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Rythmes scolaires: la Ville de Marseille contrainte par décision judiciaire d'appliquer la réforme dans toutes les écoles d'ici le 21 novembre 2014

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 14 octobre 2014.

La Ville de Marseille a été contrainte, par décision judiciaire rendue ce vendredi 10 octobre 2014, d'appliquer la réforme des rythmes scolaires dans toutes les écoles. À ce jour, et depuis le 3 octobre, seules 42 écoles sur les 440 que compte la ville bénéficient d'activités périscolaires le vendredi après-midi, et seulement 10 à 20% des autres bénéficient d'une garderie ce même jour pour compenser l'absence d'activités, selon l'estimation faite par les 22 parents d'élèves qui ont saisi le juge des référés pour une "demande de mesure-utile".

Le juge enjointn à la Ville d'ouvrir des garderies les vendredis après-midis dans les écoles où n'ont pas été mises en place des activités. À compter du 21 novembre, la mesure judiciaire contraint par ailleurs la mairie à mettre en place les activités périscolaires dans toutes les écoles. La mairie s'était engagée à étendre ces activités à 200 écoles après les vacances d'automne et, en septembre, à assurer des garderies municipales en attendant leur mise en place.

Si la mesure prononcée n’est pas appliquée, et en l'absence de mise en place d'une garderie à partir du 7 novembre, la mairie devra verser 50 euros par famille plaignante et par jour de retard. Elle sera soumise à même astreinte si, dès le 21 novembre, les activités périscolaires ne sont pas mises en place dans toutes les écoles.

Un cas "original" parce que le procès vise une mairie qui ne refuse pas d'appliquer mais ne le fait pas

"Difficile de dire" si la décision fera jurisprudence, selon l'avocat des plaignants, Benoit Candon. "Parce qu'un référé mesure-utile est une procédure assez rare et qu'il y a donc de toute façon peu de références en la matière." Néanmoins, l'affaire est "originale" parce que "jusqu'à présent, des procès étaient intentés par des préfets ou des parents à des mairies qui refusaient de mettre en place la réforme. Ici, la mairie ne disait pas qu'elle refusait la mise en place des rythmes, mais elle le faisait tellement mollement qu'on n'y croyait plus!"

Pour rendre sa décision, le juge s'est d'ailleurs appuyé sur les promesses d'engagement "non tenues" de la mairie. L'ordonnance du tribunal administratif rappelle celle "de proposer des programmes d’activités périscolaires pour le vendredi après-midi et à déployer ces activités progressivement au cours du premier trimestre scolaire au fur et à mesure de leur validation", prise par le maire de Marseille dans une lettre en date du 25 août 2014, envoyée aux parents d’élèves des écoles publiques de Marseille. Elle rappelle aussi celle de l’adjointe au maire déléguée aux écoles maternelles et élémentaires et soutien scolaire. Dans un courrier daté du 8 septembre et envoyé aux directeurs des écoles, celle-ci avait indiqué "qu’elle souhaitait offrir une solution de garde à tous les parents qui sont dans l’impossibilité de reprendre leurs enfants à l’heure de la sortie de la cantine le vendredi à 13h30 et ceci dès le vendredi 12 septembre 2014". Ce second engagement avait été pris suite à une première vague de grogne de parents, et une première saisine du juge des référés, saisine pour laquelle les plaignants s'étaient désistés suite à ce courrier.

Le juge des référés a également retenu le "caractère d'urgence" invoqué par les parents: des enfants exposés à un "risque" "pour leur sécurité", dès lors que "leurs parents ne peuvent aller les chercher ou les occuper le vendredi après-midi". Les plaignants avaient aussi évoqué un préjudice sur le plan éducatif.

"La vraie aberration: l'emploi du temps validé par le recteur"

Pour autant, selon l'avocat, la "vraie aberration" réside dans l'aménagement des rythmes, soit des horaires calés les lundi, mardi et jeudi de 8h30 à 11h30 et de 13h30 à 16h30, et le mercredi et le vendredi de 8h30 à 11h30, avec les activités regroupées le vendredi après-midi. Un "non-sens", selon lui, que "le recteur n'aurait jamais dû accepter!". "La base de la réforme est de diminuer des journées trop longues", poursuit-il. "Or ici, la mairie a décidé de conserver les 6 heures par jour et de rajouter le mercredi! Selon le décret Peillon, le recteur doit veiller au bien-être éducatif." Les parents avaient d'ailleurs intenté un procès également en septembre contre le recteur, demande pour laquelle ils avaient été déboutés.

Benoit Candon pointe également "un problème de mise en œuvre": "comment recruter 2 à 3000 animateurs pour 3 heures payées au lance-pierre! Il n'y aura jamais autant d'animateurs valables libres au même moment!" Un problème qui sera impossible à résoudre selon l'avocat qui estime que "si l'on ne peut pas recruter à la rentrée, on ne le pourra pas après".

Face au chaos, pourquoi ne pas revenir sur ces choix?

La mairie a indiqué qu'elle se pourvoirait en cassation. Dans sa défense, la Ville avait notamment objecté que les mesures sollicitées étaient "inutiles alors qu'il n'y a pas d'obligation pour la commune d’organiser des activités périscolaires et/ou de garderie des élèves le vendredi après-midi". Ce que confirme Benoit Candon. "Il n'y a pas d'obligation formelle d'organiser des activités périscolaires puisqu'un décret ne permet d'instaurer que des obligations à charge de l’Éducation nationale et non des communes", explique-t-il. "Il aurait fallu voter une loi, ce qui aurait permis d'éviter ce désordre." Pour autant, poursuit-il, "la mairie ne peut s'appuyer sur cet aspect facultatif, puisqu'elle a demandé une dérogation, autorisée dans le cadre du décret Hamon et, de ce fait, s'est donc engagée à mettre en place des activités. Et c'est aussi sur cette base que le recteur a validé l'aménagement des temps. L'obligation naît de cet engagement. La mairie ne peut pas, dès lors que c'est facultatif dire 'je suis libre de vous mener en bateau'. En faisant des promesses elle met des parents dans une situation impossible!"

Selon la presse locale, le maire aurait signifié qu'il pourrait faire payer aux Marseillais le coût de la réforme (estimé à 29 millions d'euros pour 74 000 écoliers concernés) et n'excluait pas la possibilité d'augmenter les impôts en 2015.

Benoit Candon estime de son côté que "face au chaos qu'il y a à Marseille, une mairie de mauvaise foi et un emploi du temps aberrant et si l'application se révèle impossible, il n'y aurait rien d'idiot à revenir en arrière. Une autorité administrative peut toujours revenir sur ses choix, exiger d'autres propositions d'emplois du temps ou en faire valider un plus 'classique'". L'avocat envisage d'ores et déjà d'envoyer un courrier au recteur, au nom de plusieurs parents, pour lui demander de revenir sur sa décision.

aiCamille Pons

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