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Les enfants qui ne sont pas des héritiers peuvent-ils intégrer la "Noblesse managériale publique-privée" ?

Paru dans Scolaire le vendredi 13 mai 2022.

Ne l’appelez plus la "Noblesse d’Etat" comme Pierre Bourdieu dans les années 90 mais appelez la "Noblesse managériale publique-privée" (NMPP). La haute fonction publique a bien changé estiment Julie Gervais, politiste, Claire Lemercier, historienne et Willy Pelletier, sociologue, dans un livre intitulé "La valeur du service public" et l'on comprend à la lecture quelles sont les limites des "conventions ZEP" de Sciences po et autres "cordées de la réusssite".

"D’où proviennent les ‘modernisations’, quelles difficultés, quelles peines engendrent-elles en cascades ? D’où sortent les différents groupes de ‘modernisateurs’ qui, en vase clos, décident des programmes de réorganisation des fonctions publiques ?" Dans ce livre "qui n’emploie pas les mots des managers", les auteurs témoignent des violences  subies par les agents de la fonction publique notamment depuis le 20 juin 2007, date de l’adoption en conseil des ministres de la révision générale des politiques publiques. La RGPP !

"Ce livre n’arrêtera pas les ‘modernisateurs’", cette "noblesse managériale publique-privée, en expansion, assurée d’elle-même" mais il "montre comment elle a été produite, et comment elle se reproduit. Il expose combien les ‘nécessités’ qu’elle brandit comme autant de fatalités ‘modernes' ne sont qu’expressions et alibis de ses intérêts particuliers." La NMPP  comprend avant tout des hauts fonctionnaires qui ont travaillé au sein du secteur privé à un moment de leur carrière. Certains y restent, d’autres "ne font qu’y passer et y repasser, serpentant entre l’administration et le milieu des affaires".

Une vision entrepreneuriale

Il s’agit d’une noblesse "formée dans quelques lieux privilégiés que l’on nomme en France les grandes écoles" : l’ENA devenue l’ISP, Polytechnique, les Mines, HEC, Sciences Po Paris…Avec des titres de noblesse que les garçons plus souvent que les filles reçoivent en héritage. Une noblesse maintenant fortement imprégnée d’une culture managériale sur le modèle des écoles de commerce. "La noblesse managériale public-privée porte une vision entrepreneuriale de l‘Etat et prétend réduire les dépenses publiques en encourageant les redécoupages des services publics de la même façon qu’elle s’occupe des ‘plans sociaux’ et de la compression des effectifs dans le privé."

Un chapitre entier est consacré aux "Grandes écoles du crime", à "ce monde à part" dans lequel il est si difficile d’entrer et de s’y maintenir quand on n’appartient pas à un milieu privilégié, quand on n’a ni les réseaux, ni les codes. Les auteurs racontent longuement l’histoire d’Adja, née au Val d‘Argenteuil en banlieue parisienne, qui intègre Science Po Paris et qui petit à petit s’éloigne de ses amis d’enfance qui constatent qu’elle a "mutée complètement. Elle a changé d’espace-temps, de forme, de puissance, de langue… Elle était enchantée. Exactement ça, elle s’est fait enchanter."

Les auteurs insistent aussi sur "le rôle joué, depuis la fin des années 1980, par de grands cabinets de conseil comme CEGOS, Bossard, KPMG, Ernst &Young qui débauchent des hauts fonctionnaires en publiant régulièrement des annonces qui leur sont destinées… Les hauts fonctionnaires qui monnayent ainsi leur familiarité avec l’Etat mais également ses faiblesses."

"La valeur du service public", Editions la découverte, 22€.  



Colette Pâris

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