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Formation des enseignants, de la technique à l'éthique (revue Diversité)

Paru dans Scolaire le vendredi 10 octobre 2014.

Sylvie Grau était professeur de mathématiques depuis plus de trente ans. Elle a démissionné et elle en fait le récit dans le dernier numéro de la revue Diversité qui vient de paraître. "Ce qui m’a manqué, au final, c’est une connaissance des valeurs véhiculées par le collège aujourd’hui. Le système de notation, qui valorise les bons élèves uniquement par la présence d’élèves en difficulté, rend tout travail sur la coopération impossible (...) Si on analyse nos pratiques au regard des trois champs que sont le droit, la morale et l’éthique, on voit bien que, dans le cas des élèves issus de milieux défavorisés, l’école les accuse systématiquement de ne pas respecter le règlement intérieur, de suivre une morale religieuse ou une éthique différente des nôtres. En fait, à part le règlement qui est posé par écrit, la morale et l’éthique dont relève notre République ne sont pas suffisamment explicitées et travaillées par l’école, elles ne sont donc pas partagées par les personnels et ne peuvent pas unifier les actions."

Cette question de l'éthique traverse tout ce numéro. Comme l'écrit Régis Guyon dans son éditorial, "définir et cerner les métiers de l’éducation a priori est un exercice éminemment difficile", et si un cadre peut être posé, les enseignants doivent l'adapter "constamment aux situations et aux contextes rencontrés". On peut, avec Luc Ria (chaire UNESCO formation des enseignants) souligner que la professionnalisation des enseignants permettra, "in fine", de gagner en efficacité, influera sur l' "ambiance des établissements et induira une réduction du turnover... Et on peut, avec lui, poser la question de la formation des formateurs d'enseignants. Pour Patrick Rayou (Paris-VIII), l’enseignement fait en effet partie des "métiers flous" qui appellent "des traitements contextualisés et pragmatiques des difficultés", ce qui explique que les jeunes en formation soient "dans l’attente de l’aide d' 'amis critiques', de figures auxquelles ils peuvent s’identifier, qui leur apportent de quoi nourrir leurs pratiques". Mais, souligne Catherine Delarue-Breton (Paris-XII), cette nouvelle professionnalisation oblige les enseignants à "remettre en question des savoirs d’expérience, des pratiques ou des convictions fortes, constitutives de l’identité professionnelle".

Une éthique professionnelle appliquée

Valérie Melin, à propos du micro-lycée de Senart évoque pour sa part "le modèle du professionnalisme ouvert qui reconnaît le praticien comme un innovateur, capable de se perfectionner lui-même, d’analyser ses actions et d’évaluer le résultat de ses interventions en vue d’améliorer la qualité de l’éducation". Cela suppose "le renforcement des contenants pour éviter l’éclatement du sujet sous la pression du défi, le développement de l’étayage pour construire la formation, l’existence d’instances de médiation (...), et enfin, un réseau complexe de relations à différents niveaux entre les pairs qui favorisent la solidarité et l’échange de ressources".

Encore faut-il que l'institution soutienne les individus. Françoise Lorcerie (CNRS, Aix-en-Provence) s'inquiète de voir l'Ecole, "la première institution du pays par sa taille, par son enjeu collectif et par son poids budgétaire" incapable d'assumer "de façon raisonnablement satisfaisante le mandat que lui désigne la nation par la loi". D'ailleurs, la loi de refondation ne serait-elle pas "un leurre" ? Sans aller jusque là, il faut bien voir que "la perspective de collectifs plus autonomes implique que la dimension éthique de la profession soit prise au sérieux". Comme c'est, en France, "l’État qui forme et qui recrute", celui-ci doit "organiser la formation spécifique qui la confortera". Elle évoque plusieurs principes simples, dont "privilégier le bien-être, le développement et le progrès des enfants et des jeunes", "faire preuve de respect pour la diversité et promouvoir l’égalité", "coopérer avec les autres professionnels", "faire preuve d’honnêteté et d’intégrité, et entretenir la confiance publique dans la profession enseignante". Dans le cadre de la formation des enseignants, on peut "partir des situations qu’ils ont vécues en classe" pour construire une "éthique professionnelle appliquée" et échapper au pessimisme.

Alerter sans alarmer

Car ajoute Geneviève Zoïa (Montpellier), il s'agit "de concevoir une formation qui alerte les futurs enseignants sans les alarmer, qui les amène à prendre du recul par rapport à leurs présupposés sans se culpabiliser, qui les encourage à se décentrer sans abandonner leur place, qui les introduise à la complexité sans les conduire à l’impuissance du relativisme". Mais "force est de constater que le chantier reste très largement ouvert."

Diversité n° 177, "Formation, (trans)formation : enjeux et perspectives pour l’éducation", 172 p. 15 €, réseau Canopé-CNDP, contact ici

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