Tribunes

Calendrier scolaire : G. Fotinos propose de créer des vacances de mai et de reporter les vacances d'été (tribune)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 28 juin 2023.

Georges Fotinos, ancien responsable de la cellule "rythmes scolaires" du ministère de l'Education nationale, nous adresse cette tribune que nous publions bien volontiers. Selon la formule consacrée, les opinions exprimées ici n'engagent que leur auteur.

Les problématiques du calendrier scolaire

Si pour la plupart des ministres de l’éducation nationale le dossier rythmes scolaires a été considéré comme un dossier à hauts risques, un véritable "cactus", ce n’est pas essentiellement dû, comme les polémiques récentes pourraient le laisser accroire, à la problématique de la durée et de la répartition des temps quotidiens et hebdomadaires de classe mais bien à "l’épineux choix" de la répartition annuelle du temps scolaire. En effet "toucher" au calendrier scolaire, c’est inéluctablement remettre en jeu les équilibres de vie et par certains côtés de travail de 17 millions de parents d’élèves. C’est provoquer des changements sur des pans entiers de l’économie française plus particulièrement ceux concernant bien sûr le tourisme et le transport mais aussi les secteurs de services, de la culture, du sport… C’est enfin modifier les rythmes de travail de plus de 12 millions d’élèves et près d’un million de personnels en charge de leur scolarité.

Face à ce vrai "fait de société"- dont l’évolution est à l’initiative du ministre de l’Education nationale -, plusieurs éléments nouveaux pourraient amorcer un début de relance d’un débat public sur l’organisation du temps scolaire en France. D’une part il s’agit de la volonté de la présidente de la Région Ile-de-France de modifier les rythmes scolaires des lycéens franciliens, de la question de la durée des vacances d’été et la création de "vacances de Mai" évoquées plus particulièrement par les fédérations de parents d’élèves, le ministre, les organismes de tourisme et de transport…

D’autre part le nouveau cadre réglementaire dans lequel pourraient s’inscrire ces changements, d’un côté dans la loi du 29 juillet 2019 chapitre II "le recours à l’expérimentation" article 38 qui porte notamment sur "la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire" et de l’autre sur la réponse du Conseil constitutionnel sur ce sujet qui aboutit à donner au ministre le droit de revenir de façon réglementaire sur l’organisation et la succession régulière des périodes de travail et de congés scolaires ainsi que sur le caractère triennal du calendrier scolaire. 

Devant cette nouvelle conjoncture il nous semble important de rappeler quelques questions urticantes mais basiques pour tout projet d’évolution.

- Quels sont les objectifs prioritaires visés par ces changements ?
- Quels voies et moyens choisir pour atteindre le "compromis national" nécessaire sur ce sujet ?

Nous nous efforcerons tout au long de ce travail d’apporter des éclairages à cette problématique ainsi que des propositions de changements, qu’ils soient d’ordre diachronique ou synchronique.

D’abord trois faits importants à rappeler :
- Les modifications des rythmes scolaires depuis la création de l’école de Jules Ferry jusqu’au début des années 1980 n’ont quasiment concerné que le calendrier scolaire annuel.
- Les changements opérés durant cette période et dans leur très grande majorité sont dus à des raisons d’ordre politique, social, ou économique .
- Le calendrier scolaire actuel est issu de réflexions et de propositions émises en 1980 par le Conseil économique et social, des rapports alarmants des pédiatres sur le surmenage scolaire et des observations des chronopsychologues.

C’est ainsi que nos recherches nous ont amené à distinguer quatre périodes concernant directement les modifications du calendrier scolaire. Une analyse plus précise de celles-ci fait ressortir la très grande diversité des organisations temporelles et géographiques retenues (voir fiche annexe). C’est ainsi que durant la période "socio politique" (1882-1922 : implantation de l’école laïque gratuite et obligatoire), les durées des vacances d’été étaient "courtes", différentes selon les niveaux d’enseignement scolaire et même facultatives pour les écoles maternelles, la décision était prise au niveau du préfet.

Au cours de la période "socio économique" (1922-1961 : vacances d’été allongées - besoins du monde rural et congés payés des ouvriers -), la décision se recentralise. C’est le ministre qui fixe les dates de vacances, les mêmes pour tous les niveaux d’enseignement. Au cours de cette période des essais de zonage et de dates de rentrée différentes seront expérimentés.

Durant la période "économique" (1961-1980 : zonage des vacances d’hiver, de printemps et d’été), la durée des petites vacances et le nombre de zones fluctuent régulièrement. La durée des vacances d’été comprend toujours les mois de juillet et d’août.

Enfin en 1979, le Conseil économique et social est saisi une première fois afin d’évaluer l’impact de modifications des rythmes scolaires sur le développement économique de la France. Concernant le calendrier scolaire, il est préconisé de créer 5 zones pour les vacances d’été et de faire débuter l’année scolaire le 1er janvier.

La décision gouvernementale qui sera prise en 1980 sera de déconcentrer la fixation du calendrier scolaire au niveau des recteurs et ainsi de créer de facto 28 zones. Pour les vacances d’été, celles-ci pourront s’étaler entre le 15 juin et le 1er octobre. Aucune durée de vacances ne pourra excéder 11 semaines, mais il n’est pas fixé de seuil minimal. L’échec retentissant de cette organisation tant sur le plan économique que social aboutit au retour à la fixation d’un calendrier national unique par le ministre.

Période psychopédagogique

Un second rapport du CES en 1980 centré sur "rythmes scolaires et élèves" préconisera notamment en s’appuyant sur les travaux des médecins et des psychologues le découpage de l’année scolaire en égales périodes de travail (de 5 à 7 semaines) entrecoupées de périodes de vacances réparatrices (environ 2 semaines). Ce n’est qu’en 1985 que ce calendrier sera officiellement décidé et appelé communément le "7/2" (soit cinq périodes de travail de 7 semaines entrecoupées de quatre périodes de courtes vacances de 2 semaines). Il se terminera par deux mois de vacances d’été. Son institutionnalisation sera complète lorsqu’il se trouvera inscrit dans l’article 9 de la Loi d’orientation ; il devient alors triennal et doit faire l’objet d’une évaluation annuelle. Il faut toutefois noter que dans sa version "originale" (deux zones), ce calendrier équilibré n’a existé qu’à deux reprises (1986-1987 et 1990-1991) et que son évaluation, elle, n’a été effectuée qu’une seule fois.

Depuis 1992, le modèle "7/2" (trois zones) se répète tous les trois ans avec des aménagements "expérimentaux" dus d’une part aux conséquences d’une autre organisation de la journée et de la semaine scolaires et d’autre part à la reconquête du mois de Juin et du recul de la date des examens.

Ce rappel historique nous permet trois réflexions : la première démontre que nous sommes loin du caractère "immuable" souhaité par certains. La seconde que les réussites et les échecs passés peuvent servir de points de repère pour une démarche prospective plus assurée ; la troisième et bien sûr la plus importante, la nécessité de concevoir le calendrier scolaire comme un outil qui est d’abord au service du bien-être et de la réussite de nos élèves et de nos enseignants mais qui doit aussi tenir légitimement compte des intérêts économiques, sociaux et familiaux qui sont en jeu.
 
Posons d’abord la condition essentielle sur laquelle reposerait la construction d’un nouveau calendrier. Il faut le considérer comme un élément d’un tout appelé "rythmes scolaires" et étroitement lié à l’organisation de la journée et de la semaine de classe. Il repose sur le constat de plus en plus évident d’une part du développement de la fatigue, de l’agressivité, de la violence des élèves (voir annexe) et d’autre part sur les conséquences que ces états entraînent tant sur la vie et la réussite scolaires des élèves - notamment pour ceux scolarisés en éducation prioritaire -, que sur les risques psychosociaux auxquels sont désormais de plus en plus exposés les personnels des établissements scolaires.

Pour remédier à cette situation dénoncée par l’Académie de médecine, les fédérations de parents d’élèves, l’Inspection générale de l’Education nationale, la grande majorité des syndicats des personnels de l’Education nationale et des Associations complémentaires de l’école et familiales, mais aussi par la plupart des services sociaux et médicaux…, l’allègement de la journée de travail scolaire, son étalement dans la semaine - permis par un raccourcissement des vacances d’été -, apparaît comme la meilleure des solutions possibles et peut-être même la seule.

Pour ce faire et comme le recommandait le rapport de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires remis au ministre de l’Education nationale Luc Chatel en 2011, la solution repose sur le report de la fin d’année scolaire d’une à deux semaines. Dans cette hypothèse, la création d’une période de repos au mois de Mai coupant cette nouvelle longue période de travail (10 à 12 semaines au 3ème trimestre) se révèle nécessaire. A noter que cette "nouveauté" a déjà existé à plusieurs reprises tant sur le  plan national qu’académique (3 semaines par exemple pour une académie en 1981). Cette solution aurait entre autres mérites d’intégrer quelques ponts du mois de Mai et d’aller dans le sens du développement des vacances courtes souhaitées par une majorité de Français.

Pour conclure cette étude sur le calendrier scolaire nous nous apercevons que la plupart des configurations possibles a déjà été mise en œuvre, que ce soit les rentrées et sorties scolaires différentes selon les niveaux d’enseignement, le nombre de zones de 2 à 28 (voir annexe), les congés exceptionnels sans oublier quelques réflexions ministérielles concernant un "congé crédit annuel" octroyé aux familles, l’ouverture des établissements scolaires durant les vacances et surtout les possibilités de dérogations au calendrier national offertes par les réglementations passées et actuelles.

Toutefois un élément nouveau est susceptible de permettre de "réanimer" cette réflexion et d’offrir d’avancer vers des organisations adaptées à des réalités territoriales : la création de 13 Rectorats de région académique. Ne peut-on imaginer un calendrier scolaire déconcentré à ce niveau ? L’autonomie des établissement, leur capacité d’innovation, éléments clés de la réussite des élèves, en seraient facilitées ?

Reste le délicat problème du choix des bases de la concertation nationale et de son suivi. Au regard des travaux des scientifiques (médecins, psychologues, sociologues, pédagogues…), qui avaient été à l’origine de la mise en œuvre de la politique d’aménagement du temps scolaire des années 80, ne serait-il pas temps, quarante ans plus tard, alors que l’école et les élèves, les rythmes de vie sociaux et de travail ont considérablement changé,  de promouvoir la recherche sur cet axe susceptible de rassembler la communauté éducative nationale et d’être le levier d’une nouvelle organisation du système éducatif qui allie épanouissement et performance tant pour les élèves que les enseignants ?

Docteur en Géographie, G. Fotinos a été chargé d’Inspection générale, il est vice-président de l’ORTEJ (Observatoire des Rythmes et des Temps de Vie des Enfants et des Jeunes). Il est auteur ou co-auteur de plusieurs études et publications, "Aménager le temps scolaire" (avec François Testu, Hachette Education), les évaluations des changements des rythmes scolaires à Issy-les-Moulineaux, Arras, Sceaux, Lille, des enquêtes auprès des parents, enseignants et animateurs.

Les annexes ici

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