Les évolutions convergentes de la pédagogie universitaire dans le monde (Revue de Sèvres)
Paru dans Scolaire le mardi 24 septembre 2019.
"Xiamen étant une université de recherche, tous les nouveaux enseignants sont titulaires d’un doctorat et sont de jeunes chercheurs très talentueux. Toutefois, le programme doctoral actuel accorde moins d’attention à la formation qu’à la recherche académique, si bien que, souvent, les nouveaux enseignants savent seulement comment étudier et non comment enseigner", constate Fan Wu, professeur à l’université de Xiamen sur la côte sud-est de la Chine. Un constat largement partagé dans le monde si l’on en croit l’introduction du nouveau dossier de la Revue internationale d’éducation du CIEP consacré à la pédagogie universitaire.
Simone Bonnafous (IGAENR) et Philippe Lalle (DGSIP) attestent en effet que "la pédagogie universitaire n’est vieille que d’une cinquantaine d’année", rappelant même que Bourdieu et Passeron, en 1964, écrivaient que "c’est par son absence de pédagogie que se caractérise la pédagogie à l’université". Quête de sens, mobilité croissante, apport du numérique… Il semble, à la lecture du dossier, que les choses changent et notamment les étudiants. Au Québec, par exemple, "on assiste à une transition de la centration sur l’enseignement à une centration sur l’apprenant, qui possède des compétences, acquises dans différents contextes, et dont les attentes doivent être prises en compte".
Un élément d’identité
Le dernier communiqué des ministres de l’Espace européen de l’enseignement supérieur (Paris, mai 2018) a engagé les pays participant à développer des "initiatives communes pour soutenir et stimuler un large éventail de pratiques novatrices d’apprentissage et d’enseignement, en s’appuyant sur les bonnes pratiques existantes dans nos pays et au-delà". La revue de Sèvres donne de nombreux exemples de ces pratiques en Belgique francophone, au Liban, au Sénégal, au Danemark et donc en Chine où "la mise en place de centres pour le développement pédagogique ayant pour but de promouvoir l’excellence des professeurs en matière d’enseignement dans les universités de recherche est considérée comme étant l’une des approches les plus importantes de la construction de l’identité de l’enseignement supérieur en Chine".
Au Liban où les universités (50 privées et une publique) se "préoccupent plus du nombre de citations ou de recherches que de qualité pédagogique", la création (en cours) d’un conseil de l’enseignement supérieur, d’une agence nationale d’assurance qualité et l’obligation de se soumettre tous les cinq ans à une évaluation interne et externe, pourraient changer la donne. "L’enjeu de l’amélioration des pratiques pédagogiques n’est pas anodin", souligne l’auteur de l’article. Il concerne la capacité, ou non, de vivre au XXIe siècle sans être inutile parce que insignifiant".
L’apport du numérique
L’université virtuelle du Sénégal, créée en 2013, "poursuit comme objectif principal de renforcer la carte universitaire pour répondre à une massification importante et réduire les inégalités", elle positionne l’étudiant "au centre du dispositif et se place résolument dans une démarche de qualité". Elle est ainsi "devenue en quelques années la première université publique entièrement numérique en Afrique francophone subsaharienne". "Hybridation des cours" ou "co-modalité", autant de formules autorisées par le développement du numérique qui constituent "une occasion de renouveau pédagogique" permettant de "faire évoluer le rôle de l’enseignant au sein de la situation pédagogique, celui-ci n’étant plus le détenteur exclusif du savoir".
Pour Simone Bonnafous et Philippe Lalle, "la pédagogie universitaire, pour récente qu’elle soit, suit des évolutions convergentes de par le monde, avec des temporalités différentes et des spécificités parfois liées à la géographie et à la situation économique".
"La pédagogie universitaire", Revue internationale d’éducation Sèvres, n°80, CIEP
Colette Pâris