Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Les nouvelles pratiques et fonctions de l'écriture chez les jeunes de 14 à 18 ans (INJEP)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le lundi 27 novembre 2023.

- “Le cadre scolaire, c'est beaucoup plus rigide, beaucoup plus structuré, on n'a pas trop le choix, on n'est pas si libres que ça. Alors que dans la vie de tous les jours, on est libre, tu écris ce que tu veux.“

- “C'est sûr qu'à l'école, c'est surtout des cours qu'on copie, de la prise de notes ou des évaluations, alors que quand on écrit pour nous, c'est qu'on écrit ça par plaisir, qu'on aime ce qu'on écrit un peu. L'école, c'est forcément moins personnel.“

Ces propos tenus par Inès et Blanche, deux élèves de lycée, sont de nature à illustrer “le poids de l’approche prioritairement (voire exclusivement) évaluative“ des écrits dans leurs expériences scolaires, indique l'INJEP dans un rapport consacré à l'écriture des jeunes de 14 à 18 ans publié jeudi 23 novembre.

Cadre scolaire

Mais il s'agit pourtant de nuancer cette vision, car les adolescents soulignent également “le plaisir d’écrire vécu dans le cadre scolaire“, et se déclarent aussi demandeurs d’apprentissages pour progresser et reconnaissants lorsqu’ils en bénéficient, précise l'institut qui réfute “des représentations clivées qui opposeraient un apprentissage scolaire et fastidieux de l’écriture aux libres et jouissives découvertes permises par les activités extrascolaires, qu’elles soient spontanées et autonomes ou offertes dans un cadre associatif.“

Si au regard de l'écriture, l'école serait bien dispensatrice de normes, dont les jeunes se définissant comme non-scripteurs auraient une attente “particulièrement forte“, s'opérerait une sorte de clivage entre les différentes matières. En effet, hormis en français, “les écritures pratiquées dans d’autres domaines disciplinaires ne sont pas identifiées comme telles par les adolescents“, pour lesquels ils “ne mentionnent en général que des situations de réception (copie, cours pris en dictée) et pratiquement jamais des écrits relevant d’une production (résumé à construire en histoire, compte-rendu d’expérience en sciences, résolution de problème en mathématiques…).“

Face à cette “invisibilisation de tout un pan des pratiques scolaires“, pour l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire les écritures fictionnelles à caractère plus ou moins littéraire (récits, dialogues, scénarios…), appréciées pour leurs qualités intrinsèques, “semblent à l’inverse clairement désignées et plébiscitées aussi bien dans le cadre scolaire que dans des ateliers d’écriture extrascolaires“. De même, l'intérêt pour “le modèle de l’écriture narrative littéraire“ inciterait à s'interroger sur “l’intérêt d’élargir les situations d’apprentissage“.

Scripteurs

L'INJEP a calculé, en interrogeant 1 500 jeunes, que 92 % ont une activité de scripteur déclarée (33 % écrivent parfois, 59 % tous les jours ou presque), mais ce chiffre semble sous-estimé par rapport aux réponses fournies par la suite : “dès qu’on ouvre le spectre des réponses possibles, les pratiques d’écriture déclarées augmentent en fréquence et en nombre“, 76 % écrivent quotidiennement des listes, et jusqu'à 60 % des cartes ou des lettres sous quelque format que ce soit.

Pour les 14-18 ans, l'écriture répond à des enjeux utilitaires et fonctionnels : 87 % des scripteurs réguliers jugent qu’elle est utile pour structurer sa pensée, contre 63 % des jeunes qui n’écrivent jamais. En revanche, cette vision serait “déconnectée des situations scolaires d’apprentissage disciplinaire, qui ne sont jamais citées lorsqu’il s’agit d’évoquer des expériences d’écriture où ce rôle structurant est pourtant essentiel.“ L'écriture est cependant peu considérée comme un outil de créativité, “33 % des adolescents sont même réticents à lui reconnaître ce rôle ou le récusent“, une représentation “en décalage avec les pratiques par ailleurs déclarées puisque 39 % des jeunes écrivent occasionnellement ou régulièrement des paroles de chansons ou de rap, 43 % des histoires ou des fanfictions, et que près d’un jeune sur trois participe à l’écriture de traductions de mangas.“ Dernière fonction, celui de processus mémoriel, la trace écrite permettant la relecture, et une forme de retour sur soi qui, dans les cas des écrits personnels, mais aussi de mesurer ses propres évolutions et d’une certaine manière de se constituer comme sujet ressentant et pensant.

Au final, “la pratique de l’écriture manuscrite sur des supports papier est loin de disparaître“, assure l'INJEP, 81 % des jeunes considérant qu’écrire à la main est toujours utile malgré l’ordinateur : “la guerre des stylos et des écrans semble donc ne pas avoir vraiment de réalité“, les réseaux sociaux pouvant être vus comme “de véritables inspirateurs d’espaces d’écriture“, où les jeunes “rédigent plus que la moyenne quels que soient les types d’écrits considérés, et quels que soient les formats ou les supports“.

Vertus

Pour les jeunes, l'écriture manuscrite possède “des vertus inversement proportionnelles à sa rareté“, affichant des valeurs d’authenticité, de singularité, et pouvant aussi avoir un rôle important dans des rituels amicaux, dont ils travaillent “la dimension purement esthétique, indépendamment du contenu en jeu“. A contrario, l’écriture numérique serait “un palliatif“ pour des jeunes “nombreux à déclarer des difficultés pour écrire en cursive (66 % d’entre eux disent s’être fait souvent reprocher une écriture difficilement lisible).“ Les jeunes useraient plutôt “alternativement des différents formats à leur disposition, en distinguant assez clairement leurs intérêts respectifs.“

Le rapport souligne enfin le “facteur dynamisant“ de l’activité d'écriture sur la lecture : “c’est parce qu’ils ‘écrivent à‘ leur(s) pair(s) pour maintenir un lien (souvent amical) que les adolescents se retrouvent engagés dans la lecture des messages en retour, des écrits produits par leurs interlocuteurs ou d’autres contenus que ceux-ci partagent avec eux.“ Dès lors, le rapport traditionnellement pensé du lire vers l’écrire “peut aussi s’inverser“, c'est pourquoi il semblerait que pour les 14-18 ans “lire et écrire ne s’organisent pas dans un rapport hiérarchisé, que ce soit chronologiquement ou fonctionnellement, mais entrent plutôt en dialogue continu dans un contexte de pratiques ouvertes.“

Le rapport “Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ?“ ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →