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Il est possible, dans certaines conditions, d'éviter la ségrégation sociale dans les collèges (IPP)

Paru dans Scolaire le vendredi 19 février 2021.

La capacité des secteurs multi-collèges à renforcer la mixité sociale est avérée, avec quelques nuances, reste à savoir si une telle politique permet d’agir sur les inégalités scolaires, estiment les deux auteurs, Julien Grenet (CNRS, École d’économie de Paris et Institut des politiques publiques) et Youssef Souidi (EHESS et École d’économie de Paris) d'un rapport publié par l'IPP sous le titre "Renforcer la mixité sociale au collège: une évaluation des secteurs multi-collèges à Paris". Ils indiquent qu'une vaste enquête dans une centaine de collèges qui ont mis en œuvre des actions en faveur de la mixité sociale depuis la rentrée 2015-2016 est en cours, menée avec Ghazala Azmat (SciencesPo Paris) et Élise Huillery (Paris-Dauphine) de façon à "élargir le champ de l’évaluation à l’analyse des effets de la mixité sociale sur les compétences et les trajectoires scolaires des élèves", sur les niveaux en français et en mathématiques, sur les comportements, le climat scolaire, "l’identification aux groupes de pairs à l’école et en dehors de l’école, les attitudes face à la différence sociale et scolaire, le fatalisme social, l’ambition, l’estime de soi et les réseaux amicaux". Les résultats devraient être publiés cette année.

En revanche les auteurs de cette étude, dont les résultats sont très médiatisés, n'évoquent pas la question de la composition sociale des classes à l'intérieur de chaque collège (on peut avoir un collège socialement mixte mais avec de fortes ségrégations dans la répartition des élèves du fait des langues étudiées par exemple, ndlr).

L'étude porte sur trois secteurs bi-collèges, Berlioz-Coysevox, Curie-Philipe et Bergson-Pailleron, situés dans les 18e et 19e arrondissements de la capitale, ville où "les collèges apparaissent comme les plus ségrégés de France", la proportion d'élèves issus de catégories socio-professionnelles (PCS) défavorisée variant de 0 % dans le collège le plus favorisé à 61 % dans le collège le plus défavorisé et le privé sous contrat accueillant un tiers des quelque 85 000 collégiens de la capitale, dont seulement 3 % issus de PCS défavorisées, contre 24 % dans le public.

Comment "rééquilibrer le recrutement social" des collèges ? Les six collèges choisis pour l'expérimentation, à partir de la rentrée 2017, sont "géographiquement proches" mais présentent "des compositions sociales contrastées". Pour Curie-Philipe (18e) et Bergson-Pailleron (19e), les choix scolaires sont régulés par un algorithme d’affectation ad hoc. Pour Berlioz-Coysevox, "le choix s’est porté sur une procédure dite de 'montée alternée' qui prévoit qu’à l’entrée en sixième, les élèves du double secteur sont affectés alternativement à un collège (les années paires) et à l’autre collège (les années impaires) et qu'ils y effectuent l’ensemble de leur scolarité."

Le bilan provisoire des trois premières années d’existence des secteurs multi-collèges à Paris "est encourageant", même si "une certaine prudence" s'impose. "Dans le secteur Berlioz-Coysevox, la procédure de montée alternée a considérablement renforcé la mixité sociale dans les classes de sixième et de troisième de ces deux collèges au recrutement social diamétralement opposé ; dans le secteur Bergson-Pailleron, la procédure de choix régulé a permis de concilier la réalisation de l’objectif de mixité sociale avec l’expression des préférences scolaires des familles. Dans ces deux secteurs, le dispositif a suscité un mouvement de 'retour vers le public' des catégories sociales favorisées résidant dans le secteur du collège historiquement défavorisé."

C'est notamment le cas des parents de PCS favorisées de l’ancien secteur Berlioz, dont le nombre "a plus que compensé l’augmentation modérée des taux d’évitement observée parmi les parents de PCS favorisées de l’ancien secteur Coysevox". Les auteurs estiment d'ailleurs que "le système de la montée alternée présente d’indéniables atouts" dans la mesure où "il permet de stabiliser plus rapidement les anticipations des parents, en réduisant l’incertitude sur la composition sociale du collège d’affectation de leur enfant". Toutefois cette modalité d’affectation "suppose une réorganisation complexe de la structure pédagogique des deux établissements qui, à l’issue de la phase de transition, ne scolarisent chaque année que deux niveaux".

De plus, il suppose que le secteur ne compte que deux collèges, alors qu'une procédure de choix régulé "peut sans difficulté être généralisée à des secteurs comportant trois, voire quatre collèges". Dans les secteurs Bergson et Pailleron, la proportion de parents qui faisaient le choix du privé est tombée à 25 % "avant de remonter légèrement". Au total, "les effectifs de 6e ont augmenté de 6 % à Bergson et de 25 % à Pailleron".

En revanche, l’incapacité du secteur Curie-Philipe à rééquilibrer la composition sociale de ces deux collèges aux dynamiques sociales divergentes "met en lumière les difficultés inhérentes à la transition d’un système d’affectation vers un autre". Les auteurs mettent notamment en cause "une forte asymétrie dans l’offre de formation des deux établissements" et ils invitent le collège Gérard Philippe à mettre en place "une offre pédagogique plus attractive" à l'instar du collège Marie Curie, "qui dispose depuis 2012 d’une classe à horaires aménagés de musique (CHAM) principalement composée d’élèves au profil social favorisé".

Les auteurs tirent de cette expérimentation des enseignements qui vont "au-delà du cas parisien", puisque de telles démarches destinées à favoriser la mixité sociale dans l’enseignement secondaire public pourraient être mises en oeuvre "lorsque, comme c’est le cas à Paris, la densité de population est suffisamment importante et le tissu urbain suffisamment diversifié pour que l’élargissement des secteurs de recrutement des collèges contribue au brassage social des publics scolaires".

Reste la question de l'enseignement privé qui "représente un obstacle considérable au renforcement de la mixité sociale dans les collèges publics". Comment l'associer à cette démarche ? "Une piste intéressante consisterait à moduler la dotation de fonctionnement des collèges privés en fonction d’un objectif de mixité sociale", comme cela a été fait en Haute-Garonne où ils "se voient appliquer un système de bonus/malus en fonction de la proportion d’élèves de PCS défavorisées qu’ils accueillent". Le Conseil de Paris a adopté une délibération qui propose d’expérimenter un dispositif de ce type à partir de la rentrée 2021".

Le rapport ici

 

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