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L'Education nationale devrait mobiliser ses psychologues et préparer le déconfinement (interview exclusive)

Paru dans Scolaire le lundi 13 avril 2020.

Le confinement est un révélateur des inégalités et des vulnérabilités. Les psychologues de l'Education nationale n'ont-ils pas un rôle à jouer ? Laurent Chazelas est président de l'AFPEN, l'association des psychologues qui interviennent dans le 1er degré, notamment au sein des RASED.

ToutEduc: Les psychologues de l'Education nationale n'apparaissent jamais dans la communication de l'Education nationale. Est-ce à dire que vous n'avez pas été sollicités ?

Laurent Chazelas : Effectivement, nous sommes un peu les invisibles de cette période. L'institution, qu'il s'agisse du ministère ou des académies nous a très peu sollicités, sauf exceptions, en Normandie notamment. C'est peut-être dû au fait que nous n'apparaissons pas clairement dans des organigrammes, contrairement à nos collègues qui interviennent dans le second degré et sur les questions d'orientation, et qui sont rattachés à des CIO, avec des directeurs bien identifiés. Il a de plus été possible de renvoyer leur ligne téléphonique sur leur numéro personnel, ce qui était plus difficile pour nous puisque nos postes professionnels sont dans les écoles qui dépendent des communes, la technique de transfert d’appel est parfois plus difficile à mettre en place.

ToutEduc : Tout est donc laissé à votre initiative ?

Laurent Chazelas : Certains IEN (inspecteurs de circonscription, ndlr) demandent aux psychologues de leur circonscription de les aider dans l'accompagnement des équipes éducatives, et beaucoup d'entre nous proposent leurs services à leur inspecteur. Nous pouvons effectivement prendre des initiatives. Quand la fermeture des écoles a été annoncée, j'ai aussitôt adressé aux enseignants de mon secteur un courrier pour leur donner des conseils sur la meilleure manière d'utiliser la journée du vendredi, la dernière où ils auraient leurs élèves en présentiel avant de n'avoir plus avec eux que des rapports virtuels... Mais c'est vrai que la semaine qui a suivi, beaucoup d'entre nous ont connu une période de flottement. Aussi, lors de la mise en place, quand c'était possible, d'une cellule d’écoute, certains collègues se sont proposés, Éducation nationale ou hors EN. Là encore, alors que les personnels sociaux et infirmiers sont sollicités, on pense rarement à nous... Nous sommes pourtant des professionnels de l'écoute.

ToutEduc : Ecouter qui ? Dans la période actuelle, voyez-vous vos missions comme davantage dirigées vers les enseignants ou vers les enfants et les familles ?

Laurent Chazelas : Nous sommes surtout sollicités par des enseignants, et parfois par l'inspection pour l'aide aux enseignants. Il est très rare que les familles nous appellent, quand elles en ont les moyens puisqu'elles n'ont pas nos numéros de téléphone. Les enseignants, souvent, servent de relais et nous permettent de rentrer en contact avec les familles. Et puis il y a les enfants et familles que nous connaissons. Certains d’entre nous se sont mis à la téléconsultation, un nouvel apprentissage qui a suscité bien des questions déontologiques. Mais nous savons innover ! Le confinement est un révélateur et un amplificateur des vulnérabilités sociales, en termes de logement, de handicap... Pour certains enfants, la cantine était le seul vrai repas de la journée, leurs parents sont en situation de grande précarité, non seulement ils sont confinés, mais ils ont faim... Pour les enfants qui étaient dans des structures de soin également, la situation est terrible.

ToutEduc : De ce point de vue, comment pouvez-vous intervenir, aider les enseignants ?

Laurent Chazelas : En les rendant attentifs, lorsqu'ils ont les familles au téléphone, aux petits signes, aux petites modifications qui peuvent être révélatrices de grandes difficultés. Et sinon, les aider à trouver le juste équilibre, à être présents sans être intrusifs. Ils sont souvent déstabilisés parce que, avec la continuité pédagogique, l'accent a été mis sur les apprentissages avant de l'être sur les besoins fondamentaux, se nourrir, se déplacer, se trouver en situation de sécurité psycho-affective… Certains collègues psychologues peuvent soutenir les équipes en visioconférences.

ToutEduc : Et après... ?

Laurent Chazelas : C'est là que va se jouer l'essentiel, éviter que les vulnérabilités révélées ne soient fixées au moment du déconfinement, d'autant que la crise économique va toucher très durement les familles les plus fragiles. Il faudra, selon les particularités locales, mettre en place des permanences, des espaces de parole ou d’expression , s’adapter aux besoins spécifiques, faire appel aux ressources de l’institution (je pense par exemple aux enseignants spécialisés des rased) mais aussi aux ressources des enseignants et des enfants… Il faut surtout préparer dès maintenant le déconfinement.

ToutEduc: Comment ?

Laurent Chazelas : Nous devons participer à son élaboration, non pas être considérés comme les petites mains qui viendront réparer les pots cassés, mais concevoir le cadre le plus opérant possible pour cette transition, ce retour à la normale qui ne sera pas tout à fait la normale d'avant... Et en attendant, contribuer à la mise en place de cadres sécurisants pour chaque enfant.

Propos recueillis par P. Bouchard, relus par L. Chazelas

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