Education anti-homophobe: retour sur une polémique
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le vendredi 05 février 2010.
Au départ, une souscription pour la réalisation d'un dessin animé, "Le baiser de la Lune", "un court-métrage d'animation poétique pour aborder les relations amoureuses entre personnes du même sexe à l'intention des enfants de CM1/CM2". Elle est lancée par "L'espace du mouton à plumes", une EURL rennaise, société d'édition et de production. Seule la bande annonce est réalisée, et téléchargeable. Comme le rappelle La Ligue de l'enseignement, le projet est soutenu par la Région Bretagne, les Côtes d'Armor et le Finistère ainsi que la Ville de Rennes, tandis que la Ligue de l'enseignement d'Ille et Vilaine "se charge du dossier pédagogique à destination des enseignants et des éducateurs". Là dessus un hebdo de la droite libérale ("Les 4 vérités") s'empare du sujet, et dénonce "la propagande pernicieuse et l’idéologie du lobby homosexuel [qui] pénètrent dans les écoles" avec une pétition à l'adresse des "parents français". Christine Boutin renchérit, puis Luc Chatel, qui donne instruction à l'inspecteur d'académie de se retirer de la liste des souscripteurs (à en croire l'hebdo). Martin Hirsch indique que le Haut-Commissariat à la Jeunesse a participé, à hauteur de 3 000 €, au financement du film et Luc Chatel se sent obligé d'affirmer que la lutte contre toutes les discriminations sera une des priorités de la rentrée scolaire 2010.
B. Toulemonde, dans une L'autonomie des établissements scolaires suppose un "Etat stratège" (Journée E&D) récente, soulignait que le nombre des priorités inscrites dans les circulaires de rentrée est tel que plus aucune n'est prioritaire: l'intention affichée du ministre doit donc être prise a contrario: personne ne pourra s'opposer aux enseignants qui en feront effectivement dans leur classe une priorité, avec ce film ou avec d'autres moyens, qui seront peut-être moins "poétiques" que les amours, assez innocentes, de deux poissons.
Et voici comment une entreprise unipersonnelle déclenche une affaire d'Etat, et comment la réaction outragée des censeurs ouvre la porte à "pire", de leur point de vue, que ce qu'ils condamnaient...