TDAH : Est-ce vraiment un trouble ? (revue ANAE)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 18 juillet 2023.
"L'instabilité psychomotrice, l'hyperactivité ou la turbulence en général, l'inattention, les difficultés de concentration voire d'apprentissage, en particulier, représentent toujours, en 2023, les principales causes de demandes d'avis spécialisés, que ce soit auprès des pédiatres ou des pédopsychiatres", estiment les organisateurs d'un colloque international organisé l'année dernière à Montpellier sur le TDAH, et dont la revue ANAE rend compte dans son dernier numéro.
En France, le nombre d'enfants diagnostiqués avec un TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) était compris en 2019 entre 191 000 et 480 000, mais seuls 90 000 étaient traités selon les données de la Haute autorité de santé. Et ce trouble peut avoir des conséquences graves, par exemple pour un adulte au volant. Mais quelle est l'origine de ce déficit de l'attention ?
Une série de causes possibles
Selon Christophe Gauld, Elise Mamimoué, Roxane Mignon et Pierre Fourneret, "la variance génétique reste faible", et les données relatives à la morphologie cérébrale "méritent encore d'être confirmées". Pourraient également jouer un rôle "une altération fonctionnelle du système nerveux autonome", le microbiote intestinal, la dopamine et la noradréline. Peut également être évoquée une altération des circuits cortico-striataux, mais les auteurs examinent d'autres possibilités. Ils n'excluent pas les hypothèses psychodynamiques, l'hyperactivité étant alors considérée comme la conséquence d'un trouble de la relation entre parents et enfants, ou les théories de l'attachement, l'impulsivité étant alors considérée comme "une altération de l'apprentissage de la socialisation" qui nécessite "un attachement sécure".
Les auteurs n'excluent pas non plus les hypothèses environnementales. Le plomb quadruplerait le risque de TDAH, de même que l'utilisation de paracétamol par la mère pendant la grossesse. La prématurité serait également un facteur explicatif. "Des hypothèses novatrices et prometteuses impliquant des facteurs viraux ont été formulées". Les auteurs proposent aussi des explications par l'évolution des humains. "La fréquence des variantes génétiques associées au TDAH aurait progressivement diminué dans la lignée humaine évolutive", ce trouble "aurait pu avoir une valeur adaptative" et il aurait été "sélectivement favorisé dans des environnements ancestraux dominés par un mode de vie nomade, et serait devenu récemment non adaptatif dans les environnements plus récents (sédentaires)“. (les auteurs n'expliquent pas en quoi une attention moindre serait davantage compatible avec une vie nomade, ndlr)
Un trouble dans une société, pas dans une autre
Dès lors, "la question de ce qui fait préjudice aux yeux d'une société donnée reste entière et largement problématique". Le TDAH est considéré comme "une dysfonction" dans nos sociétés. En effet, les changements culturels "seraient trop récents au regard de l'évolution de l'espèce pour permettre une disparition des symptômes sous la pression des changements environnementaux".
Dès lors, comment diagnostiquer et prendre en charge les enfants atteints de ce trouble ? Pour Maeva Roulin, Sébastien Henrard et Hervé Caci, "une évaluation de qualité prend du temps et est idéalement multidisciplinaire" et longitudinale. Et ils envisagent plusieurs types de traitements, psychoéducation, médication, psychothérapie. Stéphanie Bioulac, Olivier Bonnot, Nathalie Franc envisagent des stratégies non pharmacologiques, dont "la neuromodulation et la remédiation cognitive en réalité virtuelle ou par les jeux vidéos", mais notent que les résultats sont "décevants et difficiles à interpréter". Ils proposent plutôt de combiner "diverses modalités de soin et d'accompagnement pharmacologique et non pharmacologique".
ANAE (approche neuropsychologique des apprentissages chez l'enfant) n°184, "Trouble déficit d'attention hyperactivité, actualité d'un syndrome et données probantes en 2023".