Sur quoi et comment travaillent les chercheurs en éducation? (INRP)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 15 juillet 2010.
Sur quoi et comment travaillent les chercheurs en éducation? Le Dossier d'actualité de l'INRP-VST répond à cette question en examinant un millier d'articles publiés par la Revue française de pédagogie, le British Educational Research Journal et le Scandinavian Journal of Educational Research.Il s'agit aussi de répondre à des critiques récurrentes sur les rapports entre recherche fondamentale et pratiques éducatives, plus ou moins grande scientificité de cette recherche, manque de confrontations entre "écoles" et courants de recherche...
"Parmi les résultats qui émergent" d'une analyse des mots-clés, il apparaît que deux disciplines, les mathématiques et le sport, "semblent donc concentrer davantage des chercheurs que d'autres disciplines d'enseignement". Autre constat: "les Britanniques et les Nordiques s'intéressent fortement aux questions de résultats, aux méthodes d'évaluation des élèves, aux mesures de l'efficacité et aux comportements (des élèves, des enseignants), les francophones sont beaucoup plus nombreux à proposer des articles fortement théoriques." La revue française "fait preuve d'une large ouverture internationale" tandis que le BERJ est une revue essentiellement britannique.
Sur la formation des futurs enseignants, les auteurs constatent "la diffusion internationale du modèle du praticien réflexif", et une interrogation, "dans quelle mesure les conceptions dominantes de l'université en Amérique du Nord et en Europe sont plus ou moins compatibles avec des formations professionnelles? (...) Si, comme en Écosse, l'université joue en France un rôle éminent dans la formation des enseignants, c'est sous la forme des IUFM dont ni la doctrine sous-jacente, celle du praticien réflexif, ni la place institutionnelle, ne reposent sur un consensus solide (...) À rebours des évolutions anglaises, les évolutions des dispositifs finlandais sont (...) pilotées par un idéal d'enseignant 'professionnel', pour lequel les caractéristiques clés sont la formation par la recherche, la responsabilité personnelle et l'autonomie de l'enseignant." Quant au compagnonnage, il produit "des savoirs difficiles à transférer en dehors de leur contexte" et des savoir-faire liés "à l'achèvement des programmes officiels". Mais plusieurs chercheurs français se sont interrogés "sur certaines résistances des enseignants stagiaires à la formation en IUFM" et à l'injonction de réflexivité qui "peut être porteuse de mise en lumière de difficultés personnelles face aux défis d'entrée dans le métier".
Sur le thème de l'aide à la "parentalité", le dossier met l'accent sur le rôle des pères, qui sont souvent "en même temps capables et désireux d'être plus impliqués dans les décisions scolaires et d'assumer la plus grande part du travail de choix éducatif". Il souligne également que certaines communautés "placent l'éducation en haut de leur hiérarchie de valeurs, quel que soit leur niveau social ou leur genre". Lorsque ce n'est pas le cass, "les élèves des milieux populaires sont plus sensibles aux caractéristiques des classes et des écoles qu'ils fréquentent que les élèves des milieux non populaires, pour lesquels les aspirations scolaires des parents constituent la dimension la plus importante". Faut-il par ailleurs apprendre à lire aux parents pour qu'ils aident leurs enfants, "alors qu'aucun résultat de recherche ne montre la relation positive entre les deux"? Ce serait plutôt le contraire. Il n'est d'ailleurs même pas prouvé que les efforts faits par les écoles pour favoriser l'implication des parents aient un effet sur les résultats scolaires des élèves (voir aussi Parents en ZEP: prendre au sérieux leurs aspirations, plutôt que leur participation aux réunions (mémoire de recherche)).
Une soixantaine d'articles de ces trois revues sont consacrés à la motivation "dite d'accomplissement ou d'évitement de l'échec": "l'élève se donne le but de démontrer ses compétences ou au contraire, d'éviter une démonstration de son incompétence. La recherche montre que "les élèves qui sont autonomes dans leur apprentissage abordent les sujets difficiles plus comme un challenge à accomplir que comme une menace à éviter". Le climat de la classe, l'environnement social et les pratiques des enseignants "influent sur la motivation des adolescents pour le travail scolaire", mais la motivation intrinsèque "est basée sur le besoin de se sentir compétent et déterminé".
La problématique du genre est très importante au Royaume-Uni mais "la multiplicité des approches ne témoigne pas d'un domaine de recherche bien structuré, d'autant que l'on constate que "les mêmes façons d'enseigner peuvent produire des différences entre les genres en fonction de la culture du pays étudié: les QCM favorisent les garçons là "où l'audace est considérée comme une qualité pour les hommes".
Les mathématiques constituent un objet d'étude spécifique, puique certains chercheurs ont identifié chez les enseignants "pas moins de cinq types de conceptions différentes des mathématiques et cinq types de conceptions de leur enseignement, certains considérant même "qu'une maîtrise précoce de l'écriture des chiffres limite la capacité à résoudre des problèmes".
Les évaluations internationales des résultats des élèves, PISA notamment, semblent intéresser moins les Britanniques que les Français. Deux chercheurs allemands pointent l'utilité de ce test pour réfléchir aux défis nationaux. "PISA a permis de souligner des différences entre les Länder permettant de penser des améliorations dans les dispositifs éducatifs", des items complémentaires ayant "permis de constater que de nombreux élèves avaient des potentiels cognitifs qui étaient sous-exploités dans les programmes scolaires de mathématiques". Quant aux élèves finlandais, leurs performances sont excellentes, mais "leur engagement dans la scolarité n'est pas si flatteur". En France, on s'interroge sur les processus évalués, "complexes et hétérogènes", les items de PISA impliquant souvent que l'élève s'affranchisse "de la matière scolaire pour mettre en oeuvre une autonomie intellectuelle que bien des élèves ne possèdent pas en 3° ou en 2°". Autre enseignement de PISA, les jeunes Français ont "une bonne intégration aux pairs et une mauvaise intégration à l'école".