La garde des enfants de moins de 3 ans sous la loupe des chercheurs.
Paru dans Petite enfance le jeudi 02 septembre 2010.
"La question de la garde des enfants est bien un aspect crucial de la 'double émancipation' féminine, qui combinerait présence sur le marché du travail et participation des pères aux tâches domestiques, mais elle est aussi plus que cela". Et si une plus grande participation des hommes et des institutions publiques à la garde des enfants s'avérait, à long terme, rentable en terme économique? Xavier Molénat (Sciences Humaines) souligne, s'appuyant sur des travaux d'économistes, que si la garde des enfants de moins de 3 ans reste pour l’essentiel une prérogative maternelle, "des considérations économiques pourraient changer la donne, car, paradoxalement, cette situation se révèle fort coûteuse pour la collectivité…".
Les études montreraient qu'en France, la mise en place du système d’allocations de congé de parentalité (550 euros mensuels actuellement) a incité essentiellement les mères à interrompre leur carrière professionnelle: "Un dispositif qui s’appuie donc sur une conception traditionnelle des rôles familiaux et qui, de prime abord, semblait nettement moins coûteux que la création de places dans les crèches", résume X. Molénat dans son article.
L'auteur convoque aussi les études du sociologue Gøsta Esping-Andersen, selon lequel le système d’allocations parentales existant en France, économe en apparence, comporteraient en fait "de nombreux coûts cachés". Gøsta Esping-Andersen s’est livré à une simulation pour comparer le coût de la garde d’enfants de 1 à 6 ans, les gains salariaux que cela représente pour la mère qui continue à travailler, et finalement le profit que l’État retire de ces salaires (cotisations sociales, impôts…). D’après lui, "les femmes qui bénéficient d’un mode de garde subventionné finissent par rembourser (avec intérêt !) la subvention initiale". "Ce que l’État économise sur les systèmes de garde se retrouve au final dépensé en lutte contre la pauvreté (revenu de solidarité active, allocation parent isolé, minimum retraite…). Symétriquement, une femme qui ne perçoit plus de salaire, ou un salaire moindre parce que sa carrière a été interrompue, représente autant de cotisations sociales, et donc de recettes, en moins pour financer par exemple les systèmes de retraite qui, on le sait, en auraient bien besoin", résume X. Molénat.
En Suède, un dispositif assurerait une plus grande participation des pères aux tâches parentales, un taux d’activité féminine supérieur de dix points à la France, et un recours nettement moins fréquent au temps partiel. Le fruit d'un choix économique: les dépenses liées à l’éducation et à la prise en charge des enfants de 0 à 6 ans représentent plus de 2 % du PIB, contre 1 % en France. Mais là encore, pointe X. Molénat, il faut avoir une vision dynamique de ce qui est un véritable investissement. "la création de places de crèches pourrait, à travers les cotisations sociales tirées des revenus supplémentaires des femmes que ces créations engendrent, se révéler profitable pour les finances publiques".
Notons, dans le même sens, qu'une étude de la CNAF a récemment mis en avant les conséquences bénéfiques des gardes sur les revenus familiaux, l'obtention d'une place en crèche favorisant le taux d'activité des femmes et, par conséquent, le revenu des ménages. Elle pointe également les retombées économiques des politiques d'accueil de la petite enfance sur les villes. Selon une enquête menée par la CAF d'Ille-et-Vilaine sur la ville de Saint-Malo, les 1,35 million d'euros versés par la CAF pour les différents modes de garde sur Saint-Malo se traduir aient par la création de 323 emplois, à temps plein ou à temps partiel : 14 encadrants à temps plein, 33 encadrants à temps partiel et 276 assistantes maternelles. (ToutEduc du mercredi 28 avril 2010: Garde des enfants: Un "investissement" plus qu'une dépense. (Localtis))
Pour en savoir plus: Gøsta Esping-Andersen avec Bruno Palier, Trois leçons sur l’État providence, Seuil, 2008.