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"Agir pour l'école" : P. Devin (SNPI-FSU) dénonce les faiblesses scientifiques du programme PARLER

Paru dans Scolaire le mercredi 27 juin 2018.

"Un large consensus scientifique affirme aujourd’hui la nécessité de travailler simultanément toutes les composantes de l’apprentissage de la lecture", et si le programme PARLER porté par l'association "Agir pour l'école" et encouragé par le ministère, parvient à renforcer les compétences phonologiques sur lesquels il fait travailler les élèves, "aucune recherche scientifique n’a jamais établi qu’[il] ait un effet bénéfique à terme sur la compétence de lecture", écrit Paul Devin sur son blog personnel. Le secrétaire général du syndicat FSU des inspecteurs publie un long argumentaire pour dénoncer la scientificité des discours qui fondent l'action de cette émanation de l'Institut Montaigne.

Cette publication intervient après que plusieurs syndicats eurent dénoncé "une expérimentation pilotée par l’association 'Agir pour l’école', qui (...) serait de fait imposée aux écoles" dans le département du Nord (ToutEduc ici) et le responsable syndical reprend leur argumentation, ce n'est pas une expérimentation, ni au sens scientifique ni en termes administratifs. I ajoute : "A l’inspecteur d’une circonscription (...), il a été répondu que l’action bénéficiait des faveurs ministérielles et qu’il n’y avait donc aucune raison de s’inquiéter."

Des situations de blocage

Il rapporte également que nombreux seraient les enseignants qui cherchent à se libérer de ce protocole. Le programme a certes des "effets dynamiques " au départ, les enseignants sont mobilisés par une méthode qui semble pouvoir "concrétiser l’ambition de démocratisation de la réussite scolaire". Mais ils sont plusieurs à constater que certains de leurs élèves "sont soumis à des pressions qu’ils considèrent comme maltraitantes". Ce sont ceux qui ne parviennent absolument pas "à développer la capacité à segmenter une syllabe par l’identification des phonèmes". Mais les promoteurs de la méthode refusent "d’admettre qu’il puisse y avoir des situations de blocage", un fait pourtant reconnu par Edouard Gentaz (psychologie du développement à l'Université de Genève) qui a "souligné le problème d’enfants qui, ne parvenant pas à passer le 'cap de la fusion syllabique', restaient bloqués". Paul Devin commente : "Dans une pédagogie habituelle, l’enseignant aurait tenté quelque détour. Mais ici point d’autre différenciation que celle de la quantité d’entraînement proposée."

L'auteur donne tout l'historique de l'expérimentation du programme PARLER lancé par Michel Zorman (voir notamment ToutEduc ici). Le laboratoire dirigé par E. Gentaz "atteste de progrès manifestes dans les compétences travaillées", mais ajoute que le programme ne parvient pas à vaincre les difficultés de certains élèves "qui ne franchissent pas le cap de la fusion syllabique" et la DEPP (le service statistique de l'Education nationale) conclut "qu’il n’est pas possible d’attester d’effets positifs du dispositif sur les compétences des élèves". Une nouvelle expérimentation est lancée, dans les Hauts-de-Seine, en Seine-Saint-Denis, dans le Nord et dans le Pas-de-Calais. C’est le laboratoire EMC Lyon 2 (Jean Écalle), l’IREDU (Bruno Suchaut) et la DEPP (Thierry Rocher) qui sont chargés de l’évaluation, ils concluent "aux progrès phonologiques y compris chez les élèves en difficulté", mais constatent "des progrès faibles ou inexistants dans la plupart des autres domaines" et ajoutent qu'il "est impossible de savoir si ces effets seront durables". "Une seule étude semble conclure positivement", celle d’Adrien Bouguen, économiste, dans une réinterprétation des données de la DEPP.

"Une imposture"

Christian Forestier, ancien recteur et conseiller du comité directeur d’APE [dont Jean-Michel Blanquer était membre, affirme Paul Devin, ce que conteste le ministre], n'en affirme pas moins que "dans toutes les zones où le programme a été mis en œuvre, l’échec lourd a été réduit de moitié", alors que le constat porte sur "un progrès de la moitié des élèves dans les compétences phonologiques (...) Affirmer que le programme PARLER a fait la preuve scientifique de sa capacité à diminuer par deux l’échec scolaire est donc une imposture. Aucune recherche ne permet de l’affirmer."

Autre difficulté que dénonce Paul Devin, l'importance prise par les tablettes, au risque de confondre l'implication des élèves dans l'activité et les apprentissages. De plus, "la tablette étant centrale dans l’activité de l’élève, le bug le devient aussi" tandis que certains enseignants s’inquiètent "de la part démesurée de l’activité individuelle, qu’elle soit menée seule ou en petits groupes dans des classes qui n’ont plus jamais l’occasion du travail collectif", donc aux dépens des apprentissages sociaux. "Et c’est là qu’un clivage fondamental perdurera parce que le projet de l’Institut Montaigne porte une conception bien particulière de la réussite scolaire, réduite aux fondamentaux les plus indispensables."

L'auteur met aussi en cause la pression mise sur les enseignants qui participent à cette "expérimentation" et le souci qu'ont ses promoteurs de réduire les coûts de l'enseignement en augmentant le temps efficace de l'enseignant qui travaille avec un petit groupe tandis que les autres élèves sont "en autonomie" avec leurs tablettes. Il souligne encore la part des financements privés dans une politique publique.

Le site de Paul Devin ici

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