"Notre intention est d’amplifier notre recherche sur le langage, les langues, le plurilinguisme" (agence Quand les livres relient)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture le vendredi 16 septembre 2016.
"Je parle l’image, le français et l’anglais", annonce d’emblée Katy Couprie, peintre et auteure-illustratrice lors de son intervention au colloque "Langues, langage, images" organisé ce 16 septembre à Paris par l'agence "Quand les livres relient", qui a pour objet de "favoriser l'expérience littéraire dès le plus jeune âge".
"Depuis sa création en 2004, l’agence propose de réfléchir à la place et au rôle des rencontres avec les albums dans l’élaboration de la langue de chacun", rappelle Dominique Rateau, sa présidente. "Aujourd’hui notre intention est d’amplifier notre recherche sur le langage, les langues, le plurilinguisme, de lui donner une autre dimension en associant des acteurs de terrain, artistes, universitaires et spécialistes de différents champs de recherche".
Un instant suspendu et des albums sans texte
Pour démontrer l’importance du langage de l’image, Katy Couprie est remontée aux premiers dessins de la grotte de Lascaux "quand les hommes immortalisaient par respect les animaux qu’ils avaient tués". Revenant à l’origine du mot image en français qui vient du latin imago désignant les masques mortuaires, elle caractérise l’image comme "une présence qui revient", comme "un instant suspendu", comme "une illusion à laquelle on croit". "Le pouvoir de l’image est tellement grand qu’elle peut nous manipuler, particulièrement aujourd’hui", ajoute-t-elle. Auteure d’albums sans texte, elle insiste sur le langage de l’image qui n’a rien à voir avec l’illustration et elle s’inquiète du sort "des enfants qui parlent l’image et auxquels on ne porte pas assez attention à l’école".
Bernard Victorri, ancien directeur de recherche au CNRS en sciences du langage et spécialiste de modélisation en sémantique des langues, s’est particulièrement intéressé à la naissance du langage et affirme que "la narration a joué un rôle primordial dans l’établissement des sociétés humaines et l’organisation des relations sociales". Il s’interroge : "Pourquoi l’homo sapiens moderne est passé du lexique à la grammaire ?" Le lexique servait à désigner les objets, il ne permettait que "de parler d’ici et de maintenant", or, l’homme a eu besoin "de se projeter, de parler du passé et du futur, ne serait-ce que pour raconter des histoires, les histoires des mythes puis des religions… On a ritualisé le récit, on a raconté aux plus jeunes les histoires qu’on avait en commun, les histoires qui fondent une humanité."
La reconnaissance des langues familiales favorise l’apprentissage du français
Hawa Camara, psychologue clinicienne à la Maison de Solenn et Marie-Nicole Rubio, psychologue clinicienne et fondatrice de la revue Le Furet, ont toutes deux décrit les difficultés d’intégration des enfants de migrants liées notamment à la pratique de plusieurs langues. Marie-Nicole Rubio souligne que "la reconnaissance des langues familiales a un impact sur l’estime de soi, l’apprentissage du français est favorisé par les liens qu’on peut construire avec la ou les langues familiales, c’est une ouverture qui favorise aussi la construction de liens avec les parents". Hawa Camara qui reçoit des parents et des enfants en "consultation transculturelle" constate elle aussi que "les enfants métis grandissent à la croisée de plusieurs mondes, ils sont à la fois porteurs de richesses et particulièrement fragiles, nous essayons de faire un travail de co-construction avec l’enfant et sa famille qui nous permet de faire des liens entre les différents univers qui l’habitent".
Le site de l'agence ici
Colette Pâris