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Ecole, neurosciences, neuro-éducation, neuropédagogie … des neuro-illusions cognitives ? (E. Gentaz, revue A.N.A.E.)

Paru dans Scolaire le mercredi 22 novembre 2017.

"Il existe depuis quelques années une relative confusion dans l’évocation des disciplines scientifiques invoquées pour décrire des résultats d’études liées à l’école ou aux apprentissages. Cette confusion s’accompagne d’une tendance à vouloir ajouter le préfixe neuro à toutes les disciplines comme si cela leur permettait d’être considérées comme davantage scientifiques ou sérieuses." C’est ainsi que débute l’éditorial du numéro 147 d’octobre 2017 de la revue A.N.A.E. (Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant) rédigé par le professeur Édouard Gentaz, de l’université de Genève, rédacteur en chef de cette revue. Il poursuit en rappelant que les sciences cognitives appliquées à l’éducation ont pour but de tenter de décrire et de comprendre les processus cognitifs ou affectifs mis en jeu au cours des activités qu’élèves et enseignants mettent en œuvre.

Or, selon lui, le concept de neurosciences est souvent utilisé, à tort, pour décrire des études produites par la psychologie expérimentale. Schématiquement, alors que la psychologie s’intéresse plutôt aux comportements et aux représentations mentales, les neurosciences examinent leurs corrélats neuronaux grâce aux progrès récents des méthodes d’imagerie cérébrale. Par exemple, l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) permet d’examiner in vivo l’activité cérébrale de personnes volontaires en train d’effectuer certaines tâches comportementales comme lire des mots, regarder des images, etc. dans des conditions expérimentales précises, seules et allongées dans un scanner.

Deux niveaux d’analyse

Ces deux niveaux d’analyse, le niveau comportemental et le niveau cérébral, sont bien évidemment complémentaires mais ils ne doivent pas être confondus car, pour l’universitaire, l’un n’explique pas l’autre. Par exemple, affirmer que les neurosciences valident la pédagogie Montessori est un abus de langage. Si, en effet, quelques études quantitatives issues de la psychologie montrent des effets bénéfiques de la méthode Montessori sur les performances des enfants, d’autres n’observent pas de différence avec des enfants scolarisés dans des écoles traditionnelles. Mais, pour l’auteur de l’éditorial, toutes ces études fondent leurs analyses sur des données comportementales et il n’existe pas, à sa connaissance, de recherches publiées montrant chez des enfants une signature cérébrale spécifique due aux effets de la pédagogie Montessori. En revanche, il existe des études neuroscientifiques qui révèlent l’importance du "réseau de mode par défaut (RMD)"», ce dernier désignant un réseau constitué des régions cérébrales actives lorsqu’un individu n’est pas focalisé sur le monde extérieur et lorsque le cerveau est au repos, mais actif. Ainsi, durant la réalisation d’une tâche, le RMD est désactivé et un autre réseau est activé. Des travaux montrent chez l’adulte que ce RMD serait associé aux idées créatives. Pour le professeur Gentaz, on peut seulement faire l’hypothèse que les effets bénéfiques de la méthode Montessori sur, notamment, la créativité pourraient être liés à la grande autonomie dont l’enfant dispose dans l’organisation de son travail et qui lui permet d’inclure plus aisément des temps de pause spontanés correspondant à ses propres besoins. Ces pauses pourraient activer plus facilement le RMD. Des recherches psychologiques et neuroscientifiques sont, pour Édouard Gentaz, nécessaires pour tester cette hypothèse au niveau comportemental et au niveau cérébral.

L’éditorialiste n’y va pas par quatre chemins. Il l’affirme : la confusion entre neuroscience et psychologie expérimentale est entretenue plus ou moins consciemment dans l’espace médiatique par certains journalistes et chercheurs. Elle résulte probablement d’une illusion cognitive, c’est-à-dire d’une erreur systématique partagée par le plus grand nombre, poursuit-il. Effectivement, dit-il, les recherches psychologiques comportementales montrent que mettre le préfixe neuro en accompagnant le discours de belles images de cerveau, plus particulièrement en 3D, rend plus crédible l’information transmise auprès d’adultes naïfs. Méfions-nous, ajoute-t-il, des chercheurs quand ils nous montrent de belles images de type neuroscientifiques sous une forme facile à saisir.

Neurosciences et sciences cognitives

Il insiste : avant que les professionnels ne commencent à rejeter les apports (intrinsèquement limités) des neurosciences cognitives assimilées à tort aux sciences cognitives appliquées à l’éducation, il est crucial pour tous les chercheurs du champ d’utiliser les concepts corrects afin d’éviter d’entretenir flous sémantiques et illusions cognitives.

Les sciences cognitives sont un ensemble de disciplines, rappelle également le rédacteur en chef d’A.N.A.E.: psychologie, philosophie, linguistique, anthropologie, informatique et plus particulièrement l’intelligence artificielle, neurosciences. Si ces disciplines peuvent produire des explications, prédictions, simulations liées à l’école, aucune d’elles ne peut prétendre répondre, à elle seule et de manière sérieuse, aux défis de l’éducation.

Le site de la revue, ici

Arnold Bac

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