Violences scolaires : l'état de la science (ouvrage collectif)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le dimanche 13 novembre 2016.
"La violence est parfois le dernier refuge de celui qui se sent incompétent." Cette formule d'Isaac Asimov, que cite Egide Royer (université de Laval, Québec) aurait pu être mise en exergue de "L'Ecole face à la violence", un ouvrage collectif dirigé par Eric Debarbieux. L'ancien délégué ministériel en charge "de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire" retrace l'historique de ce combat lancé en 1997 par Bernard Charlot et Jean-Claude Emin, car "en vingt ans, la situation a évolué sur le plan scientifique comme sur le plan scientifique" et l'ouvrage fait le point, sans épuiser le sujet. L'an prochain en effet, un second ouvrage détaillera un certain nombre de réponses aux questions posées ici, dans des articles qui ont toutes les caractéristiques des travaux universitaires, mais qui n'en constituent pas moins l'œuvre "d'intellectuels engagés contre tous les simplismes et les manipulations interminablement présentes sur le thème de l'insécurité (...) dans un contexte de globalisation des populismes et de la xénophobie".
Reprenant les résultats qui font aujourd'hui consensus parmi les chercheurs au niveau international, il évoque "l'importance des microviolences", l'échec des politiques de "tolérance zéro", "uniquement répressives", la nécessité "d'une approche systémique et multifactorielle"... Le premier chapitre (dû à des chercheurs de la Depp) souligne d'ailleurs que les atteintes les plus souvent citées par les lycéens sont les vols de fournitures scolaires, la mise à l'écart, les surnoms désagréables et les insultes, mais aussi que la composition sociale d'un établissement ou l'instabilité de l'équipe enseignante joue un rôle dans la présence de la violence. E. Debarbieux et B. Moignard ajoutent que "le taux d'injustice ressenti (par les élèves) varie selon les établissements" du simple au double et que "le taux d'exclusions de classe peut varier de 6,7 % à 64 %" dans des collèges "pourtant de même type social". Plutôt que la vidéosurveillance, c'est l'amélioration de la justice scolaire qui constitue "une piste d'amélioration globale du climat scolaire".
Pas de lien avéré entre violence scolaire et radicalisation
S'agissant de la cyberviolence, Catherine Blaya montre qu'on manque d'outils, et elle envisage "la pertinence d'interventions globales" qui portent à la fois sur les formes plus habituelles de la violence scolaire et sur le harcèlement numérique. D'autres auteurs s'intéressent à "l'incidence du vécu scolaire sur le processus de radicalisation", ou plutôt à l'absence de lien direct "entre un éventuel vécu de stigmatisation à l'école ou de difficultés liées à une perception 'rigide' de la laïcité et l'adhésion à l'Islam radical", mais l'Ecole n'a pas permis aux jeunes qui se sont radicalisés, le plus souvent "au moment ou peu après leur décrochage scolaire", de "structurer leur construction identitaire" à l'adolescence.
Parmi les autres sujets étudiés, la mesure de la violence, l'évolution constante des contextes scolaires, le rôle des stéréotypes sexués, la répartition des violences entre filles et garçons, les effets (négatifs) de la politique de tolérance zéro aux Etats-Unis, la prévention des "school shootings" et la prise en compte des indices de dangerosité, la faible efficacité des interventions policières au sein des établissements, la possibilité d'améliorer la réussite scolaire d'élèves "en difficulté de comportement", la formation des enseignants...
"L'école face à la violence", Armand Colin, 256 p., 25 €