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Instruction en famille : le Conseil d'Etat suspend de facto les moyens de la mise en oeuvre de la loi à la rentrée

Paru dans Scolaire le lundi 30 mai 2022.

Le Conseil d'Etat suspend l'une des dispositions du décret "du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille". Deux associations et des parents avaient saisi le juge des référés de la Haute juridiction qui rejette tous leurs arguments sauf un, relatif aux délais de saisine de la commission en cas de refus d'autorisation d'instruction dans la famille. 

Le ministre de l'Education nationale faisait valoir "que la suspension de l'exécution des décrets attaqués rendrait impossible la mise en œuvre à la rentrée scolaire 2022 du régime d'autorisation" prévu, mais le Conseil d'Etat considère que "cette suspension partielle ne remettrait pas en cause l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation" (qui porte sur l'obligation pour les familles d'inscrire leurs enfants de trois ans et plus de les faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé, ou bien de déclarer au maire et à la DSDEN qu'elles leur feront donner l'instruction dans la famille, ici). De fait, le Conseil d'Etat suspend la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'instruction en famille.

Il rappelle que "les demandes d'autorisation de l'instruction dans la famille doivent être adressées entre le 1er mars et le 31 mai inclus précédant l'année scolaire au titre de laquelle cette demande est formulée (...) Le décret contesté a également prévu la possibilité de solliciter la délivrance d'une autorisation en dehors de cette période pour des motifs tenant à l'état de santé de l'enfant, à son handicap ou à son éloignement géographique." Le CE ne considère pas que la liste motifs de dérogation à ce calendrier aurait dû être élargie à  d'autres, comme "la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives" qui "apparaissent prévisibles". 

Les requérantes faisaient valoir d'autres arguments. En ce qui concerne la justification du domicile, le CE considère que les personnes sans domicile stable peuvent "élire domicile auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou auprès d'un organisme agréé à cet effet". En ce qui concerne les demandes d'autorisation motivées par l'état de santé de l'enfant, le Conseil d'Etat ne juge pas nécessaire que le dossier passe par une MDPH. Les critères retenus en ce qui concerne les demandes d'autorisation motivées par la pratique d'activité sportives ou artistiques permettent à l'administration de s'assurer qu'elle "ne peut s'exercer parallèlement à une scolarisation dans un établissement d'enseignement". Le projet éducatif peut comporter "des éléments sur l'organisation du temps de l'enfant" sans méconnaître le principe de liberté pédagogique. Le CE considère de même que "la nécessité de produire un engagement d'assurer l'instruction en famille majoritairement en langue française (...) n'est pas de nature (...) à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions", pas plus que "la nécessité de produire une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent". Certes, des parents qui n'en sont pas titulaires et qui instruisent leur enfant en famille "pourront bénéficier d'une autorisation de plein droit pour les années 2022-2023 et 2023-2024 pour assurer l'instruction des enfants déjà instruits dans la famille au cours de l'année 2021-2022", mais pas pour un nouvel enfant "qui a atteint ou atteindra l'âge de trois ans au cours de l'année 2022". Cette différence de traitement entre deux enfants d'une même fratrie correspond seulement à une période transitoire.

Lorsque l'instruction en famille est justifiée par le harcèlement de l'enfant, la demande d'autorisation comporte un avis circonstancié du directeur de l'établissement, ce qui donne à celui-ci "un pouvoir d'influer sur la décision". Mais "les parents peuvent produire d'autres documents utiles susceptibles d'établir l'existence de menaces" sur l'intégrité physique et morale de l'enfant.

Ce sont en revanche les articles D. 131-11-10 et D. 131-11-12 du code de l'éducation qui font problème. Ils prévoient que "toute décision de refus d'instruction dans la famille peut être contestée dans un délai de huit jours à compter de sa notification écrite", auprès d'une commission qui "dispose d'un délai d'un mois maximum pour se réunir" et dont la "décision est notifiée dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réunion de la commission". Sachant que la demande d'autorisation de l'instruction dans la famille a été déposée au plus tard le 31 mai, l'association Les Enfants d'Abord "fait valoir que les délais laissés à la commission pour statuer conduiront à saisir le juge administratif au mieux trois mois avant le début de l'année scolaire rendant fortement probable que l'issue de la plupart des recours intervienne après le début de l'année scolaire pour laquelle la demande d'autorisation a été formulée". Mais le Conseil d'Etat considère que les intéressés peuvent introduire une demande en référé. "En revanche (...), le moyen tiré de ce que le délai de huit jours serait trop court et porterait atteinte au droit à un recours effectif est de nature (...) à créer un doute sérieux quant à la légalité de ces dispositions".

La décision n° 463123 du lundi 16 mai 2022 ici

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