Les environnements numériques peuvent-ils réinventer la pédagogie Freinet ?
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 14 avril 2010.
Bergen, envoyé spécial
"Nous avons adopté l’environnement numérique de travail ‘It’s learning’ il y a 3 ans, et c’est une autre façon de penser", déclare Johs Totland, le directeur de l’Akademiet, un lycée privé de Bergen. Les emplois du temps sont organisés par cycles de 3 semaines, chaque enseignant ayant la classe sur une journée entière. Trois jours avant son cours, le professeur rentre sur l’ "ENT" les éléments essentiels, les résultats à atteindre et les ressources disponibles, dans les manuels ou sur l’Internet. Les parents n’ont pas accès aux cours, mais aux résultats de leurs enfants…
La société "It’s Learning" a organisé une conférence des utilisateurs dans l’ancienne capitale norvégienne, à l’occasion de la signature d’un accord avec Microsoft. La firme 
de Redmond met à disposition des utilisateurs de l’ENT un certain nombre de ressources, notamment l’essentiel de sa "suite office" qui sera accessible sans téléchargement, puisqu’elle restera "dans les nuages". Autrement dit, l’utilisation de l’informatique est simplifiée au maximum, et l’outil devient "transparent". Mark East, responsable des solutions "éducation" du groupe, estime qu’un tel ENT peut bouleverser la pédagogie, et cite en exemple une école primaire d’Exeter (Grande-Bretagne) qui a entièrement réorganisé les apprentissages par projets et enseignement entre pairs. Comment Célestin Freinet se serait-il emparé des possibilités offertes par ces technologies ? Serait-il à l’aise avec les multinationales ?
Car le monde des ENT peut être radicalement modifié par la globalisation. Mise à part une société américaine, Blackboard, davantage tournée vers son marché domestique, et vers le monde asiatique que vers l’Europe, seules deux sociétés se lancent à l’assaut d’un marché estimé à quelques centaines de millions , voire des milliards d'euros. Xavier Darcos, lorsqu’il était ministre délégué (2002- 2004) avait décidé qu’il n’y aurait pas de solution nationale et que chaque collectivité choisirait ou élaborerait la sienne, afin de favoriser les opérateurs nationaux. Aucun n’a développé de produits multilingues et multiniveaux tandis que It’s learnig et son concurrent Fronter, toutes deux norvégiennes, pensaient dès le départ à une solution unique, de la maternelle à l’université, dans les 4 pays scandinaves, puis au Royaume-Uni, aux USA et aux Pays-Bas avant de venir sur les marchés français et allemand, puis italien, espagnol…
Reste à savoir si l’implantation d’un ENT qui a une vocation globale est compatible 
avec la culture française. Lorsque le lycée Akademiet a adopté la solution "It’s Learning", il en a fait un projet d’établissement qui supposait l’adhésion de tous, enseignants et administratifs, le directeur exerçant un fort leadership, sans contestation possible. Toutefois les fonctionnalités sont nombreuses, et, dans un cadre plus souple, on peut imaginer que chacun prenne ce qui lui convient.
LES FONCTIONS D'UN ENT
Le cahier de textes électronique et la communication des notes ou des absences représentent un premier niveau d'usage. Les parents peuvent aussi connaître l'emploi du temps de leur enfant, et savoir quels sont les chapitres étudiés dans chaque discipline. Mais les enseignants peuvent aussi créer une bibliothèque de cours, de ressources documentaires, d’exercices et de sujets d’examen et définir le périmètre de partage : la classe, l'établissement, une communauté… Ils vont aussi imaginer des tests et des systèmes de correction automatique, créer avec leurs élèves des groupes de discussion, qui, dans le supérieur, peuvent se substituent au cours magistral, ce qu'expérimente actuellement la faculté des sciences de Copenhague…