Scolaire » Jurisprudence

Un proviseur peut modifier le service d'un enseignant (Conseil d'Etat, une analyse d'André Legrand)

Paru dans Scolaire le dimanche 26 juin 2022.

30% des classes de Math Spé sont des classes "étoilées" : l'objectif de ces classes est de préparer les élèves plus spécifiquement aux concours des écoles les plus renommées, telles Polytechnique ou les ENS. Ces classes sont des Math Spé, qui ont le même programme que les autres, mais le traitent de manière plus exigeante et plus pointue à destination des meilleurs élèves. Le fait d’y enseigner constitue donc une reconnaissance toute particulière pour le professeur concerné, qui le place dans l’élite du corps enseignant. On comprend, dans ces conditions qu’une professeure de chaire supérieure, agrégée de sciences industrielles de l’ingénieur au lycée du Parc à Lyon, ait très mal vécu ce qui lui est arrivé. Les professeurs de chaire supérieure sont des professeurs de prépa, agrégés de l'enseignement du second degré, promus dans ce corps, créé par le décret n° 68-503 du 30 mai 1968, par le ministre sur une liste d'aptitude établie annuellement par l'inspection générale. Ils sont un peu plus de 2000 sur le territoire national.

L’intéressée avait été affectée au lycée en septembre 2015 et devait assurer son service dans une classe étoilée 2PSI. Mais à la suite d’une inspection apparemment déclenchée à la demande des parents d’élèves, le proviseur du lycée a modifié son service début janvier 2016, en lui retirant les enseignements magistraux de physique et de sciences de l’ingénieur qu’elle dispensait dans la classe étoilée et en les remplaçant par des heures à effectuer en Math Sup. Ses recours hiérarchiques ayant été rejetés, l’intéressée a contesté cette décision devant le TA, relevant qu’un premier rapport d’inspection faisait état d’une possibilité de manipulation des élèves ayant enclenché les inspections auxquelles elle avait été soumise et des conditions défavorables lors de son arrivée dans la classe. Elle invoquait pour l’essentiel deux moyens : l’incompétence, le ministre étant, selon elle, seul compétent pour affecter les professeurs de chaire supérieure, et le détournement de pouvoir. Elle englobait aussi le rapport d’inspection ayant conduit à sa rétrogradation dans ses demandes d’annulation.

Sur ce point, rappelant une jurisprudence constante, la CAA, saisie d’un appel contre le jugement rendu par le TA de Lyon en mars 2018, qui rejetait les requêtes présentées, rappelle que "l’inspection d’un enseignant et le rapport qui en découle constituent des mesures qui ne sont pas susceptibles d’être directement attaquées par la voie du recours pour excès de pouvoir. Leur éventuelle irrégularité ne peut être invoquée qu’à l’appui de conclusions à fin d’annulation des mesures prises à l’égard de l’enseignant intéressé au vu de ce rapport". La requête est donc rejetée sur ce point.

En revanche, la modification du service fait grief : elle porte atteinte aux droits et prérogatives statutaires et elle entraîne une baisse de la rémunération de la professeure intéressée, qui perd des heures supplémentaires. La CAA de LYON avait considéré que le proviseur du lycée avait excédé sa compétence, en "modifiant la chaire" sur laquelle l’intéressée avait été nommée par décision ministérielle. Pour elle, "toute modification définitive du contenu de l’enseignement confié à un professeur de chaire supérieure s’analyse comme une modification de son affectation et seul le ministre de l’éducation nationale, autorité responsable des affectations des membres de ce corps est compétent pour la prononcer". Elle avait donc, sur cette base, annulé le jugement du TA et la décision du proviseur.

Le Conseil d’Etat lui donne tort. Il estime qu’un proviseur est compétent pour fixer et éventuellement modifier le service effectué dans son établissement, même s’agissant de professeurs de chaire supérieure, et il juge que la CAA a commis une erreur de droit en décidant qu’une simple attribution d’un nouveau service constituait une modification de l’affectation du professeur concerné. Il annule l’arrêt de la CAA et lui renvoie l’affaire pour réexamen.

La décision 440778 du 20 juin ici

 

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