La classe, pour apprendre et vivre ensemble (interview des Cahiers Pédagogiques)
Paru dans Scolaire le jeudi 06 mai 2010.
Comment "faire classe"? Comment créer du collectif, instaurer de la tolérance, et penser l'efficacité des cours? Et que faire quand la "mayonnaise ne prend pas"? La classe doit être un lieu d’apprentissage, mais c'est aussi un lieu où se tisse du lien social, pose le nouveau numéro (n°461) des Cahiers Pédagogiques. Le dossier "La classe, pour apprendre et vivre ensemble" est coordonné par Hélène Eveleigh et Chantal Picarda. Il sera prochainement disponible en format papier ou en téléchargement sur le site des Cahiers pédagogiques.
ToutEduc: Comment avez-vous réfléchi ce numéro des Cahiers Pédagogiques, avec quelle ligne directrice?
Hélène Eveleigh: Le but de ce numéro est de soulever le problème des classes, dont on entend trop souvent dire qu'elles ne fonctionnent pas bien, mais dont les enseignants ne souhaitent pourtant pas l'éclatement en petits groupes ou en modules. Nous cherchons, au fil des articles, à interroger la manière dont la classe peut déployer son dynamisme, et dont les enseignants peuvent favoriser la vie collective. Les textes soulignent également l'intérêt du groupe classe pour les apprentissages, notamment l'enjeu du développement du relationnel des élèves.
ToutEduc: L'ouvrage de Sébastien Clerc, Au secours ! Sauvons notre école !, prône un retour à « l'autorité assumée » (voir aussi sur ToutEduc Apprendre à « tenir sa classe »"). Il prodigue aux enseignants les « armes » pour sortir vainqueurs de la confrontation avec les élèves, et renverser le rapport de force en leur faveur. Sentez vous ce besoin d'"armes" chez les enseignants?
Hélène Eveleigh: De façon provocatrice, nous avons intitulé notre journée débat/rencontre du 19 mai, organisée dans le cadre des Mercredis du CRAP Île-de-France, "Tenir la classe, faire apprendre les élèves ?". Il est un terme que nous contestons, c'est celui de "tenir", qui nous semble filer une métaphore de domptage. Les problèmes de discipline et de vie en communauté se posent de plus en plus dans notre société, où les enfants ne sont pas tellement éduqués au respect de l'autorité. Il nous semble que l'enjeu éducatif de l'école est de leur apprendre à vivre ensemble, non de les dresser.
Nous n'éludons cependant pas le fait que les enseignants sont en demande de conseils simples et de suggestions; les jeunes enseignants stagiaires sont en quête de "trucs". Au sein du numéro, Yves Guégan livre quelques "ruses éducatives", comme autant de détours pour amener les élèves vers le collectif. Il propose par exemple de passer "un contrat de paresse" avec les élèves difficiles, plutôt que de tenir un discours moralisateur. Les termes du "contrat de paresse" passé avec l'élève sont les suivants: Pendant une semaine, il a la liberté de se soustraire aux travaux proposés, en contrepartie, il s'engage à ne pas perturber la vie de classe. En général, l'élève refuse ce contrat. Cette ruse permet de contourner une certaine autorité frontale. Dans un autre article du dossier, Robert Guichenuy indique aux enseignants les positions géographiques à occuper dans la classe (Par exemple, ne pas se tenir derrière le bureau). Ce conseil tend à rejoindre dans la forme les propositions de Sébastien Clerc, sauf que l'objectif visé n'est pas la surveillance optimale des élèves, mais leur mise en activité, suscitée par la position dynamique de l'enseignant. Au final, ce numéro des Cahiers Pédagogiques, rassemblant expériences de terrain et articles de théorie, réaffirme la responsabilité du professeur concernant le climat de classe.