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Le CNED a signé son contrat d'objectifs et de performance, son directeur le commente (interview exclusive)

Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 13 mai 2019.

Le CNED a signé, début avril, son COP (contrat d'objectifs et de performance). Celui-ci intervient après une période de forts remous sociaux, voire d'une forme de désespérance, dont ToutEduc s'était fait l'écho (voir notamment ici). Le directeur, Michel Reverchon-Billot, a été nommé en 2016 après que son prédécesseur avait démissionné et il avait été chargé par la ministre de revoir les orientations stratégiques du Centre national d'enseignement à distance, mais aussi de rétablir la confiance avec les personnels (ici).

ToutEduc : La signature du COP est-elle de nature à rassurer les personnels ?

Michel Reverchon-Billot : Sa rédaction est issue d’un large processus d’échanges et de concertation avec les différentes directions de l’établissement et a donné lieu à de nombreuses réunions et à un dialogue social nourri. Il redonne du sens et des perspectives à l'action des personnels, il affirme des valeurs communes permettant de mobiliser l’ensemble des agents et d’envisager les transformations concrètes, indispensables à la réussite de ce projet structurant.

ToutEduc : Comment va le CNED ?

Michel Reverchon-Billot : Nous avons assaini la situation financière, sans quoi, les personnels le savent bien, rien n'est possible. Notre chiffre d'affaires était descendu à 51,7 M€ en 2016, il est remonté à 52 M€ l'année suivante, à 54,4 M€ l'an dernier, et devrait atteindre 55 M€ cette année. Nous avons également enrayé la chute du nombre de nos inscrits. Ce ne sont que deux indicateurs, mais ils sont importants.

Le CNED articule son action autour d’une double mission d’éducation et de formation. La première est la scolarité réglementée et à ce titre, nous assurons, pour le compte de l’État, la continuité de la scolarité des élèves ne pouvant se rendre en classe pour diverses raisons (nomadisme, expatriation, situations ne permettant pas la participation à l’enseignement en présence). Cela concerne près de 70 000 élèves en 2018.

En parallèle, le CNED se positionne au cœur même du système éducatif numérique avec une offre diversifiée de services opérationnels gratuits pour ses utilisateurs :

-D’COL : dispositif complet d’aide, de soutien et d’accompagnement en français, mathématiques et anglais pour les élèves de sixième et de CM2  des réseaux de l’éducation prioritaire. Plus de 52.000  élèves en élémentaire et au collège en ont bénéficié en 2018 ;

-English for Schools et Deutsh für Schulen: offres de services en ligne pour l’apprentissage de l’anglais en primaire et de l’allemand en primaire et au collège. Près de 35 000 enseignants s’y sont inscrits depuis leur lancement en 2013 et 2016.

-Jules : agent conversationnel d’aide aux devoirs pour les collégiens, proposé dans le cadre de la mesure ministérielle Devoirs faits, lancé en janvier 2019. Il compte déjà 20 000 inscrits et nous le ferons évoluer à la rentrée avec "une couche de gamification". Ce dispositif innovant intéresse d'ailleurs plusieurs pays tels que le Canada, le Liban, l'Angleterre et l'Allemagne.

Notre seconde mission est celle de la formation tout au long de la vie, financée sur nos fonds propres, dans un secteur fortement concurrentiel avec près de 90 enseignes qui proposent des offres de formations.

ToutEduc : C'est pourquoi vous notez dans votre COP que le CNED doit être davantage visible, notamment pour les entreprises et les administrations, qu'il doit "être référencé sur le réseau du Carif-Oref au niveau national afin de pouvoir être présent sur l’ensemble des bases de consultation", que vous devez "augmenter la part des prospects finançables"...

Michel Reverchon-Billot : En effet. Pour nos élèves qui relèvent de la scolarité réglementée, nous recevons une subvention pour charge de service public, mais ce n’est pas le cas dans le secteur de la formation continue. C’est un marché qui se financiarise avec des grands groupes portés par des fonds d’investissement pouvant déployer de très importants budgets publicitaires pour se faire connaitre. En complément de notre stratégie média grand public repensée en 2017 et reconduite depuis lors, nous avons engagé des chantiers structurants pour développer notre présence sur le marché de la formation professionnelle continue. Dans ce cadre, nos offres doivent se définir en relation avec les fonctions publiques, les grands établissements publics et privés, les financeurs publics et les opérateurs nationaux du conseil en évolution professionnelle.

Un autre levier d’accroissement de notre chiffre d’affaires est le développement à l'international. Dans le cadre de notre mission de service public, nous poursuivons toujours notre collaboration avec l’AEFE et la MLF pour assurer la continuité de la scolarisation des enfants français ou francophones dans des établissements français à l’étranger. Mais nous sommes également en train d'expérimenter de nouveaux partenariats à destination de jeunes adultes sur des niveaux CAP ou BTS. Ainsi, un projet pilote de formation en BTS management hôtellerie restauration sera mené à la rentrée prochaine, au Liban, avec l’École supérieure des affaires (ESA) de Beyrouth. Je suis persuadé que la langue française a un rôle à jouer dans l’employabilité des personnes peu diplômées ; parler français sera un plus pour leur permettre de trouver un emploi.

ToutEduc : Pour certains CAP ou BTS, on voit bien comment vous pouvez faire en termes de formation, éventuellement en travaillant avec l'appui du CIEP qui a une bonne connaissance des besoins et une longue expérience du FLE (français langue étrangère). Mais une formation professionnelle ne vaut que si elle débouche sur un diplôme...

Michel Reverchon-Billot : Oui. Pour la formation professionnelle, nous pouvons trouver des terrains de pratique avec des entreprises locales et pour les épreuves professionnelles, il peut être nécessaire d'envoyer des examinateurs sur place. Pour les examens à distance de l'enseignement général, nous nous intéressons aux solutions de "proctoring", qui permettent de s'assurer que le candidat compose chez lui sans aucune aide d'un tiers, dans les conditions réelles de l'examen.

ToutEduc : Dans le contrat d'objectifs et de performance, vous parlez de "prioriser" certaines formations. Est-ce à dire que vous allez en abandonner certaines ?

Michel Reverchon-Billot : En effet. Nous avons aujourd'hui un catalogue de 250 formations, dans des domaines et à des niveaux très différents : du CAP coiffure aux sciences de l’éducation, de la grande section de maternelle au master 1. Notre offre a ainsi été développée par opportunité plus que par stratégie. Nous avons donc engagé un travail de "déprolifération" pour nous recentrer sur nos points forts en termes de compétences et faire monter en qualité nos formations.

Nous devons également gérer l’évolution de notre périmètre d'activité. Si notre mission traditionnelle d’enseignement auprès des élèves est toujours pleinement assurée, nous engageons depuis quelques années une transition en apportant un appui aux établissements scolaires. Nous nous orientions ainsi vers un enseignement hybride mêlant distance et présentiel.

ToutEduc : Qu'entendez-vous par là ?

Michel Reverchon-Billot : Par exemple, dans les situations d’urgence, le CNED est en mesure de se mobiliser rapidement pour proposer des solutions de continuité éducative.

Après avoir notamment mis ses supports numériques à la disposition de l’académie de Guadeloupe après le passage de l’ouragan Irma dans les Antilles en septembre 2017, le CNED a notamment ouvert, en janvier 2018, une plateforme pédagogique en ligne pour les élèves et enseignants d’un établissement d’Ile-de-France fermé en urgence pour réaliser un désamiantage.

De même, dans le cadre du mouvement de contestation populaire qui a secoué l’île de Mayotte pendant plusieurs semaines, le CNED diffusait dès la mi-mars 2018, des cours complémentaires aux élèves de première et de terminale devant passer leur baccalauréat en fin d’année scolaire. Ce sont près de 6 000 élèves qui ont ainsi été pris en charge. Il reste par ailleurs un recours pour les élèves d’établissements situés dans des pays traversant des crises majeures (Syrie, Kurdistan d’Irak, Lybie, Burundi, Centrafrique).

Avec la réforme du lycée en cours, dans le cas où des établissements ne pourraient pas proposer à leurs élèves l’ensemble des enseignements de spécialité ou toutes les options facultatives, le CNED pourra offrir alors une alternative à ces lycéens en leur permettant de suivre leurs cours à distance. J'ai déjà évoqué Jules dans le cadre de la mesure "Devoirs faits", et nous expérimentons également un dispositif destiné à pallier les absences de courte durée dans le second degré, avec une banque de parcours de 50' dans laquelle l’établissement choisit un cours, en fonction de l'avancement de la classe dans le programme. Cette plateforme testée dans les académies de Lyon, Clermont et Grenoble permet d’assurer une continuité éducative et pédagogique et elle sera déployée à la rentrée prochaine aux autres académies.

ToutEduc : Le COP vous assimile à une "académie numérique". Que voulez-vous dire ?

Michel Reverchon-Billot : Que notre périmètre est en train de s’agrandir et que nous sommes passés d’un établissement de compensation à un établissement de complémentarité. Les services que nous développons, tels Jules ou le remplacement de courte durée, permettent d’augmenter le potentiel des établissements. Cet appui au présentiel est l’un des axes principaux de notre COP.

ToutEduc : Vos personnels sont, pour beaucoup, des professeurs qui, confrontés à des difficultés de santé, ne peuvent plus enseigner en présence et qui sont souvent décrits comme des correcteurs de copies....

Michel Reverchon-Billot : Détrompez-vous. Enseigner au CNED, c’est certes enseigner autrement, mais c’est toujours mobiliser son expérience, son expertise, son excellence au service de la réussite des élèves. Les cours et les services d’accompagnement proposés aux inscrits étant intégralement dématérialisés, les enseignants affectés au CNED ont donc des missions  qui impliquent un usage quotidien des outils numériques : correction des copies en ligne, tutorat individuel en ligne, animation de groupe, etc.

Afin qu’ils puissent assurer leurs missions et organiser leur activité, des formations sont proposées en interne aux enseignants. Ainsi, à l’issue de son parcours au CNED, l’enseignant peut se prévaloir de l’acquisition de nouvelles compétences numériques, didactiques et pédagogiques qui fondent le métier d’enseignant à l’ère du numérique.

C’est cette nouvelle réalité du métier de l’enseignant qui a conduit à mener en 2017 une réflexion globale sur l’évolution de leurs missions et conditions d’exercice et a abouti à la rédaction d’un cadre commun d’exercice des missions, applicable à l’établissement depuis la rentrée 2018. Celui-ci s’appuie sur un référentiel unique et partagé des missions susceptibles d’être confiées aux enseignants.

ToutEduc : Le COP évoque "des recouvrements éventuels de périmètre avec les autres opérateurs", des "redondances" avec le réseau Canopé. Est-il toujours question d'une fusion avec d'autres opérateurs de l'Education nationale ?

Michel Reverchon-Billot : Non. C'est une solution qui avait, un temps, été envisagée mais elle n’est plus du tout d’actualité. Nos métiers sont différents, nous nous intéressons aux élèves, Canopé aux enseignants et l'IHE2F (autrefois l'ESEN, ndlr) aux cadres. En revanche, des articulations sont envisageables, par exemple avec l'ONISEP pour l'orientation de nos élèves, et en règle générale, pour les réponses aux appels d'offres lorsque nous pouvons les partager.

ToutEduc : Et où en êtes-vous de vos relations avec la tutelle ? Dans le COP, vous lui demandez de jouer un "rôle accru dans la régulation des commandes" qu'elle vous passe.

Michel Reverchon-Billot : Il s'agit surtout de la mise en œuvre des réformes et des répercutions qu’elles engendrent sur nos contenus de formation. Pour le CNED, par exemple, la réforme du lycée est un énorme chantier, avec des cours à revoir complètement ou à créer pour les enseignements de spécialité et les options. C’est également le cas avec les autres ministères qui organisent des concours de recrutement pour lesquels nous proposons des préparations. Nous travaillons également à formaliser et à développer nos relations avec nos partenaires, avec le secteur privé et des « start-up » ou encore la recherche universitaire en intelligence artificielle, comme par exemple, avec le LORIA (Laboratoire Lorrain de Recherche en Informatique et ses Applications) où nous finançons la thèse d’une doctorante sur la conception d’algorithmes de reporting à destination des enseignants.

ToutEduc : Vous évoquez un grand nombre de projets, mais le personnel vous suit-il ?

Michel Reverchon-Billot : La dynamique d’un établissement se traduit par l’existence de projets, le fait qu’ils soient nombreux démontre à la fois que les missions de l’opérateur sont accrues, et qu’il a le soutien de ses ministères de tutelle. Le personnel a été, et est encore force de proposition à l’élaboration de projets nouveaux : des fiches actions qui opérationnalisent les axes stratégiques du COP sont proposées et portées par les personnels, partagées sur l’intranet de l’établissement, et chaque agent peut contribuer à son niveau à la réussite des projets collectifs.

 

Propos recueillis par P. Bouchard, relus par M. Reverchon-Billot

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