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Hors-contrat : une galaxie et une attitude peu cohérente de l'administration (ouvrage)

Paru dans Scolaire le dimanche 18 avril 2021.

"Notre propos n'est en aucun cas de dénoncer le choix de l'école libre (...) quand il répond au désir d'un environnement plus paisible, plus individualisé, parfois plus sécurisé que, dans l'esprit de certaines familles, l'école publique n'offre pas, ou plus", mais ce choix répond aussi à "la revendication identitaire" et à "la révolution culturelle qui gagne la planète depuis quelques années" et qui "malmène l'universalisme des Lumières sur lequel est fondé notre système scolaire". Si Anna Erelle* et Jacques Duplessy** qui publient leur "enquête au coeur des réseaux de l'enseignement parallèle" dénoncent de purs scandales et les incohérences de l'action publique, leur instruction du dossier est à charge et à décharge, souvent nuancée. Ils exposent très précisément leur méthode et l'origine de leurs informations, même si bien des témoignages sont donnés sous couvert d'anonymat...

Et en ce qui concerne l'Education nationale, ils se sont heurtés à une "grande muette" : "Par moment, nous avons eu l'impression d'être en Sicile", notamment lorsqu'il s'agit de communiquer des rapports d'inspection qui devraient pourtant être publics. Les deux journalistes proposent donc un tour d'horizon des diverses formes du "hors contrat", à commencer par l'école à la maison qui connaît certes "des dérives" mais qui a "son utilité pour des enfants précoces, ou qui ont du mal à entrer dans le système scolaire classique". L'instruction en famille est moins le fait d'un "séparatisme musulman" que d'un "séparatisme bobo". Le danger vient en fait des écoles clandestines en ligne, ouvertement salafistes, qui proposent leur aide aux parents. Quant aux contrôles des inspecteurs, ils sont limités par le manque de moyens, mais aussi par la peur : "Allez dans certaines cités, dans des barres d'immeubles avec des points de deal, des jeunes qui squattent... On n'y va pas", rapporte l'un d'eux.

Quant aux écoles hors contrat, l'administration les connaît mal puisqu'elle "n'a même pas un fichier à jour" de ces établissements. Ceux-ci promettent souvent "l'excellence", et les auteurs l'ont parfois trouvée, mais aussi la médiocrité, voire pire. Dans certaines, comme Le Chêne vert (près de Bourges), les élèves n'apprennent à peu près rien, alors que d'autres, comme Le Colibri, ont été jugées dignes de passer sous contrat. Et que penser des écoles Steiner ? Après avoir longuement donné la parole à leurs détracteurs, les deux auteurs constatent que tous les observateurs "ne portent pas un avis aussi critique" et ils appellent les parents à être attentifs à de possibles dérives.

Ils pointent en revanche des dérives extrêmement graves du côté des "catho tradi" de la mouvance "Saint-Pie-X", éloge du maréchal Pétain et pédophilie, ou dans des écoles de la droite extrême, en lien avec Alain Soral. Ils sont sévère avec la "Fondation pour l'école" qui finance certaines d'entre elles et sur laquelle une enquête, confiée à la brigade de répression de la délinquance économique et à Tracfin, est en cours. Ils accusent également SOS éducation d'avoir contribué au financement de la campagne de François Fillon et de tricher avec les déductions fiscales. Ils n'épargnent pas l'entourage de J-M Blanquer, notamment un inspecteur général, Mark Sherringham, donne à des conseils aux écoles pour ... "résister" aux inspections. Il y aurait un "réseau catho tradi" au ministère.

En ce qui concerne Espérance banlieues, ils estiment que "l'initiative a des côtés séduisants, d'autres plus troubles", et surtout la pédagogie y est limitée "à des apprentissages répétitifs et mécaniques". Les écoles juives bénéficient de la part de l'administration d' "accommodements avec le ciel", malgré des impasses sur les éléments du programme qui les gênent. "Beaucoup de cours de biologie sautent." Quant aux écoles musulmanes, elles sont "dans le collimateur". Et certaines, manifestement le méritent, comme Al Badr à Toulouse, fermée au terme d'un "feuilleton ubuesque" et d'un "bras de fer" avec l'Education nationale. Mais pour la MHS, Meo High School à Paris, les auteurs ne comprennent pas vraiment l'hostilité qu'elle suscite et qui lui a valu une fermeture immédiate.

Les auteurs font, à propos de l'influence de l'Islam un pas de côté et s'intéressent au poids de l'idéologie venue d'Ankara : "Dans les écoles de la République, de plus en plus d'élèves d'origine turque refusent certains enseignements", la théorie de l'évolution notamment. Un professeur d'histoire-géographie peut rencontrer des problèmes avec des élèves d'origine maghrébine, "mais le débat est là" alors que les partisans d'Erdogan "ne veulent pas perdre une seconde à discuter". Le Gouvernement français a mis fin aux ELCO (enseignement de langue et de culture d'origine) financés par la Turquie comme un élément de son "soft power". En revanche, N. Sarkozy -qui était président, G. de Robien ministre et J-M Blanquer, DGESCO, étaient beaucoup moins regardants, s'agissant d'Al Kindi à Lyon, financé par le Qatar et semblant jouir encore d'une certaine bienveillance.

"L'Ecole hors de la République", Anna Erelle et Jaques Duplessy, Robert Laffont, 305 p., 19€

* Anna Erelle, journaliste, écrit sous pseudo, étant sous le coup d'une fatwa. Elle est l'auteur de "Dans la peau d'une djihadiste".

** Jacques Duplessy, journaliste, a publié "Le Tour de France de la corruption" et "A. Beltrame, le héros dont la France a besoin"

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