Archives » Recherches et publications

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Ecole rurale : sa sauvegarde passe par l'action collective (Alain Duran)

Paru dans Scolaire le dimanche 22 mai 2016.

A l’occasion du 3e comité interministériel aux ruralités, le Gouvernement a annoncé, vendredi 20 mai, 50 M€ de crédits supplémentaires qui "pourront être utilisés pour le soutien au développement des infrastructures" numériques, pour l’acquisition de tableaux blancs interactifs et qui permettront aussi que "chaque école rurale rattachée à un collège numérique (puisse) bénéficier du financement de la moitié des équipements destinés aux élèves (...) L’État financera intégralement les ressources numériques pour ces écoles." La ministre de l'Education nationale s'engage à donner des suites au rapport de Françoise Cartron sur les activités périscolaires dans les écoles rurales (voir ToutEduc ici) comme au rapport d'Alain Duran sur "la mise en oeuvre des conventions ruralités".

Ces conventions voient l’État, via le ministère de l'Education nationale, s'engager aux côtés des élus "dans une démarche de contractualisation qui vise à établir, pour une durée donnée, les conditions de mise en oeuvre d'un schéma territorial pluriannuel d'évolution de l'organisation scolaire dans le 1er degré". La première de ces conventions a été signée par le département du Cantal en 2014, elle prévoit la "neutralisation de l'impact des baisses d'effectifs (malgré la baisse de 360 élèves qui aurait dû représenter le retrait de 20 à 25 postes d'enseignants depuis la date de signature de la convention, l'éducation nationale n'a procédé à aucune suppression)", mais au contraire 6 postes au titre du dispositif "plus de maîtres que de classes". Les termes des conventions varient selon les départements, elles portent souvent sur le maintien du P/E (nombre de postes pour 100 élèves). "En contrepartie, les élus locaux doivent accepter d'engager une démarche de travail avec l'Education nationale et entre eux, ayant pour objectif l'amélioration de l'offre scolaire sur les territoires, notamment par la diminution des écoles à classes uniques ou à moins de trois ou quatre classes, lorsque cela est pertinent, par une évolution des RPI (regroupements pédagogiques intercommunaux) dispersés vers des RPI concentrés, par l'implantation sur le terrain des dispositifs 'scolarisation des moins de trois ans' et 'plus de maîtres que de classes', et par le développement du numérique éducatif".

L'école rurale n'est pas l'école de la campagne

Le sénateur décrit très précisément la situation de l'école en milieu rural. L’école rurale, écrit-il, n'est plus "l'école de la campagne". Il explique que "la typologie des habitants se diversifie", des personnes défavorisées économiquement y trouvent un logement moins coûteux qu'en ville, tandis qu'à l'inverse, "d'autres types de populations, économiquement plus favorisées, viennent s'installer en milieu rural, pour y rechercher une qualité de vie davantage conforme à leurs aspirations". C'est le cas de "jeunes familles d'origine citadine qui, en s'éloignant des villes, exigent cependant l'accès aux services et aux prestations sociales et culturelles (dont) elles avaient coutume de bénéficier en milieu urbain". Il constate d'ailleurs à ce sujet, comme sa collègue Françoise Cartron, que, "malgré les difficultés qui ont émaillé sa mise en oeuvre initiale, la plupart des associations nationales d'élus, de parents d'élèves et d'éducation populaire ont dressé un bilan provisoire globalement positif de la réforme des rythmes scolaires".

Mais, plus globalement, "l'école est souvent perçue par le maire comme le dernier service public, et constitue en cela l'identité de la commune de laquelle découle un attachement affectif très fort". Les élus doivent prendre len comptes les effets de la baisse démographique, - 25 000 élèves sur la période 2015‐2018 dans "la vingtaine de départements les plus marqués par la ruralité, et "sa traduction par l'Education nationale", ce qu'ils appellent le "couperet annuel de la carte scolaire". Car le retrait d'un poste "entraîne une suppression de classe qui elle‐même peut aboutir à une fermeture d’école", avec des effets délétères pour la commune. Or beaucoup ont le sentiment que les départements à dominante rurale servent "de variable d’ajustement pour soutenir l’accroissement des effectifs de départements plutôt urbains en croissance démographique régulière".

Des phénomènes de paupérisation

C'est pourquoi il paraît pertinent "de réunir les acteurs et parties prenantes, de bonne volonté, du système éducatif local qui désirent s’engager dans une démarche commune portant sur un réaménagement du tissu scolaire du 1er degré départemental", notamment pour prendre en compte les phénomènes de paupérisation alors que "l’éducation prioritaire en zone rurale ne bénéficie pas de moyens comparables à ceux qui sont alloués aux zones urbaines et péri‐urbaines".

De plus, les élus ont besoin de visibilité "pour décider du maintien ou de l’implantation de services publics" comme les écoles. "Les choix à opérer s’inscrivent nécessairement dans des contextes pluriannuels". Résultat: douze conventions et protocoles ont été signés à ce jour, deux conventions sont en cours de signature, et seize sont en projet.

Que se passe-t-il en sortie de convention ?

Ce qui ne va pas pourtant sans inquiétudes. Certains craignent que le ministère de l'éducation nationale ne poursuive une logique comptable avec "un rattrapage en nombre de postes en sortie de convention", et ils parlent de "marché de dupes". De plus, "la pertinence des regroupements a été appréciée différemment par les élus" qui font valoir que, "selon les particularités géographiques, les temps de transports peuvent être affectés par les saisons et les conditions météo". Ces regroupements s'inscrivent dans le cadre de "la révision en cours du périmètre des intercommunalités" qui "suscite des critiques régulières et des craintes". Pourtant, quoi qu'ils en pensent, "les maires seront désormais nécessairement amenés à se concerter et à coopérer davantage avec leurs homologues, à une échelle dépassant leur commune, pour la gestion de services publics partagés". Alain Duran rejoint, là encore, sa collègue F. Cartron. Pour les deux sénateurs, un PEDT (projet éducatif de territoire) n'a pas de sens sur un territoire trop restreint.

Autre difficulté, "les conventions en vigueur à ce jour sont assez normées, en tout cas dans la forme" alors que "rien n’empêche les partenaires d’une démarche conventionnelle (...) d’amplifier ou restreindre le champ de certains paramètres". Il faut aussi, même si l'auteur n'emploie pas cette expression, que les règles du jeu soient claires, le maintien du nombre des postes sur le département "ne signifie pas "un moratoire sur les mouvements de postes dans le département" et "il ne faut pas laisser accroire que les engagements de l’État / du ministère de l’éducation nationale seront reconduits systématiquement et dans la durée".

La convention a vocation à être reconduite

Mais, "sauf échec patent de la convention, reconnu par tous et acté par ses cosignataires, elle a naturellement vocation à être reconduite (...) Il convient donc de réfléchir et d’envisager au plus tôt les suites et les formes à donner à la poursuite du travail engagé et probablement pas achevé", par exemple engager "une réflexion sur les échanges de services entre enseignants du 1er et du 2nd degré (...), en particulier dans des disciplines telles que les langues vivantes, les arts plastiques, les sciences de la vie et de la terre", ce qui "contribuerait sans nul doute à enrichir l’offre scolaire". "L’organisation d’un maillage cohérent autour de collèges de territoires est à l’aboutissement logique de la réflexion", mais ces prolongements supposent aussi que l'Education nationale mette fin à sa "propension à agir fréquemment de manière isolée, pour ne pas dire renfermée sur elle‐même, sur des champs où désormais l’action collective prime". 

La rapport, une soixantaine de pages, hors annexes, est publié sur le site de l'Education nationale, ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →