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Jean-Michel Blanquer, ancien DGESCO, propose un programme pour l'Ecole ("L'Ecole de la vie", Odile Jacob)

Paru dans Scolaire le mercredi 03 septembre 2014.

Jean-Michel Blanquer publie "L'Ecole de la vie", un essai dans lequel il tire les leçons de son expérience de haut-fonctionnaire de l'Education nationale. Nommé par Gilles de Robien recteur de Guyane, il est ensuite directeur adjoint du cabinet du ministre, avant d'être nommé recteur de Créteil par Xavier Darcos puis DGESCO (directeur général de l'enseignement scolaire) par Luc Chatel. Mais s'il rend hommage, assez discrètement, aux ministres qu'il a servis et qui l'ont soutenu dans son action, il écrit à la première personne  et l'expression "je décide" revient souvent. Ce "je" ne laisse place au "nous" que quand il s'agit d'une équipe dont il a lui-même choisi les membres : "Ensemble, nous travaillons d'arrache-pied pour bâtir le projet, franchir toutes les barrières, vaincre les scepticismes et les objections de tous ordres" (il s'agit de l'internat d'excellence de Sourdun). Mis à part un hommage aux efforts que Robien a déployés pour donner "un coup d'arrêt aux ravages de la méthode globale", une rapide évocation de la transformation des internats d'excellence en "internats de la réussite" après son départ ou de la suppression des évaluations-bilans de CE1 et de CM2 "malgré toutes leurs vertus", et une non moins rapide, mais timide, défense des suppressions de postes, l'auteur parle peu l'action de ses prédécesseurs, ni de celle de ses successeurs, Vincent Peillon et Jean-Paul Delahaye. Il ne dit rien non plus des conséquences de décisions qu'il n'avait pas prises lui-même mais qu'il a dû assumer, comme la suppression du samedi matin ou la mise en place, avortée, de nouvelles modalités d'évaluation des enseignants.

Malgré quelques pages très personnelles, comme celles où il raconte, avec un véritable talent d'écrivain, le moment où il a cru mourir noyé après un accident de pirogue sur le Maroni, fleuve dont il devait affronter les rapides pour rencontrer des enseignants isolés dans un village de la forêt, et malgré un caractère fortement auto-centré, cet essai n'est pas vraiment un plaidoyer pro domo. Sans-doute Jean-Michel Blanquer se verrait-il bien, un jour, ministre de l'Education nationale, sans-doute cherche-t-il à éviter que l'opinion publique ne retienne des années 2007-2012 que les polémiques sur le non-remplacement des enseignants partant à la retraite. Il liste tous les chantiers ouverts, et menés à bien de son point de vue, mais son ambition est toute autre, c'est celle d'un militant de la cause scolaire. Elle apparaît dès les premières pages : "j'éviterai, autant que possible, les polémiques puisque l'une de mes thèses est que nous ne progresserons que par une cohésion nationale autour du sujet éducatif." Il convient donc de "développer des politiques publiques sur les bases les plus scientifiques possible" et de "transcender les clivages politiques et les blocages idéologiques en mettant en oeuvre des mesures qui s'appuient sur la force de la preuve". Et pour éviter que les alternances politiques produisent du "stop and go", il est nécessaire "d'imprégner l'ensemble du système d'une logique scientifique".

L'auteur évoque pourtant les polémiques qui n'ont pourtant pas manqué lorsqu'il était aux responsabilités, rue de Grenelle. Le rapport de l'inspection générale sur le programme expérimental PARLER, qu’il a soutenu et qu’il continue de soutenir, est sévère ? C'est qu'une "partie" de ce corps préfère "nier l'évidence" que reconnaître ses erreurs passées, quand elle soutenait la méthode globale. Les enseignants étaient prêts à adhérer à ses réformes, mais les syndicats les en ont empêchés, puisqu’ils constituent une barrière entre les enseignants et le ministère, et certains pratiquent de plus la politique de "la terre brûlée"; le paritarisme représente d'ailleurs un "gaspillage d'énergie incroyable". Les représentants nationaux de la FCPE ont "un comportement militant". Les journalistes ne valent souvent guère mieux, malgré quelques exceptions. S'ils n'étaient pas de mauvaise foi, ses interlocuteurs auraient en effet reconnu les évidences scientifiques sur lesquelles il a fondé son action.

Une réforme du système scolaire

Même s'il s'en défend, Jean-Michel Blanquer n'évite pas lui-même la polémique, lorsqu'il récuse la parole de ses adversaires, ou lorsqu'il cite les conclusions de l'Ecole d'économie de Paris favorables à la "mallette des parents" mais les oublie lorsqu'elles sont moins favorables aux internats d'excellence. Il considère comme indiscutables les travaux scientifiques de Stanislas Dehaene, mais balaie d'un mot les "sciences de l'éducation" qui portent un regard souvent sévère sur les neurosciences et plus encore sur la possibilité d'induire du fonctionnement du cerveau le fonctionnement d'une classe.

Car l'auteur ne se contente pas d'un regard rétrospectif sur son action, il propose, par petites touches, une réforme du système éducatif. Il faudrait tout d'abord que les enseignants cessent "de se cacher derrière le paravent de la liberté pédagogique" et qu'ils acceptent "un adossement" scientifique à leurs pratiques; leur formation doit d’ailleurs s'appuyer sur la recherche "nationale et internationale", mais uniquement celle qui est favorable à la "pédagogie explicite", "clé du rebond de notre école". Il faudrait réorganiser totalement la gouvernance des collèges et des lycées. Disposant d'une autonomie beaucoup plus forte, ceux-ci auraient à leur tête un chef d'établissement qui conserverait "quand c'est possible, une activité d'enseignement", mais qui appartiendrait au même corps que les inspecteurs pédagogiques (les IA-IPR). Ils ne seraient pas seuls maîtres à bord, l'équipe de direction pourrait être composée d'une dizaine d'adultes "dont une bonne partie serait des enseignants acceptant de prendre des responsabilités et de jouer un véritable rôle d'adjoints pédagogiques". Leur temps d'enseignement serait réduit puisqu'au lieu de devoir 18 heures de cours, un professeur "pourrait en faire vingt-cinq ou bien dix (…) voire aucune, pendant un an, mais trente l'année suivante."

"L'Ecole de la vie", on le voit, est un livre militant, qui n'évite pas les sujets qui fâchent.

"L'Ecole de la vie, pour que chacun puisse réussir", Jean-Michel Blanquer, Odile Jacob (collection dirigée par Stanislas Dehaene), 320 p., 22,90 €

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