"Enseigner à produire autrement" implique une "autre manière d'enseigner" (Enseignement agricole)
Paru dans Scolaire le mardi 14 octobre 2014.
L'agro-écolologie n'est pas seulement une discipline nouvelle dans les référentiels des formations de l'enseignement agricole qui se mettent progressivement en place, elle implique "une posture complètement différente", puisqu'il s'agit de "gérer l'incertitude". Dès lors les enseignants ne transmettent plus des savoirs au sens de recettes à appliquer, mais la capacité à analyser une situation, ce qui suppose "une autre manière d'enseigner". Isabelle Plassais est proviseure du lycée agricole de La Motte Servolex (près de Chambéry) et elle participe au séminaire annuel des chefs d'établissement de l'enseignement public, qu'ouvrait ce 14 octobre le ministre de l'agriculture Stéphane Le Foll. Une rencontre informelle avec la presse a permis de faire le point sur l'impact qu'aura la loi d'avenir, publiée ce matin au Journal officiel (ici).
Celle-ci comprend un chapitre (articles 60 à 65) consacré à la formation, à la recherche et au "développement" et elle prévoit notamment que les ateliers ou exploitations agricoles des établissements d'enseignement "contribuent à la démonstration, à l'expérimentation et à la diffusion des techniques nouvelles". Ils doivent donc être "exemplaires". Dans le lycée savoyard, par exemple, ont été mis en place un système de séchage solaire du foin et une unité de méthanisation. La revente d'électricité à EDF rapporte 80 000 €/an. Au lycée du Paraclet, à Cottenchy près d'Amiens, l'exploitation met en place une chaudière "bio masse" et développe un projet d'agro-tourisme.
Peu de réticences de la part de la profession
"Nous n'avons pas senti de réticences de la part de la profession", indique son proviseur Godfrey Browne, pour qui les freins viendraient plutôt de certains enseignants, même si, pour beaucoup, la loi vient "reconnaître le travail déjà engagé" et "notre capacité à répondre aux attentes de la société", estime sa collègue de La Motte Servolex pour qui elle constitue aussi un encouragement à "aller plus loin". Phillippe Schnabele, chef du service "enseignement technique" au ministère de l'agriculture, admet que la profession n'est pas toujours acquise à l'agro-écologie, mais les présidents des conseils d'administration des établissements, qui sont souvent des responsables de haut niveau, le sont ... même s'ils ont parfois la nostalgie de l'enseignement tel qu'ils l'ont reçu lorsqu'ils étaient eux-mêmes élèves. Leurs successeurs peuvent d'ailleurs trouver plus confortable une transmission de savoirs sur un mode traditionnel que d'être mis dans une situation qui "demande de réfléchir" à l'ensemble des paramètres techniques, économiques, administratifs, qui amènent à choisir une solution plutôt qu'une autre.
La loi prévoit aussi qu'un "Comité national d'expertise de l'innovation pédagogique" sera "chargé d'accompagner les innovations pédagogiques et les expérimentations dans l'enseignement agricole". Il réunit des experts en sciences de l'éducation et il est présidé par Michel Fayol (université de Clermont-Ferrand, spécialiste de psychologie cognitive). Parmi ses membres figure Jean-François Cerisier (université de Poitiers, spécialiste du numérique éducatif). "Nous voulions un regard extérieur à l'enseignement agricole", précise Phillippe Schnabele.
Un MEEF pour l'enseignement agricole
Selon l'article 64 de ce texte, l'ENFA (l'Ecole nationale de formation agronomique de Toulouse) qui est chargée de la formation des personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement agricole peut être accréditée "par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'enseignement supérieur", ce qui "emporte l'habilitation de l'établissement pour délivrer le diplôme national de master dans les domaines des métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation". La démarche est en cours, assure à ToutEduc Phillippe Schnabele. Le MEEF devrait donc être en place à la rentrée 2015 et les stagiaires recevront, comme dans les ESPE, une formation en alternance.