Le bilan de la réforme du lycée (réforme Chatel) vu par le SE-UNSA et par le SNALC
Paru dans Scolaire le vendredi 04 décembre 2015.
Documenté par des constats établis par la DGESCO (direction générale de l'enseignement scolaire ), le bilan de la réforme du lycée que vient de lancer le ministère de l'éducation nationale (voir ToutEduc ici) l'est encore par les derniers rapports des inspections générales, des compléments et actualisations fournis par la DEPP (le service statistique de l'Education nationale), la DGESIP (la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle), le SIES (la sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques) et le CEREQ ( centre d'études et de recherches sur les qualifications), ainsi que par une enquête auprès d’un échantillon de lycéens qui sera conduite début janvier 2016.
Il apparaît déjà que dresser un tel bilan est ambitieux. Les problématiques sont assez différentes selon les voies, professionnelle, technologique, ou générale, estime le SE pour qui ce bilan documenté fournit des supports intéressants et des éléments objectifs sur les parcours des élèves depuis la réforme. Pour le syndicat UNSA des enseignants, on peut d'ailleurs penser que ces réformes sont maintenant installées et que, dans les salles des professeurs, les débats se sont apaisés, même si certains dispositifs ont encore du mal à acquérir leur légitimité pédagogique. Selon ce syndicat, interrogé par ToutEduc, la volonté ministérielle affichée est d’améliorer la mise en œuvre des réformes en cours plutôt que de lancer une nouvelle réforme. Le calendrier politique et les contraintes budgétaires ne sont pas favorable à l’ouverture d’un chantier d’envergure.
Pour ce qui est du lycée général, différents points lui paraissent devoir être retravaillés...
- Le rééquilibrage entre les séries et son corollaire qui est d'arrêter de faire de la série S une série "généraliste" sélectionnant un certain type d’élèves qui auront le choix de leur orientations post bac. Les possibilités de passerelles entre filières ne fonctionnent pas ou peu, le ministère mesurant bien visiblement bien cela. Le rétablissement de l’histoire géographie en terminale S n’a pas aidé.
- L'accompagnement personnalisé (AP) pour faire rentrer les pratiques dans les objectifs ministériels. Ceci pourrait passer par un programme de formation continue et l' "accompagnement" d'un certain nombre d'équipes.
- Le ministère ne communique pas sur les effectifs par classe qui sont parfois élevés, en seconde ou dans certaines 1ères ou terminales toutes filières confondues, et cette donnée n’est pas sans importance sur les pratiques pédagogiques : la question des moyens dévolus au lycée et de leur utilisation doit être posée.
- Autre point qui n’est pas évoqué : les programmes qui sont jugés globalement très lourds au vu du temps disponible, en particulier dans le domaine scientifique.
- Les enseignements d’exploration qui ne jouent pas le rôle qui leur était assigné et le statut des enseignements économiques en seconde.
Pour ce qui relève du lycée technologique...
- Dans les filières tertiaires, les nouveaux objectifs ont reçu un accueil positif car ils rendent la poursuite des études plus facile. Le problème est le nombre trop important des élèves dans les classes de ces filières.
- Dans les filières industrielles, une remontée des effectifs est constatée et c’est positif. Néanmoins, il ne faut pas occulter la souffrance réelle des personnels qui ont été très bousculés par la philosophie de la réforme… Sans doute, les choses vont-elles "se tasser" avec l’arrivée des nouveaux recrutés. Dans tous les cas, pour le SE, un retour à "l’avant réforme" n’est "évidemment pas possible ni souhaitable".
En ce qui concerne le lycée professionnel...
- Un fait positif : le nombre de bacheliers professionnels a augmenté et cette augmentation a contribué à presque atteindre les 80 % d’une classe d’âge au bac. Cependant, les taux de réussite restent 10 points en dessous des bacs GT ( généraux et technologiques ) et ce, malgré la création d’un oral de contrôle en 2009 modifié en 2010.
Mais des améliorations sont nécessaires
- Les horaires globalisés sur trois ans posent problème, les rectorats ne calculant pas les DHG de la même façon, notamment quand on regroupe les différentes spécialités, ce qui est le cas des petits lycées où il y a beaucoup de regroupements. Le SE souhaite un cadrage hebdomadaire, éventuellement indicatif. Les DHG ont été rabotées dans les années de restrictions budgétaires et cela perdure.
- En ce qui concerne l’AP (accompagnement personnalisé ), les problématiques sont les mêmes que dans les voies générale et technologique: on a raboté les DHG et donc l’AP a servi de variable pour dédoubler les classes, notamment en enseignement général.
- Sur la certification intermédiaire (et l'obtention du CAP ou du BEP dans le cadre du cursus menant en 3 ans au "bac pro"), le SE s'interroge: ne pourrait-on pas s’en passer ? Ceci diminuerait la charge de travail dévolue au CCF (contrôle en cours de formation) et l’impression d’être en évaluation permanente. Malgré ce diplôme, on n’est pas à 100 % de diplômés au niveau V. L'organisation syndicale demandera quel est le nombre de certifiés intermédiaires qui n’ont pas leur bac pro (67,9 % de réussite en 2014 au BEP d’après la DEPP).
- Quant à l’insertion professionnelle des bacheliers professionnels dans l'enseignement supérieur, pour le SE, la balle est peut-être dans le camp des institutions du supérieur : se sont-elles penchées sur les compétences d’un bachelier professionnel ? En tout cas, dans les quelques IUT où ils s'en sont ainsi préoccupés, ils arrivent à intégrer des bacheliers professionnels et à les amener au DUT ( diplôme universitaire de technologie ), voire en licence professionnelle. Mais se pose un problème de culture professionnelle entre les PLP (professeurs de lycée professionnel) qui enseignent en bac professionnel et les agrégés qui enseignent en STS (section de technicien supérieur). La réforme a ouvert la possibilité aux PLP d’enseigner en STS : "où en est-on 6 ans plus tard ?" demande le SE (son site, ici).
Un bilan "extrêmement négatif" pour le SNALC
Pour le SNALC en revanche, le bilan est "extrêmement négatif". Le syndicat FGAF des lycées et collège a en effet proposé une réforme du lycée (ici) dont la philosophie, "la modularité" est très différente. En ce qui concerne l'AP, le SNALC constate comme le SE qu'il a plus souvent servi de variable d'ajustement que de vrai dispositif d'aide. Il est difficile d'évaluer l'impact des enseignements d'évaluation, mais le syndicat doute de leur utilité. L'autonomie des établissements "a pu tourner au pugilat", la crise de la filière L n'a pas été enrayée. En ce qui concerne la voie technologique, la réforme de la filière industrielle a eu "le mérite de confirmer l'appétence des lycéens pour cet enseignement". Quant au "bac pro en trois ans", il "fait peur et les abandons en cours de formation ne diminuent pas".