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Comment Laurent Wauquiez envisage de gérer la compétence "orientation" (interview exclusive)

Paru dans Scolaire, Orientation le dimanche 06 juin 2021.

A quelques semaines des élections régionales, ToutEduc, après avoir donné la parole à la "liste Muselier" en PACA (ici), et en Auvergne-Rhône-Alpes à la liste EELV  (ici) puis à l'ancienne ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud Belkacem (ici), la donne à "la liste Wauquiez"

ToutEduc : Comment avez-vous géré la nouvelle compétence offerte aux régions par la loi Pénicaud en matière d’information sur l’orientation ?

Laurent Wauquiez : Il nous a semblé assez vite qu’il fallait créer, avec l’Etat, une structure dédiée au portage et à l’animation de cette compétence pour deux raisons principales.

Tout d’abord, pour rappel, il ne s’agissait pas d’une compétence nouvelle mais bien d’une compétence renforcée puisque les Régions étaient depuis longtemps responsables de l’animation du service public régional de l’orientation (SPRO). Avec cette loi, la compétence régionale a été élargie aux jeunes lycéens et collégiens avec une reprise en main des compétences de l’ONISEP. Dès lors, une gouvernance partagée avec le Rectorat en Région et les acteurs économiques nous semblait le plus approprié et cela plaidait pour une structure à part entière.

La deuxième raison qui nous a poussés à la création de l’Agence de l’orientation était la volonté d’être lisible par les publics. Notre expérience du SPRO nous a démontré la complexité de l’écosystème de l’orientation et la difficulté pour les publics de s’y retrouver. En créant une structure dédiée, on proposait une entrée unique et on augmentait ainsi les chances d’atteindre nos objectifs en termes d’accès des publics aux politiques orientation-formation.

ToutEduc :  S'il y a lieu de développer cette nouvelle compétence, et si vous êtes réélu-e-s, comment comptez-vous le faire ?

Laurent Wauquiez : Nous avons beaucoup d’ambition dans ce domaine car nous sommes convaincus qu’en agissant le plus amont auprès des jeunes par une information adaptée et de qualité sur les métiers qui recrutent dans leur région, les chances d’assurer leur insertion dans l’emploi et de répondre aux besoins du marché du travail augmenteront.

Pour cela, nous ne manquons pas d’idées :

- Des actions d’orientation sont organisées et dispensées sur tout le territoire régional, à l’intérieur des établissements scolaires mais également en dehors ;

- Dès la fin de l’année 2021, nous avons procédé à une refonte des guides ONISEP (guides Après le Bac et Après la 3ème) qui ont pu être distribués dans tous les établissements scolaires ;

- D’ores-et-déjà deux bus de l’orientation sillonnent le territoire régional, interviennent dans des collèges, des lycées mais aussi sur la voie publique pour apporter de l’information aux habitants du territoire de tous âges ;

- Un service digital de l’information sur les métiers est en projet et devrait bientôt permettre à tout un chacun de disposer d’une information et de services gratuits pour trouver sa voie, développer son projet professionnel et accéder à l’offre de formation en région ;

- Est prévu également l’ouverture en 2021 d’une école TUMO, sur le modèle arménien, qui aura vocation à lever les freins des jeunes garçons et surtout des jeunes filles quant au codage par une approche très ludique sur du temps extrascolaire.

ToutEduc : Quelle place pour les représentants des branches ?

Laurent Wauquiez : La gouvernance de l’Agence de l’orientation est partagée avec l’Etat mais sont également représentés à la fois les acteurs de l’orientation, de la formation ainsi que les acteurs économiques, parmi lesquels les branches professionnelles. La stratégie de l’Agence est pensée en lien avec l’ensemble de ces acteurs réunis au sein de Commission de travail thématiques.

C’est ainsi que les branches professionnelles ont été associées à la refonte du Mondial des métiers, évènement auquel elles participent activement et qui n’a malheureusement pas pu se tenir cette année.

Mais au-delà d’être contributives, les branches professionnelles sont aussi des "clientes" des services de l’Agence bien sûr car elles sont responsables de l’attractivité des métiers qu’elles représentent. Dans le cadre de son offre de services, l’Agence de l’orientation peut les accompagner par différents moyens :

- En participant au financement d’évènements qu’elles organisent ou d’actions d’orientation qu’elles souhaitent déployer en établissements scolaires ;

- En relayant les contenus qu’elles ont produits pour développer l’attractivité de leurs secteurs, notamment au sein des bus de l’orientation ;

- En travaillant à la conception de nouveaux outils et contenus.

ToutEduc : Quelle adéquation entre développement économique et orientation scolaire ?

Laurent Wauquiez : Comme vous l’avez compris, en Auvergne-Rhône-Alpes, nous ne manquons d’emplois à proposer aux jeunes et aux demandeurs d’emploi. C’est une vraie force. Le problème est l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi, avec des employeurs qui ne trouvent pas de personnels formés pour répondre à l’augmentation de leur carnet de commandes.

Notre enjeu est donc bien d’établir un lien direct entre la politique d’orientation, la politique de formation régionale et l’emploi. L’Agence de l’orientation porte cette ambition de concentrer ses efforts autour des métiers qui recrutent aujourd’hui et recruteront demain car nous savons que c’est la garantie d’une insertion durable dans l’emploi pour nos jeunes. Ces connexions sont facilitées par la gouvernance partagée de l’Agence avec les acteurs économiques parmi lesquels les branches professionnelles, le MEDEF, la CCI, la CMA et l’U2P.

Ce rapprochement s’organise dès le collège grâce aux actions école-entreprise qui permettent à des employeurs, entreprises de sensibiliser les jeunes au milieu économique, entrepreneurial et aux métiers qu’ils proposent.

ToutEduc :  Quelle place pour l'apprentissage ?

Laurent Wauquiez : La loi a retiré le pilotage de l’apprentissage aux Régions. La Région dispose de seulement deux enveloppes financières : l’une pour soutenir le fonctionnement des CFA, l’autre pour aider à la réalisation de leurs projets d’investissement. Ces enveloppes sont clairement insuffisantes au regard des besoins des CFA. Par exemple, en matière d’investissement, j’ai reçu cette année plus de 2 fois plus de demandes que la somme dont l’Etat m’a confié la répartition. Cette problématique a été sous-estimée par la réforme alors que l’on avait anticipé les besoins grandissant liés à l’arrivée de nouveaux CFA et l’enjeu pour les CFA existants de consolider leur attractivité.

L’absence de vision prospective sur l’offre de formation en apprentissage, c’est-à-dire l’absence de coordination de l’ouverture de nouvelles sections sur le territoire, n’est pas résolue non plus. Nous avons besoin d’une animation locale de l’apprentissage. D’ailleurs, quand il s’est agi de trouver des solutions aux apprentis entrés en CFA sans contrat, c’est naturellement vers les Régions que les partenaires locaux se sont tournés.

Par ailleurs, la Région n’avait pas attendu cette loi pour travailler sur l’orientation des jeunes vers l’apprentissage puisqu’elle portait depuis plusieurs années déjà la réalisation d’un guide de l’apprentissage ainsi que l’organisation et le financement annuels du Mondial des métiers. Avec la compétence renforcée, nous poursuivons ces efforts car nous souhaitons pousser vers cette voie de formation, notamment dans les formations sanitaires et sociales.

ToutEduc : Plus globalement, quel regard portez-vous sur la loi Pénicaud ?

Laurent Wauquiez : Cette loi a porté des avancées : elle a notamment permis aux Régions d’acquérir une légitimité pour porter les problématiques d’orientation, de débouchés, de connaissance des métiers qui recrutent auprès des principaux et proviseurs. Concernant les problématiques d’apprentissage en revanche, je pense que cette réforme est partie d’un postulat erroné selon lequel l’intervention des Régions bridait le développement de l’apprentissage. C’était une erreur. Certes, l’apprentissage s’est développé depuis un an. Mais, il ne faut pas minimiser les effets d’aubaine (notamment grâce aux montants élevé des coûts contrats et aux aides d’Etat qui ont conduit les entreprises à se détourner des contrats de professionnalisation). Ces effets pourraient avoir des conséquences néfastes à moyen terme en l’absence de régulation au niveau local. L’arrivée de nouveaux entrants risque de déstabiliser les CFA dits "historiques", notamment en milieu rural, lorsque les coûts contrats seront révisés à la baisse. Car il ne faut pas oublier que cette réforme, et c’est une faiblesse majeure, n’est pas financée !

ToutEduc : Et, selon vous, cette réforme n'a-t-elle pas, tout simplement, "régionalisé" l'orientation ?

Laurent Wauquiez : Comme évoqué précédemment, les Régions ne sont pas novices en matière d’orientation mais de manière claire, cette loi leur a permis de passer un cap dans la capacité à favoriser le plus en amont possible auprès des jeunes la connaissance de l’économie régionale et, en cela, elle contribue à une forte régionalisation de l’orientation.

 

Propos recueillis par écrit par Rabah Aït Oufella et Pascal Bouchard

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