Parcoursup : les comparaisons avec APB font-elles sens ?
Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 14 septembre 2018.
La communication en conseil des ministres de Frédérique Vidal sur Parcoursup fait une large place aux comparaisons avec APB. La ministre en charge de l'enseignement supérieur indique notamment que plus de 43 % des candidats de l’académie de Créteil ont reçu une proposition à Paris, contre 26 % l’année dernière. Près de 65 % des bacheliers professionnels ont eu une proposition en STS, contre 53 % en fin de procédure en 2017. Et 21 % des bacheliers technologiques, se sont vus proposer un DUT, contre 12 % avec APB en 2017 (voir ToutEduc ici). Parcoursup aurait donc mieux tenu que son prédécesseur la promesse d'équité.
Mais pour Benoît R. Kloeckner, professeur de mathématiques à l’UPEC (Paris Est - Créteil) "l’évolution, par rapport à APB du nombre de propositions dans telle formation aux candidats issus de telle filière ne veut rien dire". Des quotas obligatoires ont été créés pour favoriser les profils de bacheliers technologiques et professionnels en IUT et BTS" et cela biaise la comparaison. Mais surtout, comme APB faisait automatiquement les désistements en fonction de l’ordre des vœux, beaucoup moins de propositions étaient faites. Quand Parcoursup propose une STS qui est en fait un troisième choix pour le candidat, "les chiffres sont dopés".
La seule et unique manière de confronter les deux algorithmes d’affectation serait de focaliser sur les vœux choisis. Parcoursup –qui ne permet pas de trier ses choix de filières contrairement à APB- va-t-il avoir pour effet de réguler davantage l’offre et la demande d’études supérieures ? En aura-t-on fini avec les formations "en tension" désormais ?
Des universités obligées de revoir leurs méthodes pédagogiques
En l'état actuel des données disponibles, on peut penser que de nombreuses formations se retrouvent avec des étudiants moins nombreux et au profil bien différent de ceux de 2017. Une enquête conduite par les chefs d’établissement du SNPDEN indique que les classes prépas seraient moins remplies que d’habitude dans 22% des cas, et carrément en sous-effectif selon 21% des réponses. A l’université, dans certaines licences que l’on pourrait qualifier de "moyennes", seule une petite minorité de candidats aura sans doute vraiment souhaité ce vœu, l’immense majorité ayant fini par lâcher ce choix pour un autre, tout compte fait plus attrayant. Sur la plateforme Parcoursup, les responsables pédagogiques, eux aussi, ont dû avoir des sueurs froides en constatant que leur licence enregistrait un "refus définitif " massif… Au-delà d’un enjeu d’attractivité des filières, cette nouvelle donne indique aussi que face à des étudiants au dossier scolaire moins brillant que les années antérieures, des formations devront revoir leur contenu et méthodes pédagogiques. A cet égard, le vrai bilan de Parcoursup ne pourra se faire qu’au regard du taux d’abandon à la fin d’une première année d’études.
S'y ajoutent les 181 757 candidats qui ont quitté la plateforme et les 39 513 autres qui sont déclarés "inactifs" par le ministère… Ce qui donne un écho tout particulier aux propos du président de la République tenus hier jeudi 13 septembre : "Le drame, ce sont ceux qui lâchent la corde, pour le coup, tout doucement, et qui sortent des statistiques parce qu’ils ne demandent plus rien", a déclaré Emmanuel Macron dans le cadre de la présentation de la "stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté".
Soazig Le Nevé