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A. Juppé refuse les débats non prioritaires en termes d'efficacité pour transformer le système éducatif (B. Apparu, interview)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le mardi 25 août 2015.

"A. Juppé a un objectif en matière d'éducation, améliorer le niveau et les résultats de la France dans les comparaisons internationales. Pour lui, les discours destinés à soigner les clientèles électorales et les programmes conçus pour gagner les élections tuent l'autorité du politique. Nous assumons notre position, agir sur les leviers qui feront bouger le système, les traiter à fond, et évacuer les questions non prioritaires..." Benoist Apparu, souvent considéré comme le "Monsieur Education" d'Alain Juppé, candidat à l'élection présidentielle, répond aux questions de ToutEduc.

ToutEduc : Alain Juppé parle à plusieurs reprises dans son livre, "Mes chemins pour l'école", d'un certain consensus sur les questions scolaires. D'où vient-il ?

Benoist Apparu : Il me semble que PISA et les comparaisons internationales ont contribué à une objectivation des problèmes. On ne peut plus biaiser. La France est mal classée, nous sommes bons avec les bons élèves, plutôt bons avec les élèves moyens, et mauvais pour accompagner les élèves en difficulté. La promesse républicaines de l'égalité des chances n'est pas tenue et nous prenons une bonne claque quand nous voyons que le système américain est moins inégalitaire que le nôtre. Toutefois, ce consensus est relatif, il porte sur le diagnostic, pas sur les solutions.

ToutEduc : Vous faites l'impasse sur un certain nombre de sujets, vous évoquez à peine le lycée, les rythmes scolaires...

Benoist Apparu : Et à peine plus le collège... A. Juppé l'assume, nous ne nous lancerons pas dans une nouvelle réforme des programmes, nous ne reviendrons pas, sinon à la marge, sur les rythmes scolaires. Alain Juppé a souhaité identifier les leviers majeurs pour améliorer les résultats du système éducatif. Nous avons identifié cinq leviers pour agir, pour lutter contre les inégalités. La richesse du vocabulaire des enfants qui entrent à l'école maternelle varie de 1 à 3. Le collège et le lycée ne sont pas équipés pour y remédier, c'est en amont qu'il faut intervenir. F. Hollande a dit "priorité à l'école primaire", mais il ne l'a pas fait, et pour nous, la priorité, c'est l'école maternelle et le CP, et même la crèche.

ToutEduc : Comment comptez-vous agir en faveur de la toute petite enfance ?

Benoist Apparu : Les structures d'accueil des moins de 3 ans dépendent des collectivités territoriales. L'Etat peut, lui, fixer les règles d’encadrement des structures de petite enfance. L’idée serait de permettre le recrutement de locuteurs dans les crèches afin d’améliorer le vocabulaires des jeunes enfants pour corriger les inégalités liées au milieu social. Nous permettrons que ces locuteurs soient pris en compte pour le calcul du taux d'encadrement des tout petits. Leur salaire ne représenterait donc pas un coût supplémentaire. L’encadrement en maternelle est également un sujet prioritaire. Savez-vous que dans les pays de l'OCDE, la moyenne des effectifs à l'école maternelle est de 14 élèves, contre 22 en France ?

ToutEduc : Vous défendez la liberté pédagogique, et dites que les enseignants doivent être libres de choisir leurs méthodes d'enseignement, mais pour la lecture, vous considérez que c'est le "B A ba" qui s'impose...

Benoist Apparu : Effectivement, Alain Juppé est assez convaincu de la supériorité de la syllabique, mais le maître reste bien libre de ses choix, ce sera plutôt un encouragement.

ToutEduc : Où prendrez-vous les moyens ?

Benoist Apparu : On compte 272 options dans le second degré, lycées professionnels compris, nous estimons qu’en réduisant le nombre d’options, nous générons 250 millions d’économie. Les élèves y ont 10 % de temps scolaire en plus que la moyenne de l'OCDE, ce qui représente 2 milliards d'euros. Nous avons des marges de manoeuvre. Dans les autres pays, la courbe du financement est en U, beaucoup sur le primaire, moins sur le secondaire, beaucoup sur le supérieur. Chez nous, c'est moins sur le primaire, beaucoup sur le secondaire et moins sur le supérieur...

ToutEduc : Votre "clientèle électorale" est attachée aux options, notamment le latin et le grec...

Benoist Apparu : ... à commencer par Alain Juppé, agrégé de lettres classiques ! Il est vrai qu'il regrette cet aspect de la réforme du collège, et il défendra l'enseignement des langues anciennes. Mais nous assumons une politique moins portée sur le second degré au profit du primaire, et plus particulièrement de l'école maternelle.

ToutEduc : Quels sont les autres leviers du changement ?

Benoist Apparu : C'est d'abord l'autonomie des établissements. Là où la réforme actuelle prévoit 20 % d'autonomie, nous voulons 100 % pour la gestion de la DGH (dotation horaire globale). Elle sera annualisée et globalisée. Le principal et le "Conseil éducatif d'établissement" pourront par exemple décider que les 6ème auront 7h de maths pendant un semestre, et trois seulement ensuite, ou que seront prélevés les moyens d'aider une quinzaine d'élèves en difficulté qui sont en groupes de 5 pendant 5h par semaine, quitte à ce que les autres groupes comptent 35 élèves... L'établissement fait ce qu'il veut de ses moyens.

ToutEduc : "Mes chemins pour l'école" évoque aussi, comme levier de changement, la situation des enseignants, et la presse a notamment retenu l'augmentation des primes pour les professeurs du premier degré... Mais peut-on parler des enseignants en général ?

Benoist Apparu : Non, vous avez raison. Chaque corps, chaque discipline a sa logique. Mais tous ont en commun un sentiment de déclassement, de perte d'autorité. Ils ont perdu le monopole de la transmission du savoir qui assurait leur légitimité. Aucune loi ne changera ça, et il est inutile de rêver d'un retour à une époque révolue. Mais une meilleure place dans la société, du fait de meilleurs salaires et de davantage de responsabilités dans la vie de l'établissement, en dehors de la classe, contribueront à des modes différents, propres au XXIème siècle, de reconstruction de l'autorité.

ToutEduc : Alain Juppé, avec ce livre, ne s'adresse à sa famille politique qu'à une seule reprise (p. 24) pour la mettre en garde contre la permanence des inégalités sociales. Vous ne remettez pas en cause les rythmes scolaires, ni les programmes, ni la réforme du collège, sauf pour donner plus d'autonomie aux établissements. N'avez-vous pas peur de décevoir votre électorat ?

Benoist Apparu : Nous avons depuis 30 ans des débats passionnants sur les uniformes, les menus de cantine, les rythmes scolaires... C'est important, certes, mais est-ce de nature à changer les résultats de nos élèves ? Non. Donc, nous considérons ces sujets comme secondaires... Alain Juppé se méfie des discours électoralistes. Il faut gagner les élections, mais surtout, il faut gouverner après. Sur une mandature, on n'a pas le temps de tout faire. Nous choisissons l'efficacité.

Sur le programme éducation d'Alain Juppé, lire aussi ToutEduc ici (Alain Juppé : Ceci n'est pas un programme pour la réforme de l'Education nationale) et ici (Education : pour Alain Juppé, la recherche du consensus précède les "adaptations" du système).

Propos recueillis par P. Bouchard, relus par B. Apparu.

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