L'enseignement explicite n'est pas une panacée (CSEN)
Paru dans Scolaire le jeudi 09 juin 2022.
Le CSEN (Conseil scientifique de l'Education nationale) publie un plaidoyer pour "l’enseignement explicite". Celui-ci "a montré une grande efficacité pour l’apprentissage de notions nouvelles", tandis qu'un enseignement "davantage axé sur la résolution de problèmes peut être profitable lorsque les élèves ont déjà acquis une bonne maîtrise de la notion ou du domaine étudié". L'auteur, Pascal Bressoux* (Université Grenoble Alpes), ajoute : "Plus les apprenants ont une maîtrise de l’objet d’apprentissage, moins il est nécessaire de l’enseigner explicitement (...). Aucune méthode d’enseignement n’est infaillible (...). L’enseignement explicite a donc toute sa place dans la boîte à outils des enseignants", ce qui suppose qu'ils aient "la flexibilité nécessaire et la capacité de savoir juger quand et comment agir à bon escient en classe".
Le chercheur, considérant que l'enseignement explicite est souvent caricaturé, commence par exposer ce qu'il n'est pas : Ce "n’est pas un enseignement 'traditionnel' ou magistral", "il n’est pas frontal et il ne conduit pas à un apprentissage passif des élèves (...). Tout au contraire, l’enseignement explicite est focalisé sur un engagement actif des élèves dans leurs apprentissages."
Mais c'est "l’enseignant qui mène le jeu, qui enseigne, supervise, interroge ou encore, donne des feed-back". L'enseignement explicite pose en effet une prémisse : "il faut partir du simple pour aller vers le complexe". Il revient donc à l'enseignant "de repérer préalablement les étapes nécessaires à l’acquisition d’une notion", de diviser "la compétence ou le savoir à acquérir en sous-éléments qui seront enseignés spécifiquement". Il ne s'agit donc pas d' "apprendre à l’occasion de", ni d' "apprendre par simple immersion".
Dès lors, un cours est organisé en plusieurs phases. "L’enseignant précise ses objectifs (et) attire l’attention des élèves sur les notions essentielles à maîtriser", puis il "fait une démonstration de l’objet d’apprentissage, expose les notions essentielles à apprendre" avant que les élèves "s’entraînent" collectivement, puis individuellement à la pratique. Enfin "l’enseignant synthétise (...) ce qu’il faut retenir" de la séance. Le rythme doit être soutenu afin d' "optimiser le temps d’apprentissage scolaire".
Cela vaut-il pour toutes les disciplines ? "L’enseignement explicite a d’abord été associé à l’enseignement de tâches dites structurées" comme la mise en oeuvre d'une technique opératoire en mathématiques, ou la maîtrise des correspondances graphème-phonème, de règles de grammaire... Mais, ajoute l'auteur, "l’enseignement explicite a aussi montré son efficacité dans le cas de tâches dites peu structurées, qui (...) ne sont pas décomposables en un nombre défini d’habiletés bien identifiées" comme "comprendre un texte, rédiger une dissertation, résoudre un problème ouvert de mathématiques"... L'enseignant peut en effet "enseigner explicitement des stratégies spécifiques de compréhension", par exemple travailler sur des figures de style ou sur des outils à utiliser systématiquement (dans ce récit, qui fait quoi, pourquoi, quand, où ?). Il s'agit d'éviter que des mécanismes restent "inconscients et donc insuffisamment maîtrisés et conceptualisés".
Cet enseignement explicite peut aussi porter sur les "stratégies qui aident les élèves à planifier, diriger et évaluer des aspects spécifiques de leur propre apprentissage", ce qui "favorise la métacognition et l’autorégulation des élèves".
Le site du CSEN ici
* Avec les contributions de Liliane Sprenger-Charolles, Marie Bocquillon et Marc Demeuse