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Instruction en famille : deux décisions du TA de Rennes posent la question des limites du texte de loi et des difficultés de sa mise en oeuvre

Paru dans Scolaire le vendredi 14 octobre 2022.

Le tribunal administratif de Rennes vient de rendre publiques deux décisions favorables à des parents qui contestaient la décision du recteur de Rennes après que celui-ci leur avait refusé la possibilité d' "assurer l’instruction en famille de leurs enfants".

La première porte essentiellement sur des questions de procédure. Elle concerne deux enfants âgés de 11 et 9 ans, les parents se prévalaient "d’une situation d’itinérance de la famille, compte tenu d’un projet de reconversion professionnelle". Le tribunal annule "les décisions du 19 août 2022 par lesquelles la commission académique a refusé d’autoriser Mme V*** et M. G*** à assurer l’instruction en famille de leurs enfants".

Le recteur avait plaidé l'irrecevabilité de la requête, "faute d’être assortie des décisions du 19 août 2022 de la commission académique qui a statué sur les recours administratifs préalables obligatoires formés par les requérants, lesquelles se sont substituées aux décisions initiales du 20 juillet 2022". Le tribunal fait valoir que les parents "ont produit, en cours d’instance, la décision rendue le 
19 août 2022 par ladite commission", que leur recours a ainsi été régularisé.

Le rectorat a reçu les dossiers des deux enfants le 3 mai. Il a adressé un courriel aux parents le 23 mai pour les inviter "à compléter leur dossier en produisant une lettre explicative s’agissant des déplacements envisagés par Mme V*** (...) ainsi que s’agissant de leur futur projet professionnel", mais cette demande de l’administration n'informait pas les requérants que le délai de deux mois" au terme duquel le silence de l'administration vaut acceptation "ne courrait qu’à compter de la réception de ces informations". Les deux parents étaient donc "fondés à soutenir qu’ils disposaient, à compter du 3 juillet 2022, soit à l’expiration du délai de deux mois imparti aux services de l’éducation nationale pour se prononcer sur leurs demandes, de décisions implicites d’acceptation des deux autorisations demandées".

La décision du recteur, prise le 20 juillet, retire donc "les décisions implicites d’acceptation nées à compter du 3 juillet". Or elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue en ce cas par le code des relations entre le public et l'administration. "Les requérants sont, par conséquent, fondés à soutenir que les décisions prises le 19 août 2022 par la commission académique, confirmant les décisions du 20 juillet 2022 du recteur de l’académie de Rennes, sont intervenues au terme d’une procédure irrégulière."

La seconde décision porte moins sur des points de procédure que sur le fond. Elle concerne la requête adressée par M. et Mme P*** qui souhaitaient assurer l’instruction en famille de leur fille C***, âgée de trois ans. Le recteur faisait notamment valoir que les requérants ne démontraient pas que leur fille serait "dans une situation propre (...) justifiant qu’elle soit instruite dans sa famille". La commission académique a fait valoir que leur projet "ne comportait pas les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de leur enfant, en ce qu’il se contente de reprendre la plaquette commerciale du cours privé d’enseignement à distance Sainte-Anne". Leur demande comportait pourtant "un courrier exposant leur projet éducatif, tel que déjà éprouvé auprès de leurs trois enfants aînés (...), et qui se fonde sur l’enseignement à distance dispensé par le Cours Sainte Anne, la présentation notamment des principaux enseignements prévus en classe de petite section de maternelle, un emploi du temps hebdomadaire indicatif pour un enfant de 3 à 4 ans, ainsi que les attestations requises tenant à la capacité de la mère de l’enfant chargée d’assurer son instruction". Le recteur "soutient en défense" que la décision de rejet "est justifiée par les insuffisances du projet éducatif" qui n'était pas personnalisé. Mais "il ne démontre pas que ce projet ne répondait pas aux critères permettant de prétendre à la délivrance d’une autorisation d’instruction en famille".

Le TA considère que, "pour apprécier l’existence d’une situation propre à l’enfant (...), il appartient seulement à l’autorité compétente de s’assurer (...) que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant". En outre, comme le recteur n'a pas motivé sa décision, "les requérants n’ont pas été mis en mesure d’exercer utilement leur recours administratif préalable en apportant auprès de la commission académique les précisions éventuellement nécessaires quant à la consistance de leur projet pédagogique" tandis que la commission académique ne pouvait fonder ses décisions sur des exigences excédant les critères d’appréciation fixés par le code de l’éducation.

"Il est enjoint au recteur de l’académie de Rennes d’autoriser M. et Mme P*** à assurer l’instruction en famille de leur fille (...) dans un délai de quinze jours à compter du présent jugement."

Les deux décisions ici et ici

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