Enseignement privé sous contrat : peu de mixité sociale, peu de contrôles (Cour des comptes)
Paru dans Scolaire le jeudi 01 juin 2023.
En tant que composante du service public de l’éducation, l’enseignement privé sous contrat, bien qu'il apporte une “contribution indiscutable“ à l’offre de formation, “doit être davantage mobilisé au service de la performance éducative et de la mixité sociale“ estime la Cour des comptes dans un rapport publié jeudi 1er juin.
Dans la synthèse du document, les sages de la rue Cambon indiquent en effet que la proportion des élèves de l’enseignement privé sous contrat est stable depuis 10 ans, atteignant 17 % en 2021, avec davantage d'élèves dans le second degré (21,3 % pour le collège, 21,2 % pour les lycées d’enseignement général et technologique et 19,3 % pour les lycées professionnels) que dans le 1er degré (13,4 %).
Manque de mixité
Malgré cela, ils constatent que “la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat est en fort recul depuis une vingtaine d’années“. Pour preuve, les élèves de familles très favorisées, qui constituaient 26,4 % des effectifs de l’enseignement privé sous contrat en 2000, en représentent 40,2 % en 2021. Désormais, ajoutent-ils, les élèves de milieux favorisés ou très favorisés sont majoritaires dans ce secteur (55,4 % en 2021) alors qu’ils représentent 32,3 % des élèves dans le public. Quant à la part des élèves boursiers, elle équivaut à 11,8 % des effectifs en 2021 dans le privé sous contrat, contre 29,1 % dans le public.
La Cour des comptes répertorie, parmi les “nombreuses“ explications à ce phénomène, la baisse des effectifs dans les établissements où la mixité sociale est traditionnellement la plus forte (écoles rurales et lycées professionnels), une politique de sélection des élèves qui ne prend qu’insuffisamment en compte des objectifs d’ouverture sociale, les frais de scolarité ou encore des stratégies croissantes des familles visant à éviter les établissements publics de secteur. C'est ainsi que l’enseignement privé sous contrat “apparaît majoritairement comme un enseignement ‘de recours‘ face à un enseignement public perçu par une partie des familles comme moins performant et moins sécurisant.“
Pour les sages de la rue Cambon, cet enseignement "se montre soucieux des objectifs de mixité sociale, mais force est de constater qu’aucune mesure dans ce sens n’est aujourd’hui véritablement suffisante.“ c'est pourquoi ils estiment que “les relations entre l’État et les établissements privés sous contrat doivent être rénovées en profondeur“.
Contrôles
Ils considèrent en effet que le contrat d’association (issu de la loi Debré) prévoit des engagements de la part des établissements en contrepartie d’un financement de la part de l’État, à qui est attribué d’importantes prérogatives en matière de contrôle. Or ceux-ci “ne sont pas ou peu exercés“. Ainsi le contrôle financier des établissements privés sous contrat, qui incombe aux directions départementales et régionales des finances publiques (DDFiP et DRFiP), “n’est pas mis en œuvre“, le contrôle pédagogique, réalisé par les inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR), “est exercé de manière minimaliste“ tandis que le contrôle administratif, qui relève de l’inspection générale de l’enseignement, du sport et de la recherche (IGÉSR) et des recteurs, “n’est mobilisé que ponctuellement lorsqu’un problème est signalé“.
Ce manque de lien fait ainsi dire à la Cour des comptes que “le dialogue de gestion entre l’État et l’enseignement privé sur les problèmes de fond (mixité sociale, équité territoriale dans la répartition des moyens, performances scolaires, politique éducative) est presque inexistant“. Elle considère ainsi que le poids des rectorats, qui pourraient mieux apprécier localement les besoins scolaires reconnus, “est insuffisant“ là où la gestion des moyens, des ouvertures et des fermetures de classes “est principalement déléguée aux réseaux d’enseignement privés en lien avec la direction des affaires financières (DAF) du ministère de l’éducation nationale“.
A titre d'exemple, sont cités les effectifs des classes du secteur public et ceux du secteur privé sous contrat, dont la comparaison en 2021 “montre que la distribution des moyens d’enseignement ne tient pas suffisamment compte des difficultés des élèves accueillis : les classes du privé sous contrat sont moins chargées en lycée, ainsi qu’en SEGPA, alors qu’elles accueillent des élèves moins défavorisés.“
Echelon local
En définitive, pour renouveler ce dialogue, et plutôt que de “fixer au niveau national des quotas d’élèves de milieux défavorisés ou boursiers, qui ne sont pas appliqués au secteur public lui-même“, la Cour propose notamment “d’engager chaque établissement privé sous contrat dans une nouvelle démarche contractuelle et de lui fixer des objectifs en termes de composition sociale définis localement“, autour de deux idées.
Premièrement, cela consiste à réserver au niveau national la discussion de l’équilibre des moyens entre les réseaux, en s’assurant que les rectorats, en lien avec les directeurs académique des services de l’éducation nationale (DASEN) et les représentants des réseaux, décident des ouvertures de classes au plan local.
Ensuite, il s'agirait de moduler les moyens attribués aux établissements privés sous contrat en fonction des caractéristiques sociales des populations accueillies (également recommandé pour le secteur public) en s’appuyant sur un contrat d’objectifs et de moyens signé par chaque établissement privé sous contrat, par le rectorat et éventuellement par la collectivité territoriale de rattachement.
Le rapport ici