Ecole Inclusive : les AESH, entre inquiétudes pour l'avenir et difficultés quotidiennes (SGEN-CFDT)
Paru dans Scolaire le mardi 13 juin 2023.
“C'est un métier passionnant, tout le monde est attaché à ses fonctions“ explique à ToutEduc Suzanne*, accompagnante d'élèves en situation de handicap bretonne, même si “bon nombre d'AESH démissionnent car la précarité est importante“. En appui de la mobilisation et de la grève des AESH prévues ce mardi 13 juin (voir ToutEduc ici), plusieurs d'entre elles et eux ont été invités par le SGEN-CFDT à venir s'exprimer en visio sur leurs conditions de travail.
“On est toutes consciencieuses“, ajoute Marie, une autre AESH qui explique que très peu d'entre elles font la grève car elles ne veulent pas laisser les enfants seuls et que “l'administration joue de ça“. Seulement, “la vocation ne suffit plus, et beaucoup de collègues sont en burn-out“.
Question récurrente de la profession, celle du statut de fonctionnaire, revendiqué par plusieurs organisations syndicales pour les 136 000 personnels, soit la deuxième catégorie la plus importante de l'Education nationale après les enseignants. Le SGEN-CFDT souhaite obtenir ce statut (en catgéorie B, ndlr) mais demande “selon quelles modalités ?“, car il est “hors de question de l'intégrer à bon marché compte tenu des missions extrêmement nombreuses et des qualifications exigeantes pour un accompagnement ambitieux“.
Fusion
Pour Sophie justement, “un statut de fonctionnaire, c'est un droit“ et au-delà, elle explique “simplement vouloir avoir le choix, on est des adultes. On a besoin d'être consulté.e.s, décider sans nous c'est une erreur fondamentale. Nous sommes la seule profession qui n'appartient à aucun corps“ (avec les AED). L'organisation syndicale indique d'ailleurs que l'annonce de la possible fusion entre les fonctions d'AED et AESH, intervenue lors du CNH (voir ToutEduc ici), “inquiète beaucoup“ la profession. Cependant, si un travail est lancé par le ministère à ce sujet, pour le moment aucune information ne leur a été donnée, alors que cela implique une transformation des missions qui leur incombe. Johanna estime d'ailleurs que “ce sont deux métiers différents, ça paraît difficile de fusionner les deux“, surtout qu'il n'y a pas d'AED dans le premier degré. C'est pourquoi “il va falloir trouver d'autres façon d'augmenter les temps de travail des AESH“, poursuit-elle, alors que comme le rappelle le SGEN-CFDT, les AESH ne travaillent qu'une quotité moyenne de 62 %, soit 24h par semaine.
Le problème avec ce temps de travail incomplet se constate également du coté des élèves, car comme le spécifie Isabelle, parfois un élève notifié peut avoir deux ou trois AESH différent.e.s pour avoir un accompagnement à temps plein. Or le suivi nécessite pour l'élève une bonne connaissance de la personne qui accompagne, de mettre en place une relation de confiance mais dès lors que les professionnels se multiplient “à chaque fois ils nous testent, ils recommencent à zéro“, cela “engendre beaucoup de difficultés chez les élèves“.
Pilotage
Autre sujet d'inquiétude des AESH, les PIAL. Les Pôles inclusifs d'accompagnement localisés seraient eux aussi voués à se transformer après les annonces du CNH selon lequel ils deviendraient des pôles d'appui à la scolarité (PAS). Seulement là encore, aucune information n'a été donnée aux organisations syndicales. “On n'a que des suppositions, aucune OS n'est concertée. On sent qu'on est un peu sur le même principe, le président a tranché et derrière ses services mettent en œuvre l'intendance sans qu'il y ait quelque chose de très clair, donc on est inquiets“, s'émeut le SGEN-CFDT.
Sylvie Perron, personnel de direction, évoque une “mise en œuvre extrêmement compliquée“ malgré un outil au départ pertinent, qui avait été conçu de façon “plus pédagogique“ en réponse à des projets pour les élèves, via une gestion humaine des ressources avec tous les acteurs sociaux.
Cependant dans les faits, le PIAL est davantage “vu comme un outil de gestion“, il a été “pensé rue de Grenelle“ alors que les disparités territoriales sont fortes et que sur le terrain, leur périmètre d'action se démultiplie, certaines AESH évoquant des circonscriptions de 1,5 kilomètres quand d'autres en milieu rural peuvent atteindre un rayon de 25 km, et même jusqu'à 100 km “pour répondre au besoin de l'enfant“.
Sont encore évoquées les difficultés de pilotage des PIAL qui reviennent encore une fois au manque de moyens et à une “gestion des RH catastrophique“. Ici, “le pilotage a été pris en charge par un IEN de circonscription parce qu'aucun chef d'établissement n'a voulu prendre cet engagement“ tandis qu'ailleurs il y a “un manque de coordinateurs, ce sont souvent les AESH qui le font, or c'est un travail à temps plein“. Les coordinateurs, eux, “se retrouvent sur des missions de gestion GH, mais n'ont aucune formation“ en la matière.
Les AESH référentes, elles, ont un rôle d'accompagnement des AESH dans leur pratique et d'aide pour celles qui seraient en difficulté sur le terrain. Selon Suzanne, certains départements les refuseraient, pour éviter la création d'une certaine “cohésion“ entre les AESH. Parfois au contraire, ce rôle leur serait imposé, contre une prime de 600 euros brut par an. Mais cela “doit être fait en dehors du temps de travail, on n'a ni temps ni espace pour faire cela“, déclare ainsi Sophie qui déplore, une nouvelle fois, le manque de moyens consacrés par l'institution à ses personnels.
* les prénoms ont été modifiés