Avis du CSP sur le collège : l'analyse sans concession de J-P Delahaye
Paru dans Scolaire le dimanche 04 février 2024.
Après avoir relevé toutes les erreurs factuelles commises par le Conseil supérieur des programmes dans son avis sur le collège qui lui font dire que "les membres du CSP ont manifestement besoin d’un 'choc des savoirs' en histoire de l’éducation", Jean-Paul Delahaye invite le lecteur à "prendre conscience du formidable retour en arrière contenu dans les propositions" de cette instance présidée par Mark Sherringham, philosophe, ancien conseiller de François Fillon et de Xavier Darcos, nommé à ce poste par Jean-Michel Blanquer. Pour l'ancien DGESCO, il s'agit d' "une sorte de mode d’emploi pour mettre fin au collège unique".
Il n'est certes "pas question de nier que trop d’élèves arrivent en difficulté au collège" et comme le CSP, J-P Delahaye constate "que le collège, par son organisation, celle de ses enseignements et la réalité de ses programmes, est plus adapté à la poursuite d’études académiques" (au lycée d'enseignement général plutôt qu'au lycée professionnel, ndlr). On s'attendrait donc, poursuit l'ancien conseiller de Vincent Peillon, à ce que le CSP propose "de diversifier les enseignements au collège comme l’ont fait les pays du nord de l’Europe" pour éviter de "centrer la formation sur les savoirs abstraits".
Mais "on cherchera vainement dans l’avis du CSP une proposition en accord avec son diagnostic sur l’enseignement actuel au collège". Bien au contraire, il faudrait maintenir "le cadre des disciplines actuelles" mais réorganiser les enseignements de français et de mathématiques" avec "des parcours d’apprentissage séparés, dans ces deux disciplines (...). Pour les autres disciplines, les élèves pourront se retrouver en groupes hétérogènes ou demeurer en groupes homogènes." Le CSP "organise de fait deux collèges séparés et une orientation figée précocement pour la plupart des élèves en difficulté".
L'auteur de cette tribune, publiée sur le site de Médiapart (ici), souligne que le CSP fait l'impasse sur le rôle de l'école primaire, "le parent pauvre du budget de l’éducation nationale. Nos classes maternelles et élémentaires ont les effectifs les plus lourds d’Europe, les rythmes scolaires (...)y sont les plus défavorables au monde pour les élèves, les enseignants y sont très mal payés et mal formés." Quant au collège, "il n’a jamais constitué une priorité budgétaire pour les différents gouvernements, d’où les effectifs dans les classes des collèges français parmi les plus élevés d’Europe" et les enseignants ne sont pas préparés à y "accueillir des élèves différents et hétérogènes". Mais le CSP propose que toutes les marges horaires dont disposent les établissements soient utilisées "en ciblant les apprentissages fondamentaux" aux dépens des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) et de l'AP (accompagnement personnalisé).
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