L'enseignement socio-culturel, une voie de progrès pour les lycées professionnels (une tribune de G. Fotinos)
Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 07 novembre 2022.
Alors que le Gouvernement pose des jalons pour une réforme en profondeur de la voie professionnelle, Georges Fotinos* invite les responsables à se tourner vers l'un des facteurs de succès de l'enseignement professionnel et technologique agricole, "le professeur d'éducation socioculturelle", qu'il considère comme "une voie de progrès à suivre pour les Lycées professionnels de l’Education nationale". Nous publions bien volontiers sa tribune. Selon la formule consacrée, les opinions émises n'engagent que leur auteur.
"A la veille d’une des plus importantes réformes de notre système d’enseignement et de ses conséquences éducatives, sociales, économiques et face à l’émergence d’un des principaux obstacles à sa mise en œuvre : la diminution des enseignements généraux au bénéfice de la formation en entreprise, il nous est apparu nécessaire de faire connaître ou (re) reconnaître un enseignement pédagogique/éducatif ayant prouvé sa valeur et apportant sa contribution à cette problématique d’ensemble : l’enseignement socioculturel en Lycée agricole.
En effet aujourd’hui la très grande majorité des syndicats des personnels concernés mais aussi des mouvements associatifs complémentaires de l’école et des fédérations de parents d’élèves craignent que cette réforme remette en cause la dimension émancipatrice de la formation donnée par le Lycée. Dimension qui repose sur le triptyque : culture, citoyenneté esprit critique et sa pratique active au sein de l’établissement et dans son environnement.
Force est de constater toutefois que les enseignements et actions menés dans ces domaines sont loin d’être présents dans tous les établissements. L’auteur ancien chargé d’Inspection générale de l’Education nationale (Etablissements et Vie Scolaire) peut en témoigner.
Face à ce constat général inquiétant il nous semble que le moment est particulièrement propice pour réfléchir à l’introduction de ce type d’enseignement dans les LP/LPO de l’Education nationale. Enseignement qui existe à la satisfaction de tous (syndicats, communauté éducative, administration) depuis près de 60 ans dans les Lycées agricoles et dont plusieurs ministres de l’Education nationale ont reconnu la valeur.
Afin d’apporter des informations qui permettent au lecteur de se faire une opinion plus précise sur ce type d’enseignant nous reprenons ici les grandes lignes de son "référentiel professionnel et conditions de travail".
Les objectifs et exercice
Le professeur d’éducation socioculturelle exerce ses activités, d’une part, dans le cadre de référentiels de formation et, d’autre part, dans le cadre d’activités d’animation. L’exercice de son métier se structure à partir de 3 objectifs :
→ Education à l’environnement social et culturel . Cette éducation s’appuie sur des connaissances et des méthodes des sciences humaines et sociales
→ Education artistique. Cette éducation se développe à travers des pratiques individuelles et collectives, de l’analyse et de la fréquentation d’œuvre d’artistes, de projets intégrant le travail d’artistes.
→ Education à l’autonomie, la communication humaine et à la coopération. Cette éducation s’appuie sur l’acquisition de méthodes au développement personnel et collectif et se prolonge par un travail de soutien à l’organisation associative des publics en formation.
A noter que le professeur d’ESC intervient à tous les niveaux de formation. Ses domaine de références académiques relèvent des disciplines suivantes : l’éducation artistique et les arts appliqués d’une part , les sciences humaines et sociales d’autre part (telles que la sociologie, l’ethnologie, l’anthropologie, la psychologie sociale, les sciences de l’information et de la communication). Quant aux activités d’animation, elles s’exercent dans le cadre du projet d’établissement et intègrent principalement les prolongements de certains enseignements avec une classe, les actions de médiation culturelle de l’établissement, les activités dans le cadre associatif.
L’ensemble de ses activités se répartit sur deux temps de travail différents : 2/3 du temps pour le référentiel d’enseignement et 1/3 pour les activités d’animation et de développement culturel au sein des EPLFPA (Etablissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole)
A souligner : les professeurs d’éducation socioculturelle sont des professeurs certifiés ou des PLP formés par l’ENSFEA (Ecole nationale supérieure de formation de l’enseignement agricole).
Cet enseignement/animation est d’une part une réponse à la nécessité d'une valorisation de l’enseignement professionnel et à d'améliorer la réussite sociale et citoyenne et d’autre part pourrait être adapté sur un terrain , le LP/LPO, déjà propice par certains côtés : structure des disciplines d’enseignement, pratique du tutorat, co-intervention (enseignement général et enseignement professionnel )… L’expérimentation - à l’image de la réussite de l’introduction de la philosophie dans plusieurs lycées professionnels-, en serait le meilleur vecteur.
Bien sûr nous ne méconnaissons pas la crispation disciplinaire, a priori, que peut déclencher cette proposition. Mais une lecture plus attentive de ce texte et des rapports institutionnels sur ce domaine montre que sans renier l’exigence intellectuelle cette démarche la dépasse et ouvre sur des perspectives d’une véritable démocratisation d’accès aux savoirs et à une orientation/ insertion professionnelle choisie, à l'enseignement supérieur.
* Georges Fotinos a été chargé d’Inspection générale et chargé de mission auprès du du président du Haut Comité éducation économie, il est l'auteur d'un rapport aux ministres de l’Agriculture et de la Pêche, de l’Education nationale , de l’Enseignement professionnel sur la Coopération éducative dans l’Enseignement agricole et l’Education nationale. Il est auteur ou co-auteur de 12 études et rapports sur le climat scolaire et la qualité de vie au travail.