Jusqu'où territorialiser l'école ? (Entretiens Ferdinand Buisson)
Paru dans Scolaire le dimanche 13 décembre 2020.
"On ne peut plus parler 'du territoire' au singulier" puisque au sein d'un territoire, "nombre de spécificités coexistent, voire se chevauchent", écrit Pierre Champollion (Lyon-2) dans sa contribution au dernier volume des "entretiens Fernand Buisson". En effet, ajoute-t-il, "le dynamisme démographique, l'organisation socio-économique, le tissu scolaire, le type de public, l'âge des enseignants, etc., sans compter le cadre physique, diffèrent d'un territoire à un autre", même s'ils sont voisins, même s'ils sont classés dans les mêmes grandes catégories. Mais notre système scolaire "s'est développé pendant deux siècles au nom de l'uniformité territoriale, comme le soulignent dans leur introduction Hélène Buisson-Fenet (ENS-Lyon) et Olivier Rey (IGESR). Or cette égalité formelle face à l'instruction ne suffit pas à assurer l'égalité scolaire et elle aggrave même les disparités sociales et territoriales. La question posée n'est pas résolue, notent-ils. "Le territoire est toujours présent dans nombre de réflexions éducatives, mais sans doute moins comme une réponse que comme une interrogation."
Leïla Frouillou (U. de Nanterre) évoque d'ailleurs plusieurs échelles, nationale, académique, départementale, de l'agglomération, d'un espace de "quelques rues", d'un ensemble d'établissements, d'un établissement, d'une classe. Or le territoire est "trop souvent appréhendé via des catégorisations cloisonnées trop simplistes", souligne encore P. Champollion qui ajoute que "les enseignants qui connaissent mal les spécificités de leur territoire d'exercice s'avèrent (...) moins efficaces dans la réduction des inégalités socio-scolaires".
Ariane Azéma (IGESR, co-auteure avec Pierre Mathiot du rapport "Territoire et réussite", ndlr) plaide pour une stratégie "déclinant des politiques différenciées selon les régions et les territoires afin d'améliorer la lutte contre les inégalités de réussite et d'orientation, ainsi qu'une gestion facilitée des recrutements, des affectations et des conditions de travail et de formation des personnels (...). Ne peut-on envisager d'assouplir notre organisation scolaire pour mieux répondre à la diversité des configurations territoriales ? (...) Cela peut concerner l'organisation des écoles et établissements (classes multi-âges, regroupements expérimentaux inter-degrés, relance des politiques de réseaux ou de bassins).
A noter que ce volume propose également une réflexion sur l'organisation territoriale de l'enseignement supérieur.
"Education et territoire : inégalité ou diversité ?", ENS éditions, 108 p., 10 €