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Enseignants pédophiles : deux décisions de justice favorables à des enseignants (jurisprudence)

Paru dans Scolaire le jeudi 09 avril 2015.

Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem ont évoqué hier, 8 avril, les conditions d'une meilleure transmission des informations entre la Justice et l'Education nationale de façon à prévenir, autant que faire se pourra, les agressions sexuelles sur mineurs. ToutEduc vous propose, à cette occasion, une étude de jursprudence. Nous n'avons trouvé, sur les 15 dernières années, en étudiant les décisions du Conseil d'Etat et des Cours administratives d'appel que deux décisions favorable à des enseignants convaincus de pédophilie ou de relations avec des mineurs.

La CAA de Lyon a en effet annulé l'an dernier la révocation d'un professeur de mathématiques qui avait "fait l'objet d'une condamnation pénale à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve" pour avoir "entretenu des échanges à caractère sexuel par voie électronique sur un site de discussions entre adultes avec une personne se présentant comme une mineure âgée de treize ans, au cours desquels il a accompli un acte d'exhibitionnisme". La Cour considère que ces faits "présentent un caractère isolé, qu'ils ont été commis en dehors du cadre professionnel, que l'intéressé y a lui-même mis fin en raison du jeune âge de son interlocutrice, laquelle s'est, au demeurant, révélée être en réalité un personnel de la brigade de protection des mineurs". Il "a exprimé à plusieurs reprises sa honte et ses regrets, fait l'objet d'un suivi psychiatrique régulier depuis les faits" ; "le risque de réitération apparaît inexistant" et la sanction est "disproportionnée". (La décision n° 13LY01162 du mardi 21 octobre 2014, ici).

De même, le Conseil d'Etat a estimé "manifestement disproportionnée" l'exclusion de ses fonctions pendant un an, d'une enseignante coupable d'atteinte sexuelle sur une "mineure de 15 ans". Les faits "ont été commis en dehors de tout cadre professionnel, à l'étranger durant les vacances scolaires d'été, à l'occasion d'une invitation de caractère privé". Le délit avait été commis "sans violence, contrainte, menace ou surprise". Ces faits sont certes "de nature à justifier une sanction disciplinaire", mais ils sont isolés, et ils ont fait l'objet "durant la procédure pénale, de mesures et d'engagements de nature à éviter toute réitération"; le juge pénal avait "estimé qu'une reprise effective de ses fonctions par l'enseignante pouvait être autorisée". Le Conseil d'Etat rappelle que "lorsque les faits commis par un agent public donnent lieu à la fois à une action pénale et à des poursuites disciplinaires, l'administration peut se prononcer sur l'action disciplinaire sans attendre l'issue de la procédure pénale".  La décision n° 313588 du 27 juillet 2009 ici.

Le Conseil d'Etat avait confirmé en 2000, une instruction de "la ministre déléguée, chargée de l'enseignement scolaire en date du 26 août 1997 concernant les violences sexuelles" (Ségolène Royal, ndlr). Ce texte précise "la notion de pédophilie" et rappelle "que certains actes manifestant ce comportement (sont) susceptibles de constituer des crimes ou des délits (...) En invitant les membres du personnel de l'Education nationale à faire l'usage de la forme écrite, si besoin par télécopie, pour aviser le procureur de la République des faits dont les intéressés auraient eu la connaissance directe, le ministre (..., Claude Allègre, ndlr) s'est borné à indiquer, en sa qualité de chef de service, les modalités pratiques qu'il estimait les mieux adaptées (...) à la transmission des informations". L'instruction précise que "la mesure de suspension est particulièrement appropriée dès lors qu'une mise en examen pour des faits de violence sexuelle a été prononcée à l'égard d'un fonctionnaire du ministère de l'éducation nationale" et que "sauf éléments exceptionnels, il semble souhaitable que la suspension intervienne, au plus tard, à ce stade de la procédure judiciaire": "ces mentions, qui sont dépourvues de tout caractère impératif, n'édictent aucune règle nouvelle", ajoute le CE (La décision n° 200387 du lundi 20 mars 2000, ici)

En 2002, le Conseil d'Etat rejette la requête d'une société dont l'agrément "en vue de l'accueil d'élèves dans le cadre de sorties scolaires impliquant l'hébergement de nuit et la fourniture de repas" n'a pas été renouvelé par l'inspecteur d'académie. Le précédent gérant "avait fait l'objet de plusieurs signalements concernant une attitude équivoque et des attouchements à caractère sexuel envers des enfants". L'inspecteur d'académie avait subordonné le rétablissement de "l'agrément" du centre d'hébergement à la condition que celui-ci "soit exclu de toute participation à la gestion du centre, ainsi qu'à toutes ses activités", ce qui n'a pas été le cas. La décision de l'inspecteur d'académie correspond à une décision du préfet (la décsion n°240383 du mercredi 5 juin 2002, ici)

En 2010, le Conseil d'État rejette la requête d'un professeur certifié radié des cadres après avoir été "reconnu coupable, par jugement (...) devenu définitif, de l'infraction d'atteintes sexuelles sur une personne mineure sans violence, contrainte, menace, ni surprise". Celui-ci a fait l'objet d'une première décision de révocation qui avait été annulée "pour erreur de droit". Le ministre de l'éducation nationale a repris la procédure disciplinaire à son encontre. Le CE considère que "la circonstance que les faits reprochés à l'intéressé ont eu lieu dix années avant l'intervention de la sanction litigieuse est sans incidence sur sa légalité", d'autant que "ce délai avait pour origine, non pas un retard pris par l'autorité administrative mais les différences instances contentieuses consécutives aux faits reprochés au requérant. La décision n° 332626 du lundi 4 octobre 2010 (ici).

En 2011, le Conseil d'Etat rejette la requête d'un enseignant "reconnu coupable de l'infraction d'atteintes sexuelles sur une personne mineure". A la suite d'une erreur de l'administration, une première mesure de révocation avait été annulée, il demandait que soient réparés "les préjudices résultant de l'illégalité des mesures de révocation prononcées à son encontre". La Haute juridiction considère que la "faute commise par l'administration en prenant cette décision illégale n'est pas à l'origine du préjudice résultant pour M. A de sa révocation". La décision du 9 février ici, voir ToutEduc ici

La CAA de Nantes rejette la requête d'un professeur de philosophie suspendu de ses fonctions à titre conservatoire après que celui-ci "a tenu des propos à connotation sexuelle avec geste déplacé (...) devant les neuf derniers élèves de terminale ES1 continuant à assister à ses cours". Ses corrections de copies comprenaient des "allusions obscènes à la sexualité". La Cour évoque le "caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier la décision de suspension". La décision n° 13NT01895 19 septembre 2014 (ici). Cette décision est à rapprocher d'une décision de la CAA de Douai  quirejette la requête du directeur d'un CIO (Centre d'information et d'orientation) qui demandait réparation du "préjudice subi du fait de la mesure de suspension prononcée à son encontre" après qu'il eut été condamné en première instance, relaxé en appel et réintégré. Il a alors touché les traitements dont il avait été privé, mais lui-même et sa mère avaient dû vendre leurs domiciles à des prix anormalement bas pour faire face à une situation d'urgence. La Cour considère que, "compte tenu des faits reprochés à M. A, qui présentaient, à la date de la mesure litigieuse, un caractère suffisant de gravité et de vraisemblance ainsi que de l'existence de poursuites pénales à son encontre, le recteur de l'académie de Lille n'a pas commis d'erreur d'appréciation en suspendant M. A de ses fonctions". La décision n° 11DA00068 du 26 janvier 2012, ici. (Voir aussi ToutEduc ici)

La même CAA de Douai rejette la requête d'un enseignant de collège ayant fait l'objet d'une exclusion de deux ans. Ses élèves se sont plaint de ce qu'il se serait "collé contre elles, leur aurait caressé le dos, certaines ayant eu la sensation de sentir un sexe en érection à travers leurs vêtements" et qu'il aurait tenu des "propos à connotation sexuelle (...) ayant trait à leurs attributs physiques, à ses relations avec son épouse ou à ses appétits, ou d'invitations à le rejoindre seules dans sa salle de cours". Il a bénéficié d'une "'ordonnance de non-lieu", mais le juge d'instruction "a relevé que, si l'information n'avait pas permis d'établir la matérialité de faits d'agression sexuelle, elle avait néanmoins permis de démontrer l'existence d'un comportement sexué et totalement déplacé vis-à-vis de certaines de ses élèves". La décision n° 11DA01463 du lundi 31 décembre 2012 (ici)

La CAA de Nantes rejette la requête d'un professeur des écoles radié des cadres après avoir "fait l'objet d'accusations d'agressions sexuelles à l'encontre de plusieurs de ses jeunes élèves". Il a été suspendu pendant plusieurs mois puis, "dans l'attente de son jugement, réintégré et affecté à l'inspection académique (...) en qualité de chargé de fonctions administratives exceptionnelles". Il a été condamné à douze mois de prison avec sursis, le jugement est devenu définitif trois ans plus tard "et il a été radié. La cour considère que, "du seul fait de cette condamnation qui était devenue définitive, l'intéressé, qui n'avait pas vocation à exercer d'autres activités que celles d'enseignement (...) s'est trouvé frappé de l'incapacité d'enseigner" et que "l'autorité académique était tenue de le radier des cadres". La décision n° 09NT01353 du jeudi 14 avril 2011 (ici).

Enfin la CAA de Marseille rejette la requête d'un père d'élève dénoncé par le directeur de l'école où était scolarisée sa fille de 8 ans. Celui-ci avait adressé au procureur de la République "un signalement de suspicion d'attouchements sexuels". La Cour rappelle que "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbal et actes qui y sont relatifs ". La décison n° 10MA01488 du lundi 29 octobre 2012 (ici)

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