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Comment la liste EELV envisage-t-elle de gérer la compétence "orientation" en Auvergne-Rhône-Alpes

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 27 mai 2021.

Alors que les exécutifs régionaux seront renouvelés ou confortés d'ici quelques semaines, ToutEduc continue un tour de France des régions qui exercent leur nouvelle compétence en matière d’information sur l’orientation. Qu'ont-elles fait ? Que pourraient-elles faire ? Après la "liste Muselier" en PACA (ici), la liste EELV en Auvergne-Rhône-Alpes.

ToutEduc : Quelle analyse faites-vous de la mise en œuvre par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et par l’Éducation nationale de la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" ?

Pascale Bonniel Chalier et Monique Cosson : La Région Auvergne Rhône-Alpes sous la présidence de Monsieur Wauquiez a fait un choix de désengagement de la formation professionnelle et a adopté une logique "adéquationniste" de la formation en fonction des seuls besoins des entreprises et des métiers en tension ; elle a pu d’autant plus justifier son orientation avec cette loi. Une loi qui confie l’apprentissage aux chambres consulaires, centralise la gestion de l’apprentissage, tout en décentralisant l’orientation et en enlevant des moyens aux établissements.

La Région ne s’est absolument pas saisie des quelques ouvertures et propositions intéressantes de la loi concernant notamment :

- la prise en charge des frais annexes comme l’hébergement, la restauration pour les demandeurs d’emploi en plus de la rémunération formation continue ;

- la mixité des métiers et l’égalité professionnelle ;

- le rapport annuel sur les actions mises en œuvre par les structures en charge de l’orientation ;

- la majoration en fonctionnement de la prise en charge des contrats d’apprentissage ;

- la transparence sur le montant des dépenses de fonctionnement et d’investissement et le détail de leur affectation.

La Région a abandonné son rôle d’offre de formations aux demandeurs d’emploi, a refusé de s’associer à l’Etat. Comme l’Etat a fini par lui confier la gestion de ses dispositifs en lien avec Pole Emploi, le désengagement s’est moins vu, mais il est bien réel.

Quant à l’Education Nationale, elle a réduit les moyens sur l’orientation, l’a confiée aux professeurs principaux qui ne peuvent assumer seuls cette charge et ne sont pas formés pour cela. L’EN a installé des sections d’apprentissage dans les lycées professionnels avec une très forte baisse de la Taxe d’Apprentissage dans les lycées. La situation est très inquiétante.

ToutEduc : Si vous êtes élu-e à la présidence de la Région, quelle serait votre politique en la matière ?

Pascale Bonniel Chalier et Monique Cosson : Il est indispensable de retrouver à la Région une implication pleine et entière dans ses compétences en direction des jeunes, des demandeurs et demandeuses d’emploi, des personnes détenues, des personnes illettrées et porteuses de handicap. Il est nécessaire que la Région en concertation avec les partenaires de la formation, de l’orientation et de l’apprentissage mette en œuvre des politiques de :

- soutien aux parcours personnels, après cette période de pandémie où de nombreuses personnes vont vouloir changer d’activité ou compléter leur formation de base…

- développement d’une offre de formation par des achats groupés qui correspondent à de nouvelles activités liées à la transition écologique et sociale, ou qui sont en lien avec des métiers en tension. Achats groupés qui soutiennent en particulier les organismes qui exercent des missions de service public.

- prise en compte des freins à la formation pour les publics le plus empêchés, notamment les femmes, les personnes handicapées, ou peu qualifiées. Cela passe par des soutiens concrets pour faciliter l’accès aux formations (garde d’enfants, hébergements, déplacements…)

- collaboration et concertation avec les organismes de formations, le pôle emploi, les employeurs pour créer des réponses adaptées à la réalité de la situation des personnes qui ont besoin de se former, ainsi qu’une carte des besoins, sans pour autant qu’elle devienne le seul prisme à prendre en compte.

ToutEduc : Comment voyez-vous l’articulation entre la Région et l’Onisep ?

Pascale Bonniel Chalier et Monique Cosson : L’Onisep n’existe plus en tant que tel, puisque l’Etat a décentralisé l’orientation. Bien sûr, il a bien été obligé de garder une forme de coordination nationale pour maintenir à minima un peu de cohérence quant à l’offre d’orientation sur le territoire. La Région ne s’est pas donné les moyens, à notre connaissance, d’intégrer des personnels de l’ONISEP en Région. C’est une perte de compétences dommageable, puisque la Région doit assurer l’information sur l’orientation. C’est un dossier à reprendre intégralement.

ToutEduc : Cette loi suppose que la recherche d’une adéquation "marché de l'emploi - offre de formations - orientation" est possible, voire souhaitable. Qu’en pensez-vous ?

Pascale Bonniel Chalier et Monique Cosson : La question de l’orientation pour les jeunes et les moins jeunes nous parait bien plus complexe et absolument pas linéaire. On le sait, les orientations subies génèrent abandon, démotivation. Il y a une grande inégalité face à l’orientation, entre celles et ceux qui ont un projet et celles et ceux qui s’y perdent dans la jungle des informations et en sont quasi exclu.es et celles et ceux à qui l’ont dit (on impose ?) où ils, elles devraient aller…. Ce sont ces questions-là qui sont posées si l’on veut travailler réellement sur l’orientation et permettre un cadre aidant, un accès. Il faut donc des humains attentifs et diverses expériences (stages, rencontres, expériences d’autonomie) pour trouver son chemin.

L’offre de formation doit d’abord garantir, prioriser des qualifications, certifications professionnelles pour les personnes les moins qualifiées (niveau 4 et 5). Cela peut vouloir dire des remises à niveau, des remises en situations professionnelles, la prise en compte des freins à la formation,  etc… la qualification est le meilleur "passeport" pour trouver un emploi durable. L’offre de formation doit privilégier celles et ceux qui en sont le plus éloigné.es.

Le marché de l’emploi est évidemment un indicateur, une boussole. Il peut lui aussi évoluer et la Région doit travailler sur son adaptation (relocalisation, conditions par rapport aux ressources, à la durabilité, aux services attendus…). C’est donc un travail de collaboration, d’ajustement avec Pôle Emploi, les représetant.es des filières et les entreprises au travers du Schéma Régional de l’Economie … (SRE-II) par rapport aux besoins, aux mutations vers une économie plus soutenable et solidaire et donc une évolution du contenu des formations.

ToutEduc : La Région aura-t-elle les moyens de faire le travail de documentation que faisait l’Onisep ?

Pascale Bonniel Chalier et Monique Cosson : Certainement pas, et surtout elle n’a pas cherché à intégrer les personnels compétents, qui géraient les liens entre les offres existantes, les parcours de formation. Le travail est à faire, en réunissant les compétences, en trouvant des synergies pour donner une information fiable et complète, en donnant à la formation professionnelle une priorité absolue avec des budgets supplémentaires. La Liste écologiste conduite par Fabienne Grébert prévoit de revaloriser les enveloppes budgétaires de 50 M€ de plus par an.

Pascale Bonniel Chalier est tête de liste Métropole de Lyon et Monique Cosson conseillère régionale pour une Région AuRA écologiste et solidaire avec Fabienne Grébert

 

Propos recueillis par écrit par Rabah Aït Oufella et Pascal Bouchard

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