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Comment sont utilisées les évaluations de CP, CE1 et 6ème (IGESR)

Paru dans Scolaire le jeudi 26 janvier 2023.

L'inspection générale ne met pas en cause la pertinence, d'un point de vue scientifique, des évaluations de CP et CE1, ni des consignes pédagogiques, mais leurs résultats et leur appropriation par les inspecteurs et les enseignants posent questions aux auteurs du rapport qui vient d'être publié sous le titre "Appropriation des évaluations nationales de CP, CE1 et de sixième dans le pilotage des circonscriptions du premier degré".

Pour ne prendre qu'un exemple, les résultats en fluence sont corrélés à la sociologie du territoire et à l'IPS (indice de position sociale) des élèves. Mais ils "restent dispersés à sociologie donnée". C'est ainsi que pour des circonscriptions pour lesquelles l'IPS est de 90, "les taux de réussite varient de 56 % à 81 %". Les auteurs envisagent diverses explications, "l'ancienneté dans la fonction de l’IEN, le nombre d’IEN depuis 2015, le nombre de visites d’école, le nombre de CPC (conseillers pédagogiques de circonscription), de professeurs des écoles maîtres formateurs (PEMF), de directeurs à décharge totale, le nombre d’ATSEM, le pourcentage de contractuels, le nombre de postes à profil, le nombre de journées remplacées. Aucun de ces éléments ne semble avoir une influence sur le fait que, dans la circonscription, les élèves réussissent mieux ou moins bien que dans les circonscriptions de sociologie comparable." Les rapporteurs ne trouvent qu'un facteur explicatif : "seule la stabilité des équipes pédagogiques revient de façon récurrente comme caractéristique des circonscriptions dont les résultats aux évaluations se détachent avantageusement des résultats moyens à sociologie égale."

Les IEN (inspecteurs de circonscription) s'approprient les évaluations : "88 % des IEN interrogés affirment que les résultats aux évaluations ont changé leur manière de piloter. Pour 87 % d’entre eux, ces évaluations ont permis d’ajuster leurs formations." Encore faut-il que la présentation statistique transmise par l’académie soit claire. Et, s'agissant de la liaison CM2 - 6ème, que les IEN en disposent : "La plupart des équipes de circonscription rencontrées, ainsi que les directeurs d’école et les professeurs, font part de réelles difficultés quant à la communication des résultats des évaluations de 6ème à destination des écoles où étaient scolarisés les élèves en CM2. Une inspectrice déclare ainsi : Il a fallu batailler pour obtenir ces résultats. Et quand on ne bataille plus, c’est seulement un collège sur six qui nous les communique spontanément."

La position des enseignants est assez différente. "Les résultats aux évaluations nationales entrent finalement assez peu dans la classe sinon pour enclencher une prise en charge des élèves hors la classe (activités pédagogiques complémentaires, ateliers divers, RASED) (...). Peu de projets d’école s’en saisissent pleinement." Les professeurs s'interrogent quant à leur légitimité : "Elles ne font que confirmer ce que l’on sait déjà." Certains "considèrent que les items proposés sont peu pertinents par rapport à l’évaluation qu’ils conduisent des compétences de leurs élèves en français ou en mathématiques ; certains, en réalité, ne connaissent pas les fondements scientifiques sous-jacents des items proposés (...). Les évaluations nationales sont considérées par certains professeurs comme inadaptées aux élèves entrant en CP, qui ne sont pas encore habitués à des formats scolaires de travail et d’évaluation : le fait d’être seul face à son cahier, de devoir écouter des consignes, se concentrer, exécuter en temps limité, place certains élèves dans des situations de panique ou de désarroi qui ne leur permettent pas d’apporter la preuve de leurs acquis."

Par ailleurs, "la mission souhaite clairement affirmer que piloter par les évaluations n’est en rien un gage d’amélioration du niveau des élèves si les acteurs ne s’emparent pas pleinement des leviers qu’ils doivent actionner pour agir le plus efficacement." Elle constate certes des "évolutions notoires" pour ce qui est de l’apprentissage de la lecture, mais des "principes majeurs de pédagogie générale (explicitation des objectifs d’apprentissage, cadence des apprentissages, temps consacré à l’automatisation, etc.) doivent être l’objet d’une vigilance constante des inspecteurs et de leur équipe..."

Les inspecteurs généraux s'intéressent en particulier aux plans mathématiques et français qui "sont devenus l’essentiel de la formation", parfois "au détriment de la formation consacrée aux autres disciplines". De façon générale, les constellations sont plébiscitées par les professeurs et les formateurs qui y voient un espace professionnel favorisant les échanges de qualité, la formation par les pairs, sans injonction de la part de l’autorité hiérarchique". Mais quelques pages plus loin, les auteurs notent que "les constellations semblent de plus en plus organisées au niveau de la DSDEN (la direction départementale, ndlr) (...) Nombreux sont les inspecteurs qui disent à la mission ne pas avoir pu constituer de constellation d’école, à la demande du département qui souhaitait au contraire regrouper des écoles éloignées (...). Ce pilotage départemental tend aussi, dans certains cas, à imposer des objets de réflexion aux constellations, quand les directives nationales des plans mathématiques et français insistent fortement sur la nécessité de l’autonomie dévolue sur ce champ (...). La nature du pilotage de ce nouveau mode de formation des professeurs s’avère variable selon les circonscriptions et les départements : si elle constitue dans certains cas un véritable levier de pilotage pour l’inspecteur, une trop forte régulation départementale à d’autres endroits prive en réalité l’inspecteur d’une réelle force de décision dans le pilotage de son territoire."

Les auteurs notent pourtant que "l’apprentissage de la lecture s’est renforcé. Les pratiques observées font apparaître une évolution certaine quant au rythme d’apprentissage", mais "dans 16,3 % des classes visitées, la lecture n’est pas enseignée par une entrée 'principalement graphémique', ce qui déroge aux recommandations du conseil scientifique de l’éducation nationale et, au-delà, de la recherche en éducation (...). Les activités de mémorisation orthographique et grammaticale, notamment par des exercices de dictées, sont moyennement fréquentes en dépit d’une recommandation officielle qui prescrit une dictée quotidienne (...). Le lexique mérite un enseignement plus systématique (...). Le calcul mental doit être renforcé."

La mission s'interroge aussi sur la position des IEN et propose que soit menée une réflexion sur leur mouvement, sur un profilage des postes, sur des échanges temporaires de postes, sur une clause de mobilité. En ce qui concerne les CPC, l’élévation de leur niveau de compétences "n’en est qu’au début", tandis que "le poids exercé par le suivi des constellations, ajouté à l’ensemble des missions des conseillers pédagogiques, rend (leur) situation particulièrement préoccupante (...), beaucoup souhaitent retrouver un poste en classe." 

"Se dessinent les contours d’une circonscription fragilisée. Les risques d’absorption sont patents : le pilotage départemental voire académique pèse de plus en plus lourd sur le fonctionnement des circonscriptions (...). Une inspectrice confie son sentiment de devenir 'exécutante', même dans les tâches les plus quotidiennes de gestion des ressources humaines (...). Les directeurs d’école n’ont pas le sentiment, pour une très grande majorité d’entre eux, de prendre part au pilotage de la circonscription (...). Il apparaît nettement que les résultats scolaires des élèves sont tout aussi affectés par la sociologie de leur territoire scolaire que par les stratégies pédagogiques mises en place par les personnels de l’éducation nationale dans la classe, dans la circonscription, le département, l’académie et par le pilotage global du système par le ministère. Cette chaîne est performante dès lors qu’elle est structurée par des objectifs pédagogiques clairs, partagés et par la confiance en chacun de ses maillons, qui doit avoir la liberté d’entreprendre ce qui est nécessaire pour le progrès de tous les élèves."

Le rapport "Appropriation des évaluations nationales de CP, CE1 et de sixième dans le pilotage des circonscriptions du premier degré" est téléchargeable ici

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