dans un internat pour décrocheurs fin avril à Nice, Gabriel Attal a répondu un « c’est quoi, ça ? » courroucé à un enfant qui lui disait « il est méchant, Macron » : ce n’est pas de l’éducation mais du conditionnement moral. Le même jour, devant les caméras des chaines de télévision, il humiliait des adolescents, contraints de dire que leurs mères les avaient inscrits contre leur gré dans l’un de ces internats, puis d’assurer, contrits, qu’ils avaient compris pourquoi.
Vous l’entendez, la morale des années 50 ? Vous le voyez, ce parent giflant son enfant en lui assénant « tiens, c’est pour ton bien ! » ? […] »
Editorial de Cécile Blanchard pour les Cahiers Pédagogiques le 13 mai 2024
https://www.cahiers-pedagogiques.com/cest-pour-ton-bien/
Former les enseignants, mais à quoi ?
« Si l’actualité regorge de bonnes raisons de réagir, de s’insurger, de se mobiliser, nous prenons le parti d’essayer de mettre des mots sur des principes et des objectifs remis à plat, par envie de mettre les questions de fond au cœur des échanges, des controverses ou des propositions », écrivent Vincent Grosstephan, Bernadette Kervyn et Patrick Picard. « Pour ce faire, nous allons essayer d’évoquer cinq dimensions enchâssées, avec l’ambition de prendre en compte cette complexité pour parler de la formation initiale des enseignants… »
Vincent Grosstephan, Bernadette Kervyn et Patrick Picard dans Le Café Pédagogique le 14 mai 2024
https://www.cafepedagogique.net/2024/05/14/former-les-enseignants-mais-a-quoi/
Yannick Trigance : Monsieur le Président, votre école n’est pas la nôtre !
Yannick Trigance, conseiller régional, interpelle le Président de la République à la suite de la publication d’une interview dans la Tribune Dimanche. Pour le spécialiste des questions d’éducation, l’école portée par Emmanuel Macron est une école qui « fleure bon la naphtaline ».
Le Café pédagogique le 14 mai 2024
Réforme de la formation : c’est non pour le Conseil national des Universités
« À la suite des déclarations du président de la République et des documents transmis de façon non officielle aux syndicats sur la réforme de la formation des enseignants, la 70e section du Conseil National des Universités, constituée de l’ensemble des enseignants-chercheurs en Sciences de l’Éducation et de la Formation sur le territoire français fait part de ses vives inquiétudes et demande un moratoire d’un an pour définir, sur la base d’une large concertation, le cadrage du problème de la formation des enseignants et plus largement de l’école et de l’Éducation nationale.
Le Café pédagogique le 14 mai 2024
« Les professeurs n’ont pas renoncé à faire comprendre l’utilité de la politique, mais la tâche est ardue »
Face à des lycéens déjà sensibilisés aux valeurs et aux institutions de la République, les professeurs aimeraient pouvoir s’appuyer sur un « minimum d’exemplarité » de la part des élus, explique, dans une tribune au « Monde », l’enseignant en sciences économiques et sociales Claude Garcia.
Claude Garcia Le Monde [€] du 14 mai 2024
« Il faut intégrer la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris »
L’enjeu prioritaire est d’ouvrir, par la mobilité et la mixité sociale, l’horizon d’enfants qui vivent en Seine-Saint-Denis, mais aussi celui des Parisiens, explique l’ancien recteur Jean-Claude Fortier dans une tribune au « Monde ».
Jean-Claude Fortier, Ancien recteur d’académie - Le Monde [€] du 14 mai 2024
Réforme de la formation des enseignants : « Non à un recrutement au rabais »
Opposés à une réforme qu’ils considèrent comme hâtive, quatre représentants et membres d’associations disciplinaires en sciences de la vie et de la Terre et en biologie demandent, dans une tribune au « Monde », une véritable formation scientifique, disciplinaire, didactique et professionnelle des futurs enseignants.
Tribune collective d’associations disciplinaires en sciences de la vie et de la Terre et en biologie – Le Monde [€] du 14 mai 2024
« Nous voulons que les programmes de sciences économiques et sociales soient allégés dès juin et qu’ils soient réécrits »
Petite victoire pour l’Association des professeurs de Sciences économiques et sociales (Apses). Créée en 1971, la structure qui regroupe plus de 2 300 enseignants de la discipline, soit plus de 40 % d’entre eux, s’est mobilisée contre la lourdeur des programmes de SES et leur cloisonnement disciplinaire. Ils ont obtenu du ministère de l’Education nationale un allègement pour l’année prochaine.
Mais l’Apses souhaiterait que les épreuves du baccalauréat soient allégées dès cette année. Et que les programmes soient réécrits afin de faire plus de place à l’interdisciplinarité et à des thèmes importants comme l’écologie.
Enseignante à Villefranche-sur-Saône et coprésidente de l’Apses, Amandine Oullion revient sur ces revendications.
Amandine Oullion, coprésidente de l'Apses dans Alternatives Économiques [€] le 17 mai 2024
Du mauvais usage des écrans à l'école, ou quand c'est le prof qui dissipe ses élèves
Si les écrans ne sont pas à bannir, et offrent des supports inégalés pour certains cours, leur usage en classe glisse souvent vers « l’edutainment », néologisme où l’éducation rejoint le divertissement, regrette la chroniqueuse Audrey Jougla, professeure de philosophie dans un lycée à Nantes.
Marianne [€] le 14 mai 2024
Ségolène Royal : « Pour les mineurs délinquants, la sanction est une éducation »
Le premier délit commis par un mineur ne doit jamais être considéré comme banal, explique Ségolène Royal. L’ancienne ministre et finaliste de la présidentielle de 2007 prône une série de solutions pour favoriser le bien-grandir des enfants et adolescents.
Le JDD le 13 mai 2024
Rachid Zerrouki, enseignant : « La gauche doit avoir un discours sur la question du temps d’écran des jeunes »
Engagé à gauche, Rachid Zerrouki, enseignant à Marseille auprès d’élèves en décrochage, s’alarme du temps qu’ils passent sur les réseaux sociaux. Il plaide pour que son camp politique, qui craint les procès en technophobie, s’empare enfin d’un dossier qui touche en premier les plus vulnérables.
Le Nouvel Obs [€] le 14 mai 2024
Combien de temps allons-nous supporter encore le racisme envers les élèves asiatiques ?
La chroniqueuse, Mara Goyet, professeure dans un collège, dresse un bilan amer d’un cours de sensibilisation au racisme anti-asiatique. Parce qu’elle apparaît sans gravité à ses jeunes auteurs, cette discrimination reste extrêmement difficile à combattre en classe.
Mara Goyet Le Nouvel Obs [€] le 15 mai 2024
Posture ( et imposture) d’un « sursaut’’ disciplinaire
Pour Claude Lelièvre, l’autorité prônée par Gabriel Attal relève de « l’imposture facile », voire « flagrante ». L’historien, qui revient sur l’évolution de la place de l’autorité à l’école, explique que si mai 68 est vu comme un moment charnière en matière de questionnement de l’autorité, les postures autoritaires, et violentes, étaient toujours d’actualité il y a moins de quarante ans…
Claude Lelièvre dans Le Café Pédagogique le 15 mai 2024
https://www.cafepedagogique.net/2024/05/15/posture-et-imposture-dun-sursaut-disciplinaire/
Développement de l’enfant et démocratie, de la coopération à la compétition : le choc des programmes de la maternelle
Christian Deligne propose aux lecteurs et lectrices du Café pédagogique une étude comparative du programme de français de 2015 et des projets de programme 2024. « En lisant successivement les programmes de 2015 et le projet de 2024, j’ai été frappé le changement de société imposé » écrit-il. « Mes formations de professeur de Sciences Naturelles, puis de permanent d’ATD Quart-Monde, puis d’instituteur Freinet et enfin d’animateur de groupe Balint enseignant dans l’AGSAS ont guidé mon analyse. Il m’a semblé qu’il suffit de juxtaposer les deux textes pour que la vérité saute aux yeux, pas besoin de grandiloquence ».
Christian Deligne dans le Café Pédagogique le 15 mai 2024
Jean-Pierre Obin, le lanceur d’alerte
Il y a vingt ans, l’inspecteur général mettait les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur les signes religieux à l’école. Depuis, la tendance s’est accentuée, les violences ont explosé, et une nouvelle génération de profs conteste à son tour la laïcité.
Grand entretien avec Jean-Pierre Obin dans Causeur [€]
Le 14 mai 2024
https://www.causeur.fr/jean-pierre-obin-le-lanceur-d-alerte-laicite-islam-ecole-282511
Pourquoi avons-nous besoin d’une théorie de la justice scolaire ?
Si les annonces de Gabriel Attal ont au moins contribué à mettre l’école au centre de l’attention, elles ne l’ont fait qu’à travers le prisme du maintien (ou du rétablissement) de l’autorité sur les élèves et de la méritocratie supposée du système scolaire. Parce que le débat et les polémiques manquent de hauteur, il s’avère nécessaire de s’interroger sur ce que serait réellement une école juste et égalitaire.
Guillaume Durieux- AOC [€]
https://aoc.media/opinion/2024/05/15/pourquoi-avons-nous-besoin-dune-theorie-de-la-justice-scolaire/
Pour une école émancipatrice, offrant de réelles conditions d’apprentissage à toutes et tous
32 élu·es Les Écologistes demandent des moyens financiers et humains pour l’éducation. « Gabriel Attal, pétri de préjugés tout autant que d’ignorance de la réalité de terrain, choisissant d’ignorer les sciences de l’éducation et du social, nous ressort les vieilles lunes réactionnaires en stigmatisant en particulier les jeunes des quartiers populaires et leurs familles », écrivent-ils dans cette tribune pour le Café pédagogique.
Le Café Pédagogique le 16 mai 2024
Mixité sociale : nouvelle proposition de loi sur la modulation de l’allocation des moyens
Boris Vallaud et Fatiha Keloua-Hachi, tous deux députés du Parti Socialiste, déposent aujourd’hui une proposition de Loi au Parlement en faveur de la mixité sociale. Allocation des moyens en fonction de l’IPS dans le public, mais aussi dans l’enseignement privé sous contrat et création de commissions départementales pour la mixité scolaire sont au programme de celle-ci. Boris Vallaud, député et président du groupe PS à l’Assemblée, répond aux questions du Café pédagogique.
Le Café Pédagogique le 17 mai 2024
https://www.cafepedagogique.net/2024/05/17/263009/
Ecole inclusive : Fadila Khattabi et Nicole Belloubet proposent « un changement de paradigme »
Les ministres Fadila Khattabi, chargée des personnes handicapées, et Nicole Belloubet, à la tête de l’éducation nationale, annoncent la création de pôles d’appui à la scolarité pour « donner la priorité à l’accessibilité de l’école », avec l’aide notamment de professionnels du médico-social.
Le Monde [€] du 16 mai 2024
Education au développement durable : un enjeu politique partout
L’éducation au développement durable, quand elle sort de la périphérie des enseignements et aborde les enjeux sociaux, économiques et politiques de la durabilité, peut devenir un puissant levier d’action collective et de formation démocratique. Panorama de la question avec le dernier numéro de la Revue internationale d'éducation de Sèvres.
Jean-Pierre Véran – Blog Médiapart le 16 mai 2024
La mobilisation contre la réforme de la formation mérite mieux que cela !
La réforme de la formation des enseignants devrait être mise en œuvre à la rentrée prochaine. Mais les textes ne seront présentés aux syndicats que le 11 juin ! On s’achemine vers une énième usine à gaz dans l’improvisation et la confusion. Mais pendant ce temps là, on débat sur la place des concours et une supposée « régression » du niveau de recrutement. Ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
Philippe Watrelot – Blog Médiapart le 18 mai 2024